Les Ehpads et le grand âge

L’Humanité - Grand âge. La colère des familles de retraités de la Chêneraie

Avril 2019, par Info santé sécu social

Mardi, 2 Avril, 2019

Une probable intoxication alimentaire dans un Ehpad de la région toulousaine a fait cinq morts et plus de dix malades, dimanche soir.

« Inadmissible ! » Alain Lapeyre, dont la mère, résidente de l’Ehpad de la Chêneraie, est décédée d’une probable intoxication alimentaire, ne décolère pas. « On paye pas loin de 3 000 euros par mois. Il faut que la lumière soit faite là-dessus. Je vais porter plainte ! » Après la mort, dans la nuit de dimanche à lundi, de cinq résidents de cet établissement de la région toulousaine et l’hospitalisation de 15 d’entre eux, les familles s’interrogent. « Au prix où on paie, on a droit à un service maximal. Ce n’est pas le cas. Il y a un manquement quelque part ! » souligne Marie, dont le père de 78 ans est sorti indemne.

Les repas étaient-ils préparés sur place ? Plusieurs familles de pensionnaires affirment qu’ils avaient été livrés. Une information démentie par le groupe Korian, propriétaire de l’établissement depuis son rachat en janvier à l’entreprise Omega. Leader européen du secteur, Korian a aussi annoncé l’ouverture d’une enquête interne. « Je ne peux pas dire si le cuisinier a fait une erreur, mais il ne peut pas être le seul lampiste. Sur le terrain, on voit bien que la logique qui consiste à dégager de la rentabilité pousse les directeurs d’établissements à faire des économies partout », analyse Albert Papadacci, délégué syndical central CGT à Korian et ancien cuisinier. Dès lundi, le parquet de Toulouse a ouvert une enquête pour « homicides involontaires et blessures involontaires ». En lien avec la justice, l’agence régionale de santé (ARS) a commencé à chercher les causes des décès. Les plateaux-repas ont été mis sous séquestre pour analyse.

Le drame de la Chêneraie survient dans un contexte de financiarisation du secteur. En 2017, déjà, l’émission Pièces à conviction avait révélé que dans les Ehpad du groupe Korian, comme dans d’autres groupes privés, le montant alloué pour la nourriture d’un résident s’élève au maximum à 4,50 euros par jour pour quatre repas. À ce prix-là, difficile de fournir de la qualité, même en respectant les normes sanitaires. Ces économies sont d’autant plus incompréhensibles que les familles payent des sommes colossales et qu’une grande partie des frais, notamment ceux liés aux soins, sont financés par le département et l’ARS. « Le secteur dégage des profits colossaux », rappelle Albert Papadacci. Coté en Bourse, Korian a fait, l’année dernière, 3,34 milliards d’euros de bénéfices. Aujourd’hui, avec le scandale de la Chêneraie, il vient de perdre 7 % en Bourse.

Camille Bauer