Les retraites

L’Humanité - Michaël Zemmour : « Le retrait de l’âge pivot est une simple modalité technique »

Janvier 2020, par Info santé sécu social

Le 14 janvier 2020

L’annonce du premier ministre ne change rien à la nature du projet de système à points, dont le principe est d’ajuster les pensions aux recettes, quel que soit le levier utilisé, explique l’économiste Michaël Zemmour.

Michaël Zemmour Chercheur à Sciences-Po

L’âge pivot est-il un axe structurant de la réforme ou une simple mesure budgétaire ajoutée au projet ?

Michaël Zemmour Ce qu’on appelle l’âge pivot recouvre en fait deux objectifs distincts. Avant le passage au système à points, cette mesure devait servir à faire des économies immédiates via des baisses de retraite assez conséquentes pour les personnes nées entre 1960 et 1975. C’est un dispositif à peu près équivalant, dans ses effets, à l’allongement de la durée de cotisation ou le report de l’âge légal de départ, avec jusqu’à 8 % d’économies attendues sur les pensions des personnes bientôt à la retraite, soit 12 milliards d’euros. Et dans le cadre du système à points, l’âge pivot est l’outil choisi par le gouvernement afin d’ajuster automatiquement les pensions aux recettes. À mesure que l’espérance de vie augmente, l’âge pivot se décale. En partant toujours au même âge, on recevra une pension moindre pour un nombre identique de points. Dans le système actuel, l’âge pivot est donc le moyen de réaliser des économies immédiate, et dans le régime à points, c’est le levier d’ajustement du système.

L’âge pivot peut-il être retiré sans dommages pour la cohérence du projet ?

Michaël Zemmour Il existe différentes manières de parvenir aux mêmes objectifs dans les deux cas. Dans le système actuel, vous pouvez faire les économies d’une autre façon. Mais un tout autre choix est possible aussi, qui consisterait à ne pas diminuer les droits des retraités : ce serait alors un vrai recul de la part d’Édouard Philippe, tandis que le premier choix est une simple modalité technique. Dans le système à points, c’est différent : soit celui-ci comporte un âge pivot qui peut évoluer, et on peut vous garantir une valeur du point indexée sur les salaires par exemple, mais qui fluctuera dans les faits en fonction de l’âge. Soit on retire l’âge pivot (ce qui n’est pas le choix d’Édouard Philippe – NDLR), mais alors c’est la valeur du point qui devient le levier d’ajustement principal. Les deux options sont possibles, pour parvenir sensiblement au même résultat.

Hors de l’âge pivot et de la valeur du point, et sans toucher à l’âge légal de la retraite, existe-t-il d’autres leviers pour équilibrer les dépenses et les recettes dans un système à points ?

Michaël Zemmour Non pas vraiment. Rappelons d’ailleurs que, dans le projet du gouvernement, la valeur du point ne serait pas au départ indexée sur les salaires mais sur les prix. Celle-ci serait ensuite progressivement réévaluée comme les salaires. Cette indexation est un objectif, mais pas garantie fermement par la loi. Le fond du système à points est d’être à cotisation définies, c’est-à-dire que le niveau des pensions supporte le risque de l’ajustement.

C’ est à dire que l’équilibre budgétaire sera toujours prioritaire sur la valeur du point ?est-à-dire que l’équilibre budgétaire sera toujours prioritaire sur la valeur du point ?

Michaël Zemmour Oui, c’est comme cela que j’interprète la « règle d’or » inscrite dans le projet de loi organique. Notons que celle-ci vaut pour le système à points, mais que sa mise en œuvre est anticipée dès 2025. C’est un peu le trait d’union entre les mesures d’économies immédiates exigées par le premier ministre et la réforme systémique. Dans les deux cas, l’idée est d’ajuster les pensions aux recettes.

Entretien réalisé par Sébastien Crépel