L’Anticapitaliste Hebdo du NPA

L’anticapitaliste Hebdo : Loi santé : Contre-réformes sur ordonnances

Février 2019, par infosecusanté

Loi santé : Contre-réformes sur ordonnances

Pendant le « Grand débat », les contre-réformes continuent. Pour rattraper le temps « perdu » avec les Gilets jaunes, le gouvernement veut même accélérer la cadence, comme en témoigne le projet de loi Buzyn sur la santé.

Le 13 février, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a présenté en conseil des ministres son projet de loi santé. Il doit être soumis au Parlement dès la mi-mars afin d’être adopté définitivement avant l’été.

Au-delà de différentes mesures concernant notamment la formation des médecins, le projet de loi Byzyn est, avant tout, un chèque en blanc donné à l’exécutif pour parachever la démolition/retructuration de l’hôpital public. Pour ce faire, reprenant la méthode utilisée avec succès lors de la réforme du code du travail, il autorise le gouvernement à réorganiser par ordonnances, et donc sans débat parlementaire, la « carte hospitalière ».

« Hôpital de proximité » ?

L’existence sur tout le territoire d’un réseau d’hôpitaux de proximité avec un service d’urgences, une maternité et un service de chirurgie fonctionnant 24h/24 est une des conditions de l’égalité de toutes et tous devant les soins. Ce maillage a déjà été fortement « détricoté » sous les quinquennats précédents. Il continue de l’être aujourd’hui. Entre 1995 et 2016, 95 services d’urgences publics ont été fermés. En 30 ans, les deux tiers des maternités ont disparu.

Le projet de loi santé prétend, selon la ministre, consolider les « hôpitaux de proximité » en « labellisant » 500 à 600 d’entre eux. À ce « détail » près que « l’hôpital de proximité » façon Buzyn n’a ni maternité, ni urgences, ni chirurgie. Il ne sera rien d’autre qu’un établissement de gériatrie (EHPAD) avec quelques lits de médecine !

Le député Olivier Veran, l’un des plus influents personnages de la Macronie en matière de santé l’explique avec une brutale franchise : « Les hôpitaux de proximité existent déjà dans les territoires. C’est ce qu’on appelle des EHPAD, des soins de suite et de réadaptation [SSR], c’est-à-dire des hôpitaux dont la moyenne d’âge est de 84 ans. Il n’y a pas d’urgences, pas de lits de médecine ». Et il ajoute : « Ils seront capables de développer une activité de médecine de proximité pour éviter aux papys/mamys des territoires ruraux d’aller se taper 80 bornes pour faire la queue aux urgences. »

C’est donc bien la mort programmée des établissements de proximité conservant encore un minimum de « plateau technique » qu’organise la loi Buzyn, ainsi que l’accélération des fermetures de services et les regroupements aux seins de « groupements hospitaliers de territoires ». L’hospitalisation privée pourra, au passage, récupérer les activités les plus lucratives (chirurgie), pour le plus grand bonheur de ses actionnaires.

La création d’un millier de « groupements professionnels territoriaux de santé », (coordonnant essentiellement des professionnels libéraux) est supposée se substituer à l’hôpital pour répondre à une partie des urgences.

C’est oublier que cette permanence ne remplacerait en rien l’existence de services de soins hospitaliers et que le recours à des médecins libéraux entraîne l’avance de la consultation et des frais non remboursés, qui constituent une barrière à l’accès aux soins.

Comment par ailleurs prétendre faire assurer, dans les déserts médicaux, une « permanence de soins » supplémentaire à des médecins de moins en moins nombreux et de plus en plus débordés ?

La disparition de l’hôpital dans les petites villes et les campagnes aura aussi pour conséquence l’aggravation de l’engorgement des plus grosses structures qui subsisteront dans les plus grandes agglomérations.

Depuis des semaines, les Gilets jaunes se mobilisent contre l’oubli dont sont victimes des territoires entiers, où les services publics (école, poste, transports, santé…) disparaissent, où l’inégalité entre ceux qui ont les moyens de s’offrir des services de qualité payants et les autres réduits aux prestations « low cost » se développe.

C’est par une mobilisation commune, associant celles et ceux qui, sur tout le territoire, subissent ces régressions, les personnels de santé épuisés par des conditions de travail insupportables, les partis, syndicats et associations qui défendent le service public et l’accès aux soins pour touTEs, qu’il est urgent d’imposer le retrait du projet de loi santé.

Jean-Claude Delavigne