Luttes et mobilisations

L’Humanité - Trente-cinq maternité menacées de fermeture

Janvier 2019, par Info santé sécu social

Les collectifs de défense de ces établissements en péril s’étaient donné rendez-vous à Bernay (Eure), ce samedi, pour lancer des états généraux et envisager des actions en justice afin de faire reconnaître la mise en danger de la vie d’autrui.

« Au bout de cinq mois, on se sent seuls face au mépris de l’État. Va-t-il falloir casser quelque chose pour se faire entendre ? » interroge l’une des militantes du collectif Cestpasdemainlaveille, qui tente d’obtenir la réouverture de la maternité du Blanc (Indre), fermée cet été en trois semaines. Le collectif est venu à Bernay proposer la tenue d’états généraux chez lui, au printemps. Le choix des collectifs de défense des maternités de se retrouver samedi 26 janvier dans cette commune rurale de l’Eure ne relève pas du hasard. D’abord, parce que les soutiens de la maternité locale sont loin d’avoir désarmé après l’annonce de la suspension temporaire de la fermeture de l’établissement. Un répit gagné à la suite des interpellations très remarquées d’Emmanuel Macron par le maire de Bernay et son voisin de Brionne, lors du lancement du grand débat national, le 15 janvier, à Bourgtheroulde (Eure). Et parce que l’association se montre particulièrement déterminée. « Nous gagnerons car nous avons raison d’empêcher le broyage de nos maternités », s’est réjoui l’avocat du collectif, Pierre Jalet, à la tête de quatre recours en justice, dont l’un pour « dénigrement » contre la ministre de la Santé, Agnès Buzyn et la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie, Christine Gardel. Toutes les deux sont ciblées pour avoir déclaré que la maternité était dangereuse pour les patientes. Une autre plainte pourrait s’ajouter, de la part de l’ensemble des collectifs cette fois, pour « mise à danger de la vie d’autrui ». Au moins un cas de décès d’un nourrisson pourrait le justifier.

Plus d’une heure pour se rendre à la maternité la plus proche
Maire de Husseren-Wesserling, une petite commune de montagne du Haut-Rhin, Jeanne Stoltz-Nawrot, à la tête du collectif Touche pas à ma mater, créé autour de celle de Thann, une ville voisine, est partante pour ester en justice. Là encore, la fermeture de l’établissement et de celui, tout proche, d’Altkirch, s’imposerait pour assurer la sécurité des mamans et des nourrissons, à en croire les pouvoirs publics. Et en raison de la pénurie de médecins, malgré des candidatures. Aux côtés de l’édile, Gaëlle, une sage-femme, témoigne que deux enfants nés prématurément n’auraient probablement pas survécu à un long trajet pour rejoindre la maternité la plus proche à Mulhouse. En hiver, plus d’une heure est parfois nécessaire pour s’y rendre. L’élue locale opine et dénonce des choix politiques pas vraiment assumés, comme « le numerus clausus qui, depuis vingt ans, a construit la pénurie de médecins ». Elle évoque également « les fusions », comme celle de la maternité de sa ville avec l’hôpital de Mulhouse. « Attention aux fusions ! » avait d’ailleurs lancé, un peu plus tôt, la maire du Blanc (Indre), Annick Gombert, pour qui les problèmes de la maternité locale remontent précisément à son regroupement avec l’hôpital de Châteauroux.

« Le problème est national, d’où la nécessité d’être ensemble, même si les luttes locales doivent se poursuivre », a estimé Pascal Grandet, le président du collectif Audace 53, de Mayenne, dans le département du même nom. Fin décembre, un courriel laconique annonçait la fermeture temporaire de la maternité de la commune, faute d’anesthésistes. Depuis, l’inquiétude s’est installée puisque les 730 accouchements réalisés à Mayenne combleraient sans mal la perte d’activité et le déficit du grand frère, Laval, chef de file du groupement hospitalier de territoire (GHT).

Trente-cinq maternités seraient aujourd’hui en danger, après la fermeture de 40 % des établissements de cette catégorie en dix ans. « Nous pensions que cela se calmerait, mais ce n’est pas le cas », s’est désolée Rosine Leverrier, vice-présidente de la Coordination nationale des comités de défense des maternités et des hôpitaux de proximité, partie prenante de la rencontre. La décision de fermer Creil (Oise) est elle aussi emblématique. Le collectif de défense de la maternité occupe désormais le hall de l’hôpital. Après la démission du chef des urgences, les médecins de ce service viennent d’annoncer qu’ils ne suppléeraient pas à la fermeture de l’unité. En Normandie, les pompiers de la vallée du Risle sont, eux, déjà confrontés aux conséquences de la disparition d’une maternité, celle de Pont-Audemer (Eure). En 2018, onze femmes ont accouché dans leur ambulance.

Sylvie Ducatteau

Des déserts obstétriques

167 000 femmes en âge d’accoucher doivent faire un trajet de 45 minutes au moins pour consulter une sage-femme ou se rendre à la maternité la plus proche, selon une étude de la Drees, un service d’études du ministère de la Santé. 13 000 communes regroupant 12,5 % de la population, soit 8,3 millions de personnes dont 1,6 million de femmes âgées de 15 à 49 ans, offrent une « accessibilité faible » aux sages-femmes.