Luttes et mobilisations

La Dépèche.fr : Grève illimitée à l’Hôpital d’Albi (3 articles)

Juin 2019, par infosecusanté

La Dépèche
Grève illimitée en cardiologie et neurologie à l’hôpital d’Albi à partir de mardi

Publié le 08/06/2019

Les personnels de cardiologie et neurologie de l’hôpital d’Albi ont voté une grève illimitée à partir de mardi 11 juin. Ils dénoncent un projet de regroupement de services que la direction aurait décidé, selon eux, sans concertation. Le personnel spécialisé déclare s’inquiéter pour ses patients et demande « l’arrêt du projet qui suscite beaucoup d’anxiété ».

« La réunification des différents secteurs entraînera une rotation du personnel sans respecter la spécialité de chacun » redoutent les soignants qui appellent à la grève en pointant le risque « de la fuite des spécialités vers le privé ».
Les agents de cardiologie, d’unité de soins intensifs en cardiologie et de neurologie, avec la CGT, « appellent l’ensemble des agents de l’hôpital à les rejoindre pour une journée mardi 11 juin ». Les agents grévistes, même assignés, débraieront de 13 h à 13 h 45 pour manifester devant l’administration de l’établissement.

Joint hier au téléphone, Serge Foursans, le directeur de l’hôpital, disait s’attendre à un tel mouvement, en regard d’une de grève nationale prévu le 11 juin. Il s’est déclaré néanmoins surpris par ce relais local, après avoir rencontré l’ensemble des personnels jeudi après-midi. « J’avais le sentiment que j’avais été entendu » a expliqué Serge Fournals en dénonçant « des postures dogmatiques » de la CGT.
« La disparition de la cardiologie à l’hôpital d’Albi est hors de question… Le regroupement de la cardio et de la neuro est organisationnel mais les spécialités de cardio et de neuro demeurent avec chacune leur chef de service… L’hôpital d’Albi va de mieux en mieux… Pour la première fois depuis longtemps, en 2018, il est à l’équilibre financier ». Un discours qui visiblement ne suffit pas à rassurer.

l’essentielLe personnel hospitalier et la CGT appellent à la grève illimitée dès aujourd’hui contre le regroupement des services de neuro et cardiologie. Pour le Dr Scheffer, ancien cardiologue à l’hôpital d’Albi, ce regroupement met les patients en danger.

Que se passe-t-il à l’hôpital d’Albi ?

Ils veulent mutualiser les services de neurologie et de cardiologie en mettant le personnel en commun. La neurologie et la cardiologie sont deux spécialités qui nécessitent des connaissances et des prises en charge très différentes. Un regroupement comme celui-là, c’est quelque chose qui n’est jamais arrivé.

Vous parlez de mise en danger des patients ?

Cette mutualisation n’est pas faite pour une meilleure prise en charge des patients, c’est pour faire des économies. On va éloigner les patients des soins intensifs de cardio. Je pense que c’est une perte de chances pour eux. Avec le vieillissement de la population, il y a une augmentation des besoins, ce n’est pas le moment de supprimer des lits dans ces deux spécialités… Il manque déjà au centre hospitalier de nombreuses spécialités Ce n’est certes pas le moment de fragiliser deux spécialités majeures que sont la neurologie et la cardiologie.

Que va-t-il se passer selon vous ?

La même chose qu’en endocrinologie, il reste des spécialistes mais ils n’ont plus de service…
La crainte c’est de voir fermer les soins intensifs en cardiologie. Dans ce cas, beaucoup de médecins et de patients qui avaient confiance dans la cardiologie à l’hôpital, parce qu’il y avait ce service de soins intensif à côté, se tournent vers des cliniques où ils seront en dépassement d’honoraires.

Vous êtes pessimiste pour l’hôpital public ?
Pessimiste, oui ; actuellement en moyenne dans les hôpitaux publics, en France, il y a 40 % de postes vacants. Or, l’attractivité de l’hôpital, pour les jeunes médecins, passe par des services corrects, pas par des bricolages de services… Les médecins qui dans les années 1970 ont créé des services de spécialité en hôpital général sont en train de les voir disparaître… Le Dr Serena, qui a créé le service de cardio et le Dr Galley doivent se retourner dans leur tombe.

Quel est le rôle du Comité de défense de l’hôpital et de la santé d’Albi ? (lire ci-contre).
On essaie d’expliquer le caractère inopportun de certaines décisions…

Comité de défense
Le comité de défense de l’hôpital et de la santé d’Albi a été créé en 2006 par quatre médecins, les Drs Villamot (endocrinologie) Pradines (gériatrie), Fragoas (radiologie) et Scheffer (cardiologie), pour défendre l’accès aux soins suite à la disparition du service d’endocrinologie. En 2012, 16 lits de long séjour ont été supprimés ou transférés à l’hôpital de Gaillac. En 2016, 20 lits de soins de suite et de réadaptation sont partis au centre de rééducation de l’UMT. « Au total, depuis 2000, en plus de ces disparitions, 50 lits ont été supprimés à l’hôpital » précise le Dr Scheffer.
« Nous avions proposé, de créer un pôle gériatrie à l’emplacement de la ferme de la Renaudié, entre autres pour dégager des places aux urgences de l’hôpital. Pour faire un parking correct à l’hôpital, il fallait sortir les services pour personnes âgées mais on ne peut plus le faire. Redimensionner les urgences était plus urgent, d’autant qu’on doit y mettre les urgences psychiatriques et il faut pouvoir se garer. »
Propos recueillis par Martine Lecaudey

Publié le 12/06/2019
Hier, les services de neurologie, cardiologie rejoints par les urgences ont manifesté devant l’hôpital. En grève, les personnels ont voulu alerter sur leurs difficultés à faire leur travail dans de bonnes conditions.
Faire toujours plus avec toujours moins de moyens. C’est en résumé le sentiment que partageaient hier les personnels des services de cardiologie, de neurologie et des urgences.

