Le financement de la Sécurité sociale

La Tribune - La lutte contre l’absentéisme, la recette miracle pour sauver la Sécu ?

Septembre 2016, par Info santé sécu social

Par Fabien Piliu

Selon la Cour des comptes, un salarié du régime général est absent 22 jours par an en moyenne, au-delà de ses absences pour congés légaux et conventionnels, dont 14 pour maladie, 6 pour des congés liés à l’arrivée d’un enfant, 1,5 pour l’exercice de mandats divers et 0,5 jour pour grève.

Selon la Cour des comptes, un salarié du régime général est absent 22 jours par an en moyenne, au-delà de ses absences pour congés légaux et conventionnels, dont 14 pour maladie, 6 pour des congés liés à l’arrivée d’un enfant, 1,5 pour l’exercice de mandats divers et 0,5 jour pour grève. (Crédits : © Charles Platiau / Reuters)

Dans leur rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, les Sages de la rue Cambon réclament une maîtrise accrue des dépenses de santé pour assurer un accès équitable aux soins. Ils plaident également pour un renforcement de la lutte contre l’absentéisme, particulièrement important, pour redresser les comptes de la Sécurité sociale.

La Cour des comptes chercherait-elle à modérer l’enthousiasme de Marisol Touraine ? Début septembre, la ministre des Affaires sociales se félicitait de la baisse plus importante que prévue du déficit de la Sécurité sociale.

"Je suis en mesure de vous annoncer que les résultats de 2016 seront encore meilleurs que ce qu’on avait envisagé en juin grâce aux efforts que nous poursuivons. L’horizon du rétablissement complet de la sécu, de l’équilibre des comptes de la Sécu, ce n’est plus une utopie, il est à portée de main (...), pas pour 2016, mais très vite", déclarait la ministre lors du "Grand Jury" RTL/Le Figaro/LCI". Jusqu’ici, l’avenue de Ségur, le camp de base des Affaires sociales, tablait sur un déficit de 9,1 milliards d’euros cette année, contre 10,2 milliards d’euros en 2015.

Assurer un accès équitable aux soins

Ce mardi, la Cour des comptes est moins enthousiaste. " La réduction du déficit de la sécurité sociale s’est poursuivie en 2015. Toutefois, celui-ci reste élevé et sa persistance demeure une anomalie singulière au regard de la plupart de nos voisins. Le redressement des comptes sociaux devrait se poursuivre en 2016, sans certitude sur le calendrier du nécessaire retour à l’équilibre."

"Par ailleurs, note la Cour, un tel rétablissement ne se justifie pas seulement pour des raisons financières, mais aussi pour mettre un terme à l’érosion sur longue période de la protection assurée par l’assurance maladie, qui compromet l’égal accès de tous aux soins", explique la Cour dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Un état de santé bucco-dentaire jugé "médiocre"

Des exemples de désengagement de la parte de la Sécu ? Les soins bucco-dentaires dont le coût est estimé à 10,6 milliards d’euros ne sont plus remboursés par l’assurance maladie qu’à hauteur de 33 %. Près d’un patient sur cinq renonce à ce type de soins pour des raisons financières. Résultat, l’état de santé bucco-dentaire de la population française apparaît comme "médiocre" par rapport à la moyenne européenne.

Selon la Cour, ce désengagement trouve en partie son origine dans la montée en flèche des dépenses liées aux affections de longue durée (ALD) prises en charge à 100 %. "Ce dispositif concerne 11,3 millions de personnes, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans, et représente 60 % des remboursements ", précise la Cour qui relève par ailleurs une progression très nette de la part des organismes complémentaires dans le financement des dépenses de santé depuis 15 ans. " Or le recours à une complémentaire santé représente un coût très significatif, pour les ménages comme pour les finances publiques, et pose la question de l’égalité de l’accès aux soins. Ces constats soulignent la nécessité d’une plus grande maîtrise des dépenses de santé afin de limiter les restes à charge", explique le rapport.

Lutter contre l’absentéisme

La Cour recommande également de renforcer la lutte contre l’absentéisme. Selon ses calculs, un salarié du régime général est absent 22 jours par an en moyenne, au-delà de ses absences pour congés légaux et conventionnels, dont 14 pour maladie, 6 pour des congés liés à l’arrivée d’un enfant, 1,5 pour l’exercice de mandats divers et 0,5 jour pour grève.

Selon les données du rapport 2015 sur l’état de la fonction publique publié par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), relativement anciennes, le taux d’absence pour « maladie » était de 3,5 % dans la fonction publique d’État, ordre de grandeur voisin de celui fourni par une étude de la DARES de 2013, selon laquelle le taux d’absence pour raison de santé s’élevait à 3,9 % en moyenne sur la période 2003-2011 dans la fonction publique et à 3,7 % dans le secteur privé. "Le taux d’absence pour ce même motif au sein du régime général (5,8 %) serait ainsi supérieur de 50 à 60 % à ce qu’il est en moyenne dans ces deux secteurs ", indique le rapport.

Une série de recommandations

Dans ce contexte, la Cour formule une série de recommandations pour redresser la situation financière de la Sécurité sociale, pour accélérer le retour à l’équilibre de l’assurance maladie, réduire la dette sociale. Outre un renforcement de la lutte contre l’absentéisme, qui passerait par le déploiement d’une stratégie de modernisation des ressources humaines de la sécurité sociale, elle propose notamment d’instaurer des dispositifs de régulation plus complets de suivi et de régulation des dépenses de soins de ville et d’ organiser l’amortissement de la totalité de la dette sociale.

Pour assurer un accès plus équitable aux soins et limiter les dépenses de santé laissées à la charge des assurés, tout particulièrement dans le domaine des soins bucco-dentaires, elle recommande de plafonner les tarifs des soins prothétiques les plus fréquents et mettre en place un conventionnement sélectif des chirurgiens-dentistes.

La Cour souhaite également une réorientation d’une partie des soutiens publics à la souscription d’une couverture complémentaire vers les assurés aux risques les plus élevés et une substitution du paiement à l’acte par une rémunération forfaitaire pour les médecins prenant en charge les patients atteints d’affections de longue durée. Pour rendre l’hôpital plus efficient, elle propose d’impliquer les médecins hospitaliers dans la maîtrise de leurs prescriptions et de concrétiser les gains d’efficience liés à l’informatisation des hôpitaux. Enfin, entre autres pistes majeures, la Cour suggère de renforcer sa fonction informatique.