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La Tribune - Haro sur le modèle social français !

Octobre 2016, par Info santé sécu social

Haro sur le modèle social français !

Par Mathias Thépot | 06/10/2016, 16:34 | 993 mots

A quelques mois de la présidentielle, le caractère généraliste et égalitaire du modèle social français est remis en question par plusieurs dirigeants politiques et économiques.

C’est une nouvelle lubie en France à quelques mois de l’élection présidentielle : il faudrait désormais recentrer les aides de l’Etat vers les ménages les plus pauvres. Certains dirigeants politiques et économiques y voient un formidable moyen de faire des économies, et d’autres une opportunité pour « simplifier » un système d’aides sociales complexe.

Une mouvance qui remet en question les fondements du modèle social français, universel, qui vise à donner accès à tous aux mêmes soins, aux mêmes écoles et à une protection sociale. Ce système est d’abord mis à mal par le contexte budgétaire tendu pour la puissance publique. Car en cette période où Bercy s’est engagé auprès de l’Europe à équilibrer les comptes publics, toute aide inefficace est à proscrire.

Pragmatisme budgétaire

Or après plusieurs années de crise, le système de redistribution français joue, certes, un rôle important d’amortisseur social, mais il reste perçu par beaucoup comme inefficace face aux problèmes sociaux qui se pérennisent en France. Ainsi, sous couvert de « pragmatisme » budgétaire, l’esprit du modèle social de redistribution « généraliste » à la française est mis à mal.

Même le gouvernement actuel mène une politique sociale allant dans ce sens. Il a ouvert la voie en remplaçant la prime pour l’emploi (PPE) par la prime d’activité, davantage ciblée sur les plus pauvres, actant le passage d’une logique de soutien aux faibles revenus du travail (la PPE), à celle de la lutte contre la pauvreté. Autre exemple, la prise en compte depuis le 1er octobre du patrimoine des allocataires d’aides au logement à partir de 30.000 euros, livrets d’épargne populaire (Livret A, LDD, LEP) compris. Feu sur les politiques publiques keynésiennes visant à soutenir plus largement la demande afin de favoriser la croissance. Les restrictions budgétaires imposent désormais de faire des choix.

A la merci de la loi du marché

Pareillement, l’idée du Premier ministre Manuel Valls de créer un revenu universel pour tous, à partir de 18 ans, venant se substituer aux minima sociaux existants, répond à ce principe de donner un minimum à tous, et de laisser, au-delà, la population « à la merci » de la loi du marché. Une aubaine pour les tenants d’une politique économique plus libérale qui s’engouffrent dans la brèche.

L’IFRAP, un think tank libéral, propose par exemple une allocation sociale unique (AUS) qui devrait « permettre d’économiser 10 milliards d’euros de frais de fonctionnement ». Mais l’IFRAP milite aussi pour « tendre vers une plus juste répartition de l’aide entre les foyers ». Autrement dit, changer un modèle qui favoriserait une forme « d’assistanat ». Un discours qui divise, mais qui peut convaincre en cette période où le ras-le-bol fiscal des ménages va de pair avec le rejet croissant de ceux qui profiteraient des allocations de l’Etat alors qu’ils ne sont pas dans le besoin.

Juppé, Le Maire, Sarkozy, Fillon, même combat....

Les favoris à la primaire de droite ne se privent pas pour reprendre, au moins en partie, cette rhétorique. Alain Juppé, Bruno Le Maire, Nicolas Sarkozy ou François Fillon proposent tous de fusionner et/ou de plafonner les aides de l’Etat aux ménages, et de les limiter aux plus pauvres. Nicolas Sarkozy dit par exemple vouloir « substituer aux différentes aides existantes (RSA, aide au logement, prime d’activité) une aide unique avec deux caractéristiques essentielles, conditionnée à la reprise d’une activité ou d’une formation, plafonnée à 75 % du SMIC ».

Bruno Le Maire souhaite lui « garantir que le travail soit plus rémunérateur que l’assistanat », en plafonnant « pour un foyer le montant de l’ASU à 60% du SMIC pour une personne seule, montant qui sera majoré de 50 % de l’allocation de base pour le conjoint et de 30 % pour le premier enfant ». Et François Fillon assure qu’il instaurera « une prestation sociale unique qui dépasse le logement et regrouperait toutes les aides sociales comme les APL et le RSA » pour « faire en sorte que les revenus de l’assistance ne soient pas supérieurs aux revenus du travail ».

Supprimer les rigidités liées aux salaires

Bref ce thème de la limitation des aides aux plus pauvres revient à droite, comme souvent avant chaque élection. Mais on le sent aussi émerger, sous une autre forme, du côté de la communauté des affaires. Le monde des startups notamment et les tenants de l’« uberisation » de l’économie militent pour supprimer les rigidités liées aux salaires, auxquels sont adossées des charges.

Or, ces charges donnent des droits et un accès à des prestations hors travail (chômage, maladies, retraite) bien supérieures à celles liées par exemple aux statuts des autoentrepreneurs et autres travailleurs indépendants. Conscients du potentiel destructeur de ces propositions pour les personnes dans le besoin, les tenants de l’« uberisation » proposent tout de même de créer un socle minimum par répartition pour la santé et la retraite, tout en assumant qu’un système par capitalisation individuelle devrait prendre une part croissante. Un choix de société différent, qui risque de nuire fortement au financement des comptes sociaux, déjà bien mal en point en France ; mais aussi à la qualité de la protection sociale pour tous.

Laminer un système très protecteur

Or la France possède un système de retraite qui lui permet par exemple de présenter un taux de pauvreté chez les plus de 55 ans bien inférieur à la moyenne européenne ou à l’Allemagne. Par ailleurs, le système d’allocations chômage permet à la France de posséder l’un des taux de pauvreté des 15-29 ans les plus faibles de l’OCDE, selon les économistes de l’organisation. Faisant fi de ces constats, le discours ambiant est bien rodé : pour s’adapter au monde moderne, il serait indispensable de baisser les charges qui pèsent sur les entreprises et de réduire les dépenses publiques. Au risque de laminer un système social protecteur ?