Complementaires santé

L’Opinion - Comment les nouvelles règles des complémentaires réduisent l’accès aux soins

Avril 2016, par Info santé sécu social

De plus en plus d’assurés se rendent compte que les nouvelles règles s’appliquant à leur mutuelle santé entraînent une hausse sensible des « reste à charge » pour les risques les plus lourds.

Les faits — Depuis le 1er avril 2015, pour être éligibles à une fiscalité allégée, les contrats santé doivent respecter de nouvelles obligations : la prise en charge des lunettes correctrices est encadrée par six planchers et plafonds selon le niveau de correction, et la prise en charge des dépassements d’honoraires de la majorité des médecins est souvent plafonnée à 35 euros (ou 51 euros en comprenant le remboursement de l’Assurance maladie). L’entrée en vigueur prévoit une période de transition, les règles étant généralisées au 1er janvier 2018.

« J’aurais dû attraper mon cancer en 2015. » Ce propos rapporté d’une patiente qui, après un cancer du sein, a dû renoncer à sa reconstruction mammaire parce que le plafonnement des remboursements de sa complémentaire santé ne lui permettait plus d’envisager cette dépense est à l’image de ce que ressentent beaucoup d’assurés qui découvrent les effets d’une réforme décidée en 2014 et passée relativement inaperçue en partie à cause de sa complexité et de son entrée en vigueur progressive.

Les nouvelles règles encadrant les contrats dits « responsables », soit plus de neuf contrats santé sur dix en France, sont en vigueur depuis un an mais c’est surtout depuis le 1er janvier que les régimes d’entreprises les appliquent. Pour bénéficier d’une taxation à 13,27 % sur les primes (au lieu de 20,27 %), les contrats santé dits « responsables » doivent plafonner certaines de leurs garanties notamment pour la couverture des dépassements d’honoraires ou des dépenses de frais d’optique. Officiellement, il s’agit de décourager la progression des dépassements et de ralentir la spirale inflationniste sur les prix que provoquerait la générosité de certaines garanties sur les frais d’optique.

Mécontentement récent. Les assurés commencent donc à constater les effets concrets de ces nouvelles règles sur leur « reste à charge ». « Depuis quelques mois nos services ont beaucoup plus d’appels que d’habitude de la part de salariés mécontents qui ne comprennent pas pourquoi leurs remboursements diminuent » assure Charles Robinet-Duffo, président-directeur-général du groupe Henner, courtier leader en matière d’assurance collective santé en France (qui a en portefeuille la moitié du CAC 40), mais surtout gestionnaire direct des contrats santé.

En optique, les plafonnements prévus (jusqu’à 750 euros pour deux verres « complexes » tous les deux ans) respectent la plupart des pratiques du marché. En revanche, pour une consultation de spécialiste ou une intervention chirurgicale, les plafonds appliqués conduisent à augmenter très sensiblement les sommes qui restent à la charge des assurés après intervention de leur « mutuelle ». Ainsi, note Vincent Harel, directeur marché des grands comptes – Santé & Prévoyance chez Mercer France, un accouchement par césarienne en Ile-de-France qui coûte en moyenne 1 200 euros et n’aurait entraîné aucun « reste à charge » avec les anciennes règles pour des garanties « moyennes », peut aujourd’hui laisser à la charge de la patiente un reste à payer de 500 euros. Les dépassements d’honoraires sont en effet devenus incontournables dans certaines spécialités médicales dont le tarif des remboursements par la Sécurité sociale n’a pas ou peu évolué : 80 % des chirurgiens et plus de 90 % des gynécologues obstétriciens exercent dans le secteur à honoraires « libres ».

Un impact important sur le risque « lourd ». Les nouveaux plafonds de remboursement ne s’appliquent pas aux praticiens qui ont signé un « contrat d’accès aux soins » (un dispositif de modération tarifaire). Mais trouver un tel praticien dans les grandes agglomérations semble relever de l’exploit : leur part chez les chirurgiens n’excède pas quelques pourcents à Paris (2,6 %), Strasbourg (3,3 %) ou Lille (4,3 %). Ils sont plus nombreux à Lyon (15 %) mais, même au niveau national, ils restent minoritaires (25 %). D’autant que le secteur hospitalier public (sans dépassement) a tendance à laisser au privé certains actes notamment en chirurgie orthopédique, ou pour les petites interventions d’Oto-rhino-laryngologie (ORL) en pédiatrie, souligne Anne André, directeur général délégué du groupe Henner.

La déconvenue est sévère pour les bénéficiaires des régimes collectifs d’entreprises dans lesquels les risques les plus lourds (hospitalisation) pouvaient être pris en charge aux frais réels. D’après Damien Vieillard-Baron, vice-président de la chambre syndicale des courtiers d’assurance, la cotisation moyenne acquittée par le salarié étant de 45 euros, le « nouveau » reste à charge peut représenter sur un seul acte l’équivalent d’un trimestre voire de plusieurs années de cotisation selon la nature et la lourdeur des interventions. Au final, les assurés qui veulent continuer de s’assurer aux anciennes conditions doivent souscrire une « surcomplémentaire » sur laquelle la fiscalité est plus lourde que sur la canette de coca-cola (20,27 %).