Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

L’Humanité - PSYCHIATRIE IL Y A URGENCE ! LE BILLET DU DR CHRISTOPHE PRUDHOMME.

Juillet 2020, par Info santé sécu social

Christophe Prudhomme est médecin au Samu 93.

Alors que les différentes luttes menées ces dernières années ont crûment mis en lumière la grande misère du secteur psychiatrique, les mesures prévues par le Ségur de la santé sont indigentes. Comme le dit un collègue, nous sommes face à la « vitrine d’un magasin à l’abandon ».

Depuis des années, les urgentistes dénoncent le fait que les patients n’ont plus accès à des soins adaptés et sont pour une bonne part dans la rue ou en prison. Les SDF, dont près de 60 % souffriraient de troubles psychiatriques, arrivent fréquemment aux urgences où trop souvent la seule solution, par manque de moyens, est de les renvoyer dans la rue. En prison, alors que, selon une étude qui mériterait d’être confirmée, 8 hommes sur 10 incarcérés souffriraient de troubles psychiatriques, Adeline Hazan, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dénonce le fait que « la crise démographique de la psychiatrie française s’y ressent de manière plus sensible qu’ailleurs ». En ce qui concerne les enfants, la pédopsychiatrie est sûrement le secteur le plus sinistré avec des délais de prise en charge de plusieurs mois, ce qui est totalement incompatible avec l’urgence des situations qui mettent les parents dans la détresse.

Que nous propose le gouvernement ? Un numéro d’appel « suicide » et l’embauche de 160 psychologues pour l’ensemble du territoire dans le cadre d’un plan d’un montant de 40 millions d’euros ! Alors que, dans ce secteur plus qu’ailleurs, la prise en charge nécessite du personnel en nombre suffisant, aucun plan de formation et d’embauche n’est mis en place. Par ailleurs, les fermetures de lits, de places et de structures se poursuivent sur le terrain, en utilisant justement l’argument du manque de personnel. Quelle duplicité !

La psychiatrie doit aujourd’hui constituer une priorité en termes de santé publique. L’évolution de nos sociétés privilégiant notamment la performance individuelle au détriment du collectif a entraîné une très forte augmentation des pathologies psychiatriques qui touchent au sens large environ 20 % de la population. L’autre élément à prendre en compte est que, lors des situations de crise, les besoins augmentent, ce qui a été démontré après la crise de 2008 et que nous constatons aujourd’hui au sortir du confinement.

Il y a donc urgence à exiger un véritable plan national pour la psychiatrie qui associe des mesures immédiates, à moyen et à long terme. Oui à long terme, car un nombre très important de patients auront besoin d’une prise en charge tout au long de leur vie, souffrant de pathologies chroniques qui nécessitent un accompagnement pluriprofessionnel incluant aussi la dimension sociale.