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L’Humanité - Répression des médecins opposés à un « fichage » de gilets jaunes

Avril 2019, par Info santé sécu social

Lola Ruscio

Des personnels alertent sur des listes établies de manifestants blessés.

« Un fichage politique. » Tels sont les mots du médecin Gérald Kierzek pour dénoncer des consignes adressées aux soignants lorsque des gilets jaunes sont pris en charge aux urgences.

De permanence à l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu, le samedi 13 avril, il témoigne : « J’ai entendu un coup de fil où l’administrateur de garde a appelé les infirmières en disant : “Vous nous appelez comme d’habitude quand c’est un gilet jaune.” » Le docteur est surpris : « Ça contrevient au code déontologique des soignants, qui est le secret professionnel. » Mais les autorités ne semblent pas s’en préoccuper en activant le fichier SI-VIC. À l’origine, ce système de collecte des données, mis en place après les attentats de 2015, est créé pour identifier et compter les personnes touchées lors d’attaques, prises d’otage, accidents sur la voie publique. Selon plusieurs médecins, l’utilisation de ce dispositif s’est élargie, depuis quelques mois, au mouvement social des gilets jaunes. Ainsi, le personnel soignant peut remplir, sur un site Internet, un formulaire détaillant l’identité des personnes blessées. Le 22 mars 2019, des manifestants avaient ainsi été recensés dans le cadre de « violences urbaines », comme a pu le constater l’Humanité.

Face à ces dérives, le syndicat Union française pour une médecine libre (UFML) a interpellé samedi Agnès Buzyn : « Notre ministre doit s’expliquer. Il n’est pas admissible de demander aux médecins de participer à un fichage de malades. » Le ministère de la Santé n’a pas réagi.

Pour Christophe Prudhomme (CGT), porte-parole de l’Association des médecins urgentistes, les autorités brisent le droit au secret médical : « Les patients sont référencés dans un fichier ouvert au ministère de l’Intérieur, c’est scandaleux ! » « Nous ne sommes pas dans une situation d’attentat ou de drame », abonde le docteur Gérald Kierzek. Interrogé par Libération, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch, a assuré que les données personnelles ne sont pas transmises Place Beauvau. Contactée, la direction générale de la santé n’a pas répondu à nos questions.

Lola Ruscio