Les retraites

L’Humanité - Une commission spéciale pour passer la réforme au plus vite

Janvier 2020, par Info santé sécu social

Le 28 janvier 2020

Le projet de loi arrive aujourd’hui devant le Parlement, avec l’installation de la commission spéciale aux retraites. À la manœuvre, des députés LaREM dont le passif fait grincer des dents.

La bataille parlementaire autour de la réforme des retraites commence aujourd’hui, alors que la commission spéciale chargée de l’examen du texte de loi s’installe à l’Assemblée nationale. Les 70 députés qui y siègent commenceront leurs travaux dès ce soir, avec l’audition du secrétaire d’État aux retraites, Laurent Pietraszewski.

Soit quatre jours, à peine, après la présentation du projet de loi en Conseil des ministres. Ce qui laisse aux députés un laps de temps très court pour prendre connaissance des textes et de l’étude d’impact de mille pages qui les accompagne. Dans un courrier rendu public hier et adressé au président de l’Assemblée, Richard Ferrand, 75 élus des groupes socialiste, insoumis, communiste et Libertés et territoires ont dénoncé les «  conditions de travail inadmissibles  » et le calendrier resserré qui, selon eux, «  relève de la démocratie expéditive  ».

L’opposition était déjà bien remontée contre le choix de créer une commission sur mesure. Par ce geste, la majorité a fait d’une pierre deux coups. Elle a dépossédé la commission des Affaires sociales d’un texte qui aurait dû lui revenir et, dans le même temps, a pu se tailler un casting sur mesure pour occuper les sept postes stratégiques de rapporteurs. Sept profils dont quelques-uns ont de quoi, eux aussi, alimenter les critiques de l’opposition.

Parmi eux, trois anciens socialistes – Guillaume Gouffier-Cha, Jacques Maire et Olivier Véran –, censés incarner «  l’aile gauche  » de la République en marche. Le symbole n’a rien d’anodin pour la majorité, qui serine ad nauseam le caractère redistributif et juste de sa mesure. Le poste de rapporteur général échoit ainsi à Guillaume Gouffier-Cha. À 33 ans, ce député du Val-de-Marne, fervent défenseur de la «  loi anticasseurs  » et de l’interdiction administrative de manifester, s’était illustré par son manque de maîtrise du dossier des retraites début janvier, prétendant sur LCI que le système actuel était moins juste que le système à points, car il prenait en compte les «  25 dernières années  », alors qu’il s’agit des 25 meilleures années. Embarrassant.

Un ancien dirigeant de l’assureur AXA Jacques Maire hérite quant à lui de la question brûlante de l’âge de départ et des conditions d’ouverture des droits. Fils d’Edmond Maire, ancien secrétaire général de la CFDT, il s’est surtout distingué en tant que dirigeant d’Axa entre 2002 et 2012. Le groupe, spécialisé dans les assurances et la gestion d’actifs, serait un des grands gagnants d’une ouverture à la retraite par capitalisation. Pantouflage et spectre du conflit d’intérêts, comme un air de déjà-vu en Macronie.

Olivier Véran est nommé au poste de rapporteur de la loi organique. Rapporteur du budget de la Sécurité sociale, c’est lui qui vote chaque année les cures d’austérité et qui a voulu s’attaquer au terme même de Sécurité sociale dans la Constitution.

Le député Modem Nicolas Turquois s’occupera de l’architecture du nouveau système de retraite, et Paul Christophe (UDI, Agir), des modalités de transition entre les deux systèmes. Carole Grandjean (LaREM) se voit confier le poste de rapportrice chargée notamment de la future gouvernance de la caisse des retraites.

Corinne Vignon complète le casting et a pour mission le volet «  solidarités  », dans lequel figure l’épineuse question du minimum retraite. En juin, elle avait proposé une série de mesures pour établir des garanties autour du nouveau système. Parmi lesquelles le maintien de la pension de réversion et même son extension aux couples pacsés. Reste à savoir si elle sera entendue. Le président du groupe LaREM, Gilles Le Gendre, a déjà prévenu ses troupes  : il faudra faire preuve de «  modération dans les amendements  », pour ne pas perturber «  un édifice déjà bien stabilisé  ».

Cyprien Caddeo et Aurélien Soucheyre