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L’Humanité - Les comptes tronqués du trou de la Sécurité sociale

Octobre 2017, par Info santé sécu social

Le déficit de la Sécurité sociale fait à nouveau office d’épouvantail pour justifier l’austérité du PLFSS. Mais cela se base sur un calcul tronqué.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit une dizaine de mesures dont le but serait de réduire le fameux « trou de la Sécu ». Selon les prévisions avancées par le gouvernement, bien qu’en baisse, le déficit atteindrait tout de même 5,2 milliards d’euros en 2017. Mais la méthode de calcul de ce déficit est contestée par les économistes atterrés, qui déplorent que la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) soit exclue de ses résultats. Cette caisse, créée en 1996, prend en charge la dette des trois branches de la Sécurité sociale santé, travail, vieillesse et bénéficie de recettes spécifiques : une partie de la CSG et l’intégralité de la très justement nommée contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Fin 2014, cette caisse avait remboursé quasiment la moitié des 226 milliards de dette de la Sécurité sociale. Henri Sterdyniak, auteur du chapitre consacré à la Sécurité sociale dans une note récente du collectif des économistes atterrés intitulée« 2018, un budget de classe », obtient un tout autre résultat : « En comptabilité nationale, le compte des administrations de Sécurité sociale (qui cumule les budgets de la Cades, de l’Unedic, de l’Arrco, de l’Agirc, etc.) est excédentaire de 0,2 point de PIB en 2017. »

Le gouvernement joue sans vergogne avec ces deux méthodes de calcul. Dans le document du PLFSS 2018, il avance, page 9, le chiffre de 5,2 milliards d’euros de prévision de déficit pour 2017. Il justifie ainsi la nouvelle coupe de 3 milliards d’euros avec l’espoir de réduire le déficit à 2,2 milliards en 2018. Pourtant, deux pages plus loin dans ce même document, le gouvernement se félicite des réussites des coupes budgétaires et annonce que la Sécurité sociale pourra se désendetter de plus de 10 milliards d’euros net en 2017. Tergiverser sur la méthode de calcul est néanmoins insuffisant. La Sécurité sociale est financée en grande partie par le travail via les cotisations. L’austérité génère un cercle vicieux, une boucle sans fin. Les coupes budgétaires, suppressions de postes et baisses de salaire entraînent moins de recettes, qui elles-mêmes obligent à de nouvelles mesures d’austérité pour les compenser et ainsi de suite « Il ne faut pas oublier qu’un point d’emploi en moins coûte environ 6,8 milliards d’euros à la protection sociale, écrit Henri Sterdyniak.

Un déficit de 4,5 % d’emploi, c’est 30,6 milliards d’euros en moins. L’équilibre financier de la protection sociale en 2017 a donc été obtenu par des politiques d’austérité en matière de recettes comme de dépenses. » Ainsi, les recettes de la Sécurité sociale augmentent avec la masse salariale. Favoriser les embauches et les augmentations de salaire permettrait de sortir par le haut de ce cercle vicieux et d’améliorer les prestations sociales. Ces dernières sont indexées sur les prix ou plafonnées arbitrairement. C’est le cas pour les médicaments. Pour les économistes atterrés, il conviendrait d’indexer les prestations sociales sur les salaires et non sur l’inflation (1 % cette année). Cela aurait permis de doubler le montant des revalorisations ces trois dernières années. Et d’éviter les économies de bouts de chandelle du gouvernement au détriment du pouvoir d’achat des plus fragiles, comme il vient de le faire, en repoussant de dix mois sa promesse d’augmentation de l’allocation adulte handicapée et de six mois le minimum vieillesse.

par Pierric Marissal