Asie

La Tribune - Covid-19 : en Chine, le système de santé menacé de saturation par l’explosion des contaminations

Décembre 2022, par Info santé sécu social

La fin de la politique du « zéro Covid » entraîne une vague des cas de contamination, notamment chez les personnes les plus âgées, dont le taux de vaccination est faible. Le système de santé chinois est proche de la saturation. Les autorités restent vagues sur les mesures qu’elles comptent mettre en œuvre pour enrayer la pandémie. Elles ont suspendu la publication du bulletin quotidien sur le nombre de cas de contamination et de décès.

26 Déc 2022

Longtemps contenue par la politique stricte du « zéro Covid », la pandémie est en train de prendre un tour dramatique en Chine. De nombreux hôpitaux sont débordés, des pharmacies font état de pénurie de médicaments contre la fièvre, tandis que de nombreux crématoriums interrogés par l’AFP ont rapporté un afflux inhabituellement élevé de corps à incinérer. Trois ans après l’apparition des tout premiers cas de coronavirus à Wuhan (centre), le pays fait face à une explosion des contaminations.

Réagissant à la situation, le président chinois Xi Jinping a appelé lundi à prendre des mesures pour « protéger efficacement la vie de la population », a rapporté la télévision d’Etat CCTV, constatant que « la prévention et le contrôle du Covid-19 en Chine sont confrontés à une nouvelle situation et de nouvelles tâches ». Il s’agit du premier commentaire public de l’homme fort du régime depuis l’abandon soudain début décembre de strictes mesures anti-Covid, en vigueur depuis 2020.

Officiellement, il n’y a eu que six morts du Covid depuis la levée des restrictions. Un bilan largement sous-évalué selon nombre d’experts, alors qu’une grande partie des personnes âgées en Chine ne sont pas vaccinées contre le Covid.

« Débordé de toutes parts »
En réalité, le personnel hospitalier se démène pour surmonter l’arrivée en masse de malades, de plus en plus nombreux, la plupart âgés présentant des symptômes du Covid-19 et de pneumonie. Malgré ses 30 ans de carrière en médecine d’urgence, le Dr Howard Bernstein, basé à Pékin, affirme n’avoir jamais connu une telle situation. « L’hôpital est tout simplement débordé de toutes parts », a-t-il confié à l’agence Reuters, à la fin d’une garde « stressante » à l’hôpital privé Beijing United Family, dans l’est de la capitale. « L’unité de soins intensifs est pleine », tout comme celle des urgences et bien d’autres, souligne le médecin.

Les patients « ne vont pas mieux en un jour ou deux donc il n’y a pas de circulation. Des gens continuent d’affluer aux urgences où ils sont coincés des jours car ils ne peuvent pas monter dans les chambres », explique-t-il, estimant que « le plus grand défi, honnêtement, c’est que je pense que nous n’étions tout simplement pas préparés à cela ».

Une impréparation qui découle de trois années de règles draconiennes contre la propagation de la maladie, que Pékin a abandonnées début décembre sous la pression de vastes mouvements de protestation de la population à travers le pays durant plusieurs semaines, qui exprimaient le ras-le-bol contre les restrictions.

Aujourd’hui, cela conduit les experts de la santé à s’inquiéter d’une saturation d’un système de santé chinois déjà fragilisé par l’afflux de personnes contaminées par le coronavirus SARS-CoV-2.

Faible taux de vaccination
Le nombre de patients est cinq à six fois supérieur à la normale et l’âge moyen des malades a considérablement augmenté pour dépasser les 70 ans en l’espace d’une semaine, témoigne Sonia Jutard-Bourreau, médecin à l’hôpital Raffles à Pékin, citée par l’agence Reuters. « La plupart des patients n’ont pas été vaccinés », souligne la praticienne d’origine française, en soulignant que nombre d’entre eux cherchent à acheter du Paxlovid, l’antiviral de Pfizer, qui commence à manquer. « Ils veulent ce médicament comme un remplacement du vaccin, mais ce n’est pas un substitut », indique-t-elle.

Le taux de contamination par le coronavirus est aussi particulièrement élevé chez les soignants, parfois appelés à travailler même en cas de test positif selon des témoignages de plusieurs infirmiers. Jiang, une infirmière en psychiatrie d’un hôpital de la province de Hubei, a confié que plus de 50% du personnel était absent dans son service, qui a cessé d’accepter de nouveaux patients.

D’après Airfinity, une société d’analyse de données sanitaires basée en Grande-Bretagne, plus de 5.000 personnes meurent probablement chaque jour du Covid-19 en Chine.

Les autorités sanitaires chinoises n’ont signalé aucun décès dû au Covid-19 en Chine continentale entre lundi et samedi. Elles ont indiqué avoir changé de méthodologie pour comptabiliser uniquement les patients décédés d’une insuffisance respiratoire ou d’une pneumonie . « Ce n’est pas de la médecine, c’est de la politique », juge Sonia Jutard-Bourreau.

« Mener une campagne de santé patriotique plus ciblée »
Sans fournir d’explication, la Commission nationale de la santé a fait savoir dimanche que dorénavant elle ne publierait plus les chiffres quotidiens des cas et décès comme ce fut le cas depuis le début de la pandémie.

Quant au gouvernement, le président Xi Jinping a seulement indiqué : « Nous devons mener une campagne de santé patriotique plus ciblée (...) et bâtir un rempart solide contre l’épidémie », sans préciser comment il allait le faire concrètement pour enrayer la pandémie.

(Avec AFP)