Le social et médico social

La Tribune - L’accès au logement social au cœur des municipales

Septembre 2019, par Info santé sécu social

Par César Armand | 24/09/2019

CONGRES HLM. Echaudés par l’exécutif, les bailleurs sociaux veulent peser sur la loi de finances 2020, mais aussi sur les élections municipales.

La baisse des aides personnalisées au logement (APL) de cinq euros a été votée à l’automne 2017, mais deux ans plus tard, force est de constater qu’elle reste encore en travers de la gorge des professionnels du logement social.

Selon Dominique Hoorens, chef économiste de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui représente 720 bailleurs, le manque à gagner est de... 6 milliards d’euros entre le 1er janvier 2018 et la fin 2020. « C’est six milliards d’économie pour l’État et zéro augmentation de loyer pour les locataires, mais c’est à mettre en regard de nos 20 milliards d’euros de loyers annuels. » Autrement dit, cela représente une perte de 10"% de budget annuel pour les offices HLM.

À la veille de la présentation du projet de loi de finances (PLF) 2020, l’USH veut donc peser sur les décisions politiques du gouvernement avec son 80e congrès sur le thème des « Habitations à loyer modéré, un modèle français ».

« La question est suffisamment à maturité pour être posée », justifie sa directrice générale, Marianne Louis.

« Nous vivons une période compliquée depuis le vote du PLF 2018. Nous n’avons pas le sentiment que le modèle pourrait être remis en cause, mais nous avons connu des propos un peu vifs du président de la République, très injustes envers les acteurs de terrain. »

Car outre la baisse des APL, la majorité nouvellement élue n’a pas tardé à faire voter par le Parlement une réduction du loyer de solidarité, qui touche les ressources des bailleurs, ainsi que la suppression de l’APL accession qui permettait à des locataires de devenir propriétaires. « Ce sont deux sujets que nous porterons auprès des parlementaires », insiste la DG de l’Union sociale pour l’habitat. Sans oublier la contemporanéisation des aides qui entrera en vigueur début 2020. Autrement dit, dans trois mois, ce ne sera plus le revenu net de l’année N-2 qui sera pris en compte, mais celui de l’année en cours.

Un recul inquiétant des mises en chantier
La perspective des élections municipales ne rassure pas non plus les acteurs du secteur. Selon l’USH, les demandes d’agrément des offices devraient être en « légère croissance » en 2019, après deux années de baisse. « C’est un peu décevant, car chaque année avant les élections les agréments ont tendance à anticiper », explique Marianne Louis. Dans le même temps, le nombre d’octrois de permis de construire continue de décliner mois après mois. Le président-fondateur d’Alila, Hervé Legros, qui vient de réaliser avec Elabe un sondage sur l’image et les attentes des locataires en France en matière de logements social et intermédiaire, relève ainsi que « 71% [des sondés] souhaitent que leurs maires continuent de délivrer des permis de construction dans leurs communes. Ils ont raison, il y a urgence ! »

Car si 2 millions de personnes se trouvent aujourd’hui dans l’attente d’un logement social, deux tiers du même panel se disent « surpris » d’apprendre que huit Français sur dix y sont éligibles.

« Cette liste ne fait que s’allonger depuis plus de trente ans, tonne le promoteur Hervé Legros. La seule solution, c’est tout simplement de construire plus : bailleurs, collectivités, acteurs privés, nous avons une responsabilité commune dans ce combat pour le logement pour tous. »

Dès le grand débat national de l’hiver 2019, l’Union sociale pour l’habitat avait pourtant alerté le gouverne- ment sur un recul des mises en chantier. « Préoccupé », son président Jean-Louis Dumont pointait ainsi « une chute du nombre de constructions tant dans le logement social que dans le libre », demandant à l’exécutif d’augmenter les aides budgétaires à la pierre ou de rendre l’accès au foncier plus économique.

Autre point de crispation : le futur revenu universel d’activité (RUA). Les bailleurs sociaux redoutent que l’APL se transforme en « supplément » à côté de la fusion des autres aides.

« Ce n’est pas un revenu complémentaire, mais une aide pour donner corps au droit au logement, s’agace la directrice générale de l’USH. Un bénéficiaire sur deux n’a pas d’autre minima sociaux. »

Arnaud de Broca, délégué général de l’Unafo, qui fédère 135 adhérents du logement accompagné (pensions de famille, foyers de jeunes travailleurs...), partage ses craintes :

« La production s’est tarie, voire a diminué. On ne voit pas le choc d’offre. Et puis qui peut en bénéficier ? Qui considère-t-on comme inactif ? » s’interroge-t-il en référence au mot « activité » du RUA.

En réalité, bien que pensé à « budget constant » par l’exécutif, le revenu universel d’activité ne devrait pas permettre à l’État de faire des économies. Rien que pour citer un exemple, le non-recours au revenu de solidarité active (RSA) lui permet aujourd’hui d’économiser... 6 milliards d’euros par an.

Ce chiffre, les offices HLM le connaissent bien depuis deux ans : c’est leur calcul du manque à gagner depuis l’élection d’Emmanuel Macron, entre la réduction du loyer de solidarité, la suppression de l’APL accession, la contemporanéisation des aides et bien sûr la baisse des APL. Pour cette dernière, il n’y a en outre quasiment pas de non-recours, tant les bailleurs l’évoquent systématiquement auprès de leurs locataires, ne serait-ce que pour se financer...