Le chômage

L’humanité - La saignée des postes annonce le dépeçage de Pôle emploi

Septembre 2017, par Info santé sécu social

Cécile Rousseau

Les projets de suppressions de postes chez l’opérateur public vont bon train. Qu’elles se comptent en centaines ou en milliers d’emplois, pour les syndicats, elles annoncent la privatisation pure et simple de l’ex-ANPE.

La réaction n’a pas tardé. Hier, une cinquantaine d’agents Pôle emploi ont manifesté devant le ministère des Finances à l’appel du SNU-FSU suite aux révélations du Parisien faisant état de milliers de suppressions d’emplois à venir chez l’opérateur public. Selon le quotidien, qui cite une source anonyme de Bercy annonçant ni plus ni moins qu’« un dégraissage massif » dans le but d’« économiser 3 milliards d’euros d’ici à 2022 », les postes de cadre en back-office, notamment sur des fonctions d’ingénierie ou d’analyse du marché de l’emploi, seraient les premiers concernés. Déjà mise en difficulté par la contestation des ordonnances, la ministre du Travail a tout fait pour minimiser cette bombe, expliquant qu’il y aurait « quelques centaines de postes en évolution, comme chaque année », du fait de la reprise de la croissance (sic).

Le contexte de ces annonces contradictoires est tout sauf anodin

Présent devant Bercy, Jean-Charles Steyger, représentant du SNU Pôle emploi au comité central d’entreprise (CCE), a découvert les projets de coupes claires dans la presse. « On sait que le gouvernement veut demander des efforts à Pôle emploi dans le projet de loi de finances (PLF) de 2018. Avec, en plus, la perte des contrats aidés, il y aurait donc au moins 2 000 suppressions de postes. Quant au plafond d’emploi des recrutements en CDI et CDD, il devrait aussi être revu à la baisse pour l’année prochaine. Il faut quand même rappeler à la ministre que, depuis huit ans, le chômage n’a pas cessé d’augmenter, nous avons donc plutôt besoin de recrutements. Et de conserver des postes de back-office, les fonctions supports. Sinon, on nous transforme en police sociale généralisée et on liquide le service public. » À ces projets, s’ajoute depuis 2016 la dématérialisation généralisée pour l’inscription des chômeurs ayant permis de réaliser des gains de productivité, comme l’exprime la direction de Pôle emploi, de 3 000 à 4 000 emplois.

Face à cette polémique, Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, a bien essayé de calmer le jeu en envoyant un message aux agents leur demandant de ne pas donner de « crédit aux rumeurs ». Sans succès. La CFDT est aussi montée au créneau, estimant que « l’avenir de Pôle emploi ne peut être conçu en mettant en discussion ce qui constitue sa première richesse : son personnel ! ».

Le contexte de ces annonces contradictoires est tout sauf anodin. La suppression des cotisations salariales à l’assurance chômage décidée par Emmanuel Macron, dont une partie est reversée à Pôle emploi, ne devrait pas tarder à fragiliser le financement de la structure. « Nous n’avons pas de réponse sur des fonds complémentaires, constate Nathalie Potavin, déléguée syndicale centrale CGT. Alors qu’on n’a jamais augmenté les effectifs en période de chômage de masse, on veut maintenant anticiper sur une baisse du nombre de demandeurs d’emploi pas encore effective ? On a bien compris que Bruno Le Maire n’était pas contre plus d’externalisation et la privatisation de Pôle emploi. » Alors que de plus en plus d’attributions de Pôle emploi sont transférées vers des opérateurs privés de placements (OPP), notamment pour le service téléphonique du 39 49, la libéralisation de l’ex-ANPE semble avoir pris ces jours-ci un dangereux tournant. La ratification de la convention 181 de l’Organisation internationale du travail (OIT) en 2015 par la France, qui autorise les agences privées de l’emploi, a été suivie par la publication d’un décret au Journal officiel du 11 septembre dernier, ouvrant la voix royale à la concurrence de Pôle emploi : « Les annonces du gouvernement ne sont pas sans lien avec ce décret, estime Jean-Charles Steyger. Un suivi à la carte par des agences privées serait ainsi rendu possible, sans régulation de l’État, avec tout ce que cela suppose d’inégalités des chances en fonction des situations des demandeurs d’emploi. Nous sommes en train de nous faire mener par le bout du nez. » Un comité central d’entreprise (CCE), qui se tiendra vendredi, devrait permettre d’y voir plus clair. Côté syndical, la riposte s’organise. La CGT, la CFDT, le SNU, FO, la CFTC, la CFE-CGC, le Snap, Solidaires et l’Unsa ont discuté hier en large intersyndicale, du jamais-vu depuis la fusion de l’ANPE et des Assedic en décembre 2008.

Cécile Rousseau