Revenu de base - Salaire universel

La Tribune - Revenu universel : pourquoi Valls ressort un serpent de mer

Septembre 2016, par Info santé sécu social

Par Jean-Christophe Catalon |

Le Premier ministre remet ce débat sur la table à l’approche de la campagne présidentielle. Les désaccords sur son application restent intacts dans la classe politique.

La réforme des minima sociaux n’est pas encore clôturée, Manuel Valls passe déjà à la suite. Pour lutter contre la pauvreté, le Premier ministre a remis sur la table cette semaine l’idée d’un revenu universel via une une publication sur Facebook. Un sujet stratégique sur lequel il compte s’appuyer pour s’opposer au discours de la droite sur l’assistanat et conquérir la gauche.

Revenu de base, revenu universel, ces termes évoquent une même idée qui ne date pas d’hier. Dès le XVIIIe siècle, le pamphlétaire britannique Thomas Paine plaide pour une indemnité liée à la pauvreté. Aujourd’hui, il s’agit de fournir un revenu à l’ensemble de la population, quels que soient les ressources et l’âge, afin de fournir à tous un revenu suffisant pour assurer sa subsistance.

Sur le papier la logique est séduisante. Ils sont de plus en plus nombreux à y être favorables dans le paysage politique, en particulier depuis que l’automatisation plane comme une épée de Damoclès sur le marché du travail. Si bien que d’Europe écologie-Les Verts au Front national, tous y réfléchissent mais avec des approches bien différentes.

Un moyen de se débarrasser des prestations sociales pour les libéraux

Si le revenu universel n’a jamais été instauré en tant que tel en France, des dispositifs que l’on peut qualifier d’expérimentations timides sont déjà en place, à l’image du RSA. Depuis plusieurs décennies, l’État providence a accumulé un panel de prestations sociales dont l’objectif est de lutter contre les inégalités. Une situation à laquelle les libéraux veulent mettre un terme, avec le revenu de base comme porte de sortie.

•Marine Le Pen veut "remplacer l’intégralité de toutes ces aides"

En avril dernier sur Radio Classique, Marine Le Pen a expliqué "étudier la question". "C’est un bouleversement, car l’objectif est de remplacer l’intégralité de toutes les autres aides qui sont versées aujourd’hui", a-t-elle poursuivi. "Je crois qu’il en existe plus de 50 différentes, ce qui je crois est absolument considérable, et a un effet pervers". D’après la candidate frontiste à la présidentielle, les aides n’incitent pas les individus à travailler.

•Le combat isolé de Frédéric Lefebvre à droite

Parmi les rares supporteurs du revenu de base chez Les Républicains, le député des Français de l’étranger Frédéric Lefebvre s’inscrit dans ce schéma. L’ex-secrétaire d’État plaide pour une allocation de 800 à 1000 euros mensuel dès la naissance, en contrepartie de laquelle il propose la suppression des aides sociales et des administrations qui concourent à leur gestion. Frédéric Lefebvre est le seul à porter avec insistance cette idée dans son parti, où la plupart considère davantage le revenu de base comme une manière de favoriser l’assistanat.

Manuel Valls propose une position plus souple, tout en gardant un esprit d’une optimisation du système de prestations sociales. Dans son post Facebook, il évoque "une allocation unique, ouverte à tous, à partir de 18 ans, pour remplacer la dizaine de minima sociaux existant".

Un cheval de Troie pour affaiblir les conditions des salariés ?

Dans nos colonnes, le philosophe Jean-Marc Ferry estimait que la finalité des libéraux est d’utiliser le revenu universel afin de "diminuer les salaires de l’équivalent de ce revenu de base, et ainsi, accroître la compétitivité". "En clair, ce serait un moyen pour eux de faire du dumping social déguisé", avait-il ajouté.

Une analyse partagée par le fondateur du RSA, Martin Hirsch. Pour lui, l’ouverture d’une allocation dès 18 ans ne favoriserait pas l’accès à l’emploi des jeunes. Au contraire, elle aurait pour effet d’inciter les employeurs à les forcer à accepter des salaires plus bas.

•La crainte des communistes

Le PCF n’est pas contre l’instauration d’un revenu universel, mais dans une note la commission travail-emploi du parti, il ne cache pas ses inquiétudes. Les communistes craignent qu’un tel dispositif remette en cause la "valorisation des compétences acquises", car c’est aussi à cela que servent les revenus du travail, reconnaître des savoir-faire. Le PCF pointe aussi une façon détournée de se dispenser d’une réforme fiscale. La priorité pour le parti reste la sécurisation des emplois.
•Attac s’interroge sur la légitimité philosophique d’un tel concept

Jean-Marie Harribey, animateur du conseil scientifique d’Attac, doute quant à lui de la légitimité philosophique d’un tel concept, dans la mesure où il révolutionne la place du travail dans nos sociétés. En dissociant les notions de travail, activité et revenus, il est donc question d’accepter de rémunérer des activités telles que les tâches effectuées par les femmes au foyer.

Une mission d’information au Sénat

À gauche, les farouches partisans du revenu universel sont à trouver chez Europe écologie-Les Verts. Le parti a décidé depuis novembre 2013 de défendre explicitement le thème dans le débat public. Ils considèrent que l’apport de chacun à la société doit être libre. Or, les activités de bénévolat notamment ne sont, par définition, pas rémunérées. Un revenu de base permettrait donc de pouvoir effectuer ces activités tout en assurant sa subsistance.

En mai dernier, le résolution du sénateur Jean Desessard (EELV) pour l’instauration d’un revenu de base n’a pas été adoptée par la chambre haute. En revanche, une mission d’information est depuis lancée, avec pour objectif d’étudier la pertinence d’un tel dispositif en France.