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La Tribune - Le gouvernement présente une épaisse feuille de route sociale

Juin 2017, par Info santé sécu social

Par Jean-Christophe Chanut

Emmanuel Macron a décidé de faire de la réforme du droit du travail la mère de toutes les réformes... Les ordonnances réformant le Code du travail seront adoptées à la fin de l’été. Si la barémisation des indemnités prud’homales est bien prévue, le reste du contenu demeure encore un peu flou.

Le Premier ministre Édouard Philippe a comme convenu envoyé son "programme de travail pour rénover notre modèle social". Outre les ordonnances, au contenu non encore précisé, réformant dès cet été le Code du travail, des réformes des retraites et de l’assurance chômage vont aussi être proposées à moyen terme.

Manifestement pour le président de la République et son gouvernement, la réforme du droit du travail constitue la mère de toutes les réformes. Et des réformes dans le domaine social, il v a y en avoir beaucoup d’ici 2018 si l’on se réfère au "programme de travail pour rénover notre modèle social" que le Premier ministre et la ministre du Travail ont transmis ce 6 juin, comme convenu, aux organisations patronales et syndicales. Car, conformément aux engagements de campagne du candidat Macron, ce n’est pas le seul Code du travail qui va être concerné, mais aussi la formation professionnelle, les retraites, l’assurance chômage, etc. Même si, bien entendu, ce sont d’abord les ordonnances modifiant le droit du travail qui vont dans un premier temps occuper les esprits. Avec un calendrier maintenant quasiment fixé.

Des ordonnances adoptées dès la fin de l’été

Il y aura tout d’abord une phase de concertation avec les partenaires sociaux qui s’étalera du 9 juin au 21 juillet. À chaque fois, il s’agira de réunions bilatérales, aucune réunion plénière n’est à ce stade prévue, c’était pourtant une demande de la CFDT. Parallèlement, le 28 juin le projet de loi d’habilitation qui permet au gouvernement de demander au Parlement le droit de légiférer par ordonnances sera présenté en Conseil des ministres. Ce texte sera voté pendant l’été. Puis les ordonnances seront examinées en Conseil des ministres et seront publiées "à la fin de l’été". Et comme le dit avec humour le Premier ministre Edouard Philippe "cette année l’été se termine le 21 septembre"... Façon de dire que la réforme sera bouclée à cette date.

Pour autant, le Premier ministre s’est refusé à évoquer le nombre des ordonnances.

En revanche, la ministre du Travail, Muriel Penicaud et lui sont un peu entrés dans le détail des points qui vont être réformés, mais sans tout préciser pour autant.

Priorité à l’accord d’entreprise

Le premier point concernera comme prévu l’articulation entre les accords de branches et d’entreprises. Selon un conseiller gouvernemental, il ne s’agit pas de "casser les accords de branches, mais plutôt d’être pragmatiques et d’observer, selon les thèmes où se trouve le meilleur niveau de négociation". Par exemple, il n’est pas question de toucher ou de permettre de déroger aux accords de branches qui organisent des dispositifs de mutualisation (des fonds de la formation professionnelle ou du financement du paritarisme) au sein d’un secteur professionnel. En revanche, le gouvernement ne s’interdit pas de permettre à des accords d’entreprises majoritaires de pouvoir déroger à des accords de banches organisant ou fixant le niveau des primes (ancienneté, salissure, etc.). Jusqu’où pourra aller se pouvoir laissé aux accords d’entreprises de déroger aux accords de branches ? On ne le sait pas encore. Tout va dépendre de la concertation. Mais, de source gouvernementale, il n’est a priori pas prévu de permettre à une entreprise de ne pas respecter des minima salariaux de branches ou des classifications.

Fusion des instances de représentation

Le second volet de réformes, toujours via les ordonnances, concernera l’organisation du dialogue social. Le gouvernement songe très fort à fusionner, là où elles existent, les trois instances actuelles de représentation : délégués du personnel, comité d’entreprise et comité d’hygiène sécurité et conditions de travail (CHSCT). Il s’agira donc d’aller plus loin que la loi Rebsamen sur le dialogue social de 2015 qui donnait cette possibilité aux entreprises de 50 à 300 salariés.

Le gouvernement veut aussi "plancher" sur un dispositif spécifique de dialogue social dans les PME/TPE de moins de cinquante salariés - soit 95% des entreprises et 55% des salariés. À cet égard, il n’est plus certain que le referendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur soit encore à l’ordre du jour... Manifestement, le gouvernement n’en fait pas un cheval de bataille. Mais les organisations patronales pourraient être tentées de faire le forcing...

Barémisation des indemnités prud’homales

Le troisième volet vise à sécuriser les relations de travail. Là, le Premier ministre n’en démord pas, il y aura bien une "barémisation" - avec un plancher et un plafond - des dommages et intérêts accordés par les conseils de prud’hommes en cas de licenciement abusif, afin de "permettre une plus grande équité et redonner confiance aux employeurs". Ce plafonnement des indemnités prud’homales est considéré comme un casus belli par l’ensemble des organisations syndicales qui estiment que seuls les juges sont habilités à mesurer le niveau de réparation du préjudice subi par un salarié....

Un autre point sera aussi à l’ordre du jour, rarement évoqué jusqu’ici. Le gouvernement veut revoir le "formalisme" qui entoure le licenciement. Il compte ainsi répondre à une vieille antienne patronale qui concerne la lettre de licenciement. On sait que seuls les motifs évoqués dans la lettre peuvent être retenus pour justifier le licenciement. Aussi, les lettres mal rédigées conduisent souvent les prud’hommes à considérer qu’un licenciement est abusif et entraîne l’octroi automatique de six mois d’indemnités au salarié. Cette règle pourrait donc évoluer...

À ce stade, on ne sait pas si la question hautement sensible du contrat de travail sera intégrée dans les projets d’ordonnances...Il va falloir attendre les concertations.

Mais ce n’est donc pas fini. Au-delà de cette première réforme du Code du travail via les ordonnances, le gouvernement veut s’atteler à d’autres chantiers qui figuraient dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron.

Réforme de l’assurance chômage pour 2018

À la rentrée, une refonte du système de la formation professionnelle sera engagée afin de davantage l’ouvrir aux demandeurs d’emploi, aux jeunes et aux salariés les plus exposés. Elle sera opérationnelle dès le début de 2018. Durant sa campagne, Emmanuel Macron disait vouloir consacrer 15 milliards d’euros à ce vaste plan de formation.

Par ailleurs, la réforme promise de l’assurance chômage, afin de l’ouvrir aux indépendants, aux démissionnaires (une fois tous les cinq ans) et aux agriculteurs, sera mise sur la table avec l’idée de la mettre en oeuvre "progressivement à compter de l’été 2018".

Enfin, outre une "refondation" de l’apprentissage", une vaste réforme des retraites sera engagée en 2018. On sait qu’Emmanuel Macron veut unifier tous les régimes et instaurer un système de retraite par points. À cet égard, Edouard Philippe a précisé que le compte pénibilité ne serait pas supprimé, mais qu’il serait simplifié. Une fois encore, un comité d’experts va être chargé de "plancher" sur la question.

On le voit donc, le programme est vaste. Et il contient potentiellement plusieurs "bombes" sociales une fois que l’on en saura plus quand les débats auront avancé. Mais, pour ce faire, il faudra certainement attendre le lendemain des élections législatives. Ce n’est bien entendu pas maintenant que le gouvernement va annoncer qu’il compte aussi réformer le contrat de travail...