Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

L’Humanité - Pendant et après le confinement, ces dangers qui guettent les salariés

Avril 2020, par Info santé sécu social

L’Humanité, 30 avril 2020

Arguant du ralentissement de l’économie lié à la pandémie, gouvernement et patronat tentent de se servir des employés comme d’amortisseurs à la crise.

Si les attaques contre les droits des salariés n’ont globalement pas connu de trêve pendant le confinement, le maintien de certaines dispositions au-delà de cette période, voire de nouvelles régressions, se profilent déjà. Qu’elles émanent du gouvernement ou du patronat, ces tentatives de faire payer aux travailleurs la crise pandémique rencontrent l’opposition des syndicats, qui préparent eux aussi un déconfinement social dans les entreprises et potentiellement dans la rue.

En application de la loi d’urgence sanitaire, le gouvernement a adopté le 25 mars une ordonnance visant notamment à accroître la durée maximale du temps de travail dans les entreprises « relevant de secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale ». Ce texte permet de faire travailler les salariés concernés jusqu’à 12 heures par jour (contre 10 heures auparavant) et jusqu’à 60 heures par semaine (au lieu de 48 heures). Parallèlement, le temps de repos entre deux journées de travail peut être réduit à 9 heures consécutives (au lieu de 11 heures). La durée maximale pour les travailleurs de nuit est aussi assouplie.

Une offensive patronale sur la flexibilité

En permettant également aux employeurs d’imposer la prise de 10 jours de RTT et de 6 jours ouvrables de congés payés (moyennant accord collectif) avec un seul jour de prévenance, l’exécutif a là encore entamé le droit au repos des salariés. Un recul qui touche aussi la fonction publique, puisqu’une ordonnance a été adoptée par le gouvernement le 15 avril afin d’imposer aux agents la prise de 10 jours de congés annuels.

Enfin, par une autre ordonnance datée du 22 avril, l’exécutif autorise les entreprises à raccourcir les délais de consultation et d’expertise des comités sociaux et économiques (CSE) à 8 jours (contre un à trois mois auparavant) pour examiner l’adaptation de l’organisation du travail à l’épidémie de Covid-19. Des dispositions valides jusqu’au… 31 décembre 2020, soit bien après la période de confinement.

Au-delà des dispositions prévues par les ordonnances de ces dernières semaines, les employeurs préparent déjà des accords de compétitivité pour tenter de sauvegarder leurs profits au détriment des conditions de travail des salariés. Si, face à un rejet syndical unanime, la Fnac a récemment reculé sur son projet d’allonger le temps de travail à 43 heures hebdomadaires maximales contre une indemnisation à 100 % du chômage partiel, d’autres entreprises ont réussi à trouver un appui syndical à ces régressions sociales. Chez Renault, la CFDT, FO et la CFE-CGC ont conclu un accord avec la direction pour « monétiser » une partie des jours de congé des salariés en échange d’un paiement du chômage partiel à 100 %. L’accord prévoit également de pouvoir faire travailler les salariés six jours par semaine pendant six semaines, et laisse à la direction la possibilité de modifier la durée et le positionnement des congés d’été des salariés. Un accord similaire avait été signé chez PSA début avril.

Une explosion de la précarité
« Il n’y a pas de vague massive de licenciements », temporise la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pour atténuer la dureté des chiffres du chômage. Les dégâts du confinement sur l’emploi sont pourtant énormes : en mars, le nombre de chômeurs sans aucune activité (catégorie A) a augmenté de 7,1 %, soit 246 000 nouveaux inscrits. Cette explosion record est due à une « nette augmentation des entrées à Pôle emploi (+ 5,5 %) et une très forte baisse des sorties (- 29 %) », explique le ministère du Travail. « Il faut attendre les chiffres d’avril pour voir si la tendance se confirme. Et ça sera le cas… », prévient Pierre Garnodier, secrétaire général de la CGT chômeurs et précaires, qui craint que le chômage partiel ne se transforme massivement en chômage réel.

À cette inquiétude, s’ajoute celle des chômeurs qui ont continué à épuiser leurs droits pendant la période. « Rien ne certifie qu’ils pourront trouver du travail, et certains d’entre eux ne toucheront plus rien », s’alarme-t-il. Car, les perspectives d’emploi s’assombrissent avec les risques de faillites d’entreprises et des déclarations d’embauche en baisse (- 22,6 % en mars). D’où les mesures drastiques (semaine de 32 heures, abrogation de la réforme de l’assurance-chômage) demandées par la CGT : « On ne peut pas accepter que la misère se répande dans la sixième puissance mondiale. »

Emilio Meslet et Loan Nguyen