Réunis devant l’entrée de l’hôpital, les soignants des deux premiers services ont entamé une grève illimitée, qui se poursuivra au moins jusqu’à vendredi. Ils protestent ainsi contre la fusion annoncée de leurs deux services. « On va demander aux infirmières et aux aides-soignants de travailler pour les deux spécialités alors que celles-ci n’ont rien à voir, explique Djamilla Lannoy, infirmière au centre hospitalier. » Et de poursuivre : « Notre travail augmente constamment alors que nous avons toujours moins de personnel. Nos jours de repos ne sont pas respectés, nous sommes épuisés. » Au-delà des conditions de travail éreintantes, c’est la santé même des patients qui est mise en jeu. « Cela fait 30 ans que je suis infirmière en neurologie, souligne Isabelle Basso, demain on va me demander de prendre en charge des patients du service cardiologie alors que je ne connais pas les pathologies. Je ne m’en sens pas du tout capable », s’inquiète-t-elle. Une inquiétude partagée par ses collègues présents hier.

Du côté des urgences, également en grève, le constat n’est guère plus réjouissant. « Nous manquons de personnel soignant et de médecins, déplore Jean-Claude Nguyen, aide-soignant du service. Régulièrement, on nous rappelle sur nos jours de repos pour pallier les absences. » « Il faut travailler toujours plus vite, on n’a pas le temps de prendre en charge le patient comme on le devrait », ajoute Emmanuelle Rauch, infirmière des urgences.
Les premiers échanges entre les personnels et la direction n’ont semble-t-il pas permis de rassurer les grévistes. « On veut que notre parole soit entendue, qu’on ait plus de personnel et que ce projet de fusion soit abandonné », résume Julie Cavalier, infirmière du service neurologie.

Repères
Le chiffre : 3
lits > supprimés. En cardiologie, « 3 lits seront supprimés, et il y aura un poste d’infirmier et d’aide-soignant en moins », affirme Julie Cavalier, infirmière du service neurologie et unité cardio-vasculaire.

Une fusion non désirée
Des travaux ont lieu afin de pouvoir fusionner la neurologie et la cardiologue. L’idée étant de les mutualiser en mettant le personnel en commun. « Cette mutualisation a pour seul but de faire des économies. On va éloigner les patients des soins intensifs de cardio. C’est une perte de chances pour eux », souligne Jean Scheffer, président du comité de défense de l’hôpital.


Serge Foursans, directeur de l’hôpital d’Albi, et Pascal Cariven, chirurgien orthopédiste, président de la commission médicale, se sont montrés rassurants./

lDepuis mardi, les services de neurologie et cardiologie ont débrayé pour dénoncer la fusion prochaine de leurs services. Les urgences ont également débrayé quelques heures mardi. Le directeur de l’hôpital tient pourtant un discours rassurant.
Accompagné par Pascal Cariven, chirurgien orthopédiste, président de la commission médicale, le directeur de l’hôpital, Serge Foursans, a tenu un discours d’apaisement.
Les personnels qui manifestaient mardi sont inquiets. Que souhaitez-vous leur dire ?
Le mot fusion est un élément de langage. Il n’est pas question de fusion entre les services de cardiologie et neurologie. On veut rassurer la population et les personnels. Ce qui est prévu par le plan directeur immobilier c’est de regrouper sur un même plateau, d’ici la fin de l’année, les services de cardiologie, de neurologie et de médecine interne, pour favoriser les échanges et la solidarité entre les services. Il y aura des chefs de service dédiés.

Notre but est d’augmenter la qualité des soins et d’améliorer la prise en charge des patients.

Concrètement, que répondez-vous aux personnels qui travaillent depuis des années en neuro et qui craignent de devoir travailler demain en cardio ?
Les personnels ne sont pas interchangeables. C’est exclu que des infirmières qui travaillent depuis des années en neurologie passent en cardiologie. Mais, ceux qui le souhaitent pourront faire des formations pour faciliter le travail entre les différentes équipes.

Et concernant la fermeture de 3 lits en cardiologie ?

En fait nous allons d’ici 2022, ouvrir une vingtaine de lits : 10 en pneumologie (ouverts en décembre 2017), 6 en courts séjours gériatriques et 6 en hospitalisation programmée de semaine (début 2022). Actuellement, il y a 18 lits en cardio et trois sont la plupart du temps occupés par des patients d’autres services. Ces trois lits seront réaffectés dans les services où les lits vont être ouverts.
Quid des urgences ? Il manque du personnel ?
Sur les 21 postes de médecins, il en manque 6. Nous avons terriblement de mal à recruter. Nous faisons appel à des remplaçants. Mais il n’y a aucun poste vacant pour les infirmières ou les aides-soignantes. Le service va aussi être entièrement rénové et va être agrandi de deux fois et demie. Les conditions de travail vont donc être fortement améliorées. De plus, pour désengorger les urgences, la maison médicale de garde est ouverte les soirs et les week-ends.
Qu’allez-vous faire pour débloquer la situation ?
Nous avons rencontré les personnels jeudi, et nous restons à l’écoute. Nous allons à nouveau les rencontrer pour les rassurer car quand ils disent qu’ils sont inquiets, je n’ai pas de doute sur leur sincérité. Il n’y a pas de remise en cause de la qualité des soins, ils font un travail formidable, je suis fier du personnel de l’hôpital.

Propos recueillis par Émilie Lauria