Branche allocation familiale de la Sécurité sociale

La Croix - « Nous devons réfléchir à l’évolution de nos modes d’accueil »

Novembre 2017, par Info santé sécu social

Recueilli par Emmanuelle Lucas , le 22/11/2017 à

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, chargée des familles, appelle à ouvrir plusieurs chantiers.

Pascal Lachenaud/AFP

Depuis votre arrivée au ministère, vous avez dit assumer politiquement un recentrage de l’aide sur les familles les plus pauvres. Souhaitez-vous revenir sur l’universalité des allocations familiales ?

Agnès Buzyn : J’ai assumé cette année de faire porter les mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sur les familles les plus pauvres en me concentrant sur une triste spécificité française : le nombre d’enfants pauvres, puisque 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, et le fait que ceux-ci restent cantonnés dans la pauvreté toute leur vie. J’ai souhaité d’emblée agir en leur faveur et notamment en direction des familles monoparentales, puisque 36 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.

Cependant, une réflexion de fond sur la politique familiale s’impose, car celle-ci est au cœur de notre projet de société. Si on est incapable d’ouvrir des perspectives à des millions d’enfants, quel type d’adultes va-t-on avoir ? Face à ces enjeux, je n’ai pas de tabou à poser la question de l’universalité mais je n’ai pas non plus de réponse. Je pense que si, à l’issue de cette réflexion, la réponse est qu’il faut maintenir l’universalité, alors nous la garderons. La mission d’information parlementaire qui vient d’être lancée nous rendra ses conclusions début 2018.

La convention d’objectif et de gestion de la Cnaf, qui fixe pour quatre ans les priorités et les moyens dévolus à la branche famille de la Sécurité sociale, est en cours de négociation. Quelle sera la position de l’État ?

Agnès Buzyn : Un premier axe de réflexion concerne donc le recours aux droits. Il y a là un énorme sujet. Beaucoup de bénéficiaires des minima sociaux notamment ne savent pas qu’ils ont droit à certaines aides parce que le système est trop complexe. Notre deuxième axe de travail, qui est lié au premier, sera donc la simplification et la lisibilité du système. Nous allons aussi nous assurer des moyens pour un meilleur accompagnement de la parentalité sur le long terme, jusqu’à l’adolescence qui a été trop négligée jusqu’à présent.

Dernier point, nous souhaitons favoriser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale. Les crèches sont aujourd’hui le mode de garde privilégié. Pourtant, elles ne correspondent pas aux besoins de toutes les familles, notamment quand les parents sont en recherche d’emploi ou travaillent avec des horaires décalés. Nous devons réfléchir à l’évolution de nos modes d’accueil.

Vous souhaitez aussi revoir la protection de l’enfant. Sur quelles bases ?

Agnès Buzyn : L’aide sociale à l’enfant (ASE) est un sujet d’actualité majeur car les besoins en ce domaine augmentent, y compris pour le placement des enfants. C’est le résultat des fractures que vit la société, du nombre de mineurs non accompagnés pris en charge dans les départements et de la précarité grandissante.

Dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, je souhaite donc regarder comment l’aide sociale à l’enfance est appliquée dans les différents territoires. Il me semble qu’il y a d’importantes disparités de prises en charge. La rupture des 18 ans est notamment un vrai sujet. Dans certains cas, les jeunes placés sortent de la protection de l’enfance le jour de leur majorité sans y avoir été suffisamment préparés. Et se retrouvent à la rue. L’État doit en la matière veiller à l’équité et aux résultats de notre prise en charge.

Recueilli par Emmanuelle Lucas