Les retraites

Le JDD.fr : Gérard Larcher : "Le gouvernement n’a pas dit la vérité sur la réforme des retraites"

Février 2020, par infosecusanté

Le JDD.fr : Gérard Larcher : "Le gouvernement n’a pas dit la vérité sur la réforme des retraites"

Sarah Paillou

Le 1er Février 2020

INTERVIEW - A la veille de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, Gérard Larcher demande que la procédure accélérée soit levée. Le président (Les Républicains) du Sénat voit dans ce texte "une politique de Gribouille".

Pour le président du Sénat, Gérard Larcher, la réforme des retraites, dont l’examen commence cette semaine à l’Assemblée nationale, n’est "définitivement pas la réforme qu’aurait faite la droite". L’élu Les Républicains demande la levée de la procédure accélérée, arguant que les parlementaires ne disposent pas du temps ni des informations nécessaires pour étudier le texte. S’il considère que réformer le système de pensions est essentiel, il craint que le projet du gouvernement se solde par une hausse des cotisations et du déficit.

Comment le débat parlementaire s’engage-t-il, selon vous ?

Cette réforme a été marquée par une faute originelle du gouvernement, qui a prétendu qu’il ne serait pas nécessaire de travailler plus longtemps, comme dans l’ensemble des pays européens. Pendant deux ans, l’exécutif n’a ni dit la vérité, ni abordé les vrais sujets : quel niveau de cotisation ? Quel niveau de pension ? Quel âge légal ? Sur cette réforme, on est passé de l’adhésion des citoyens à la suspicion, puis au rejet. Résultat : une majorité de gens continuent à soutenir le mouvement social.

Une mauvais lancement, donc ?

Le principe d’un régime universel à points ne posait pas de problème au Sénat. Mais le débat s’engage sur un texte dont on ignore tous les éléments financiers, qui ne figurent pas dans l’étude d’impact. Comment engager un débat parlementaire en même temps qu’une conférence de financement ? Au prétexte de négocier avec les partenaires sociaux, on renvoie essentiellement à des ordonnances tous les éléments de déclinaison et de transition par secteur ! On est tout de même à près de 14% du PIB, et on demande au Parlement de débattre sans savoir ce que ça va représenter en 2025 ou en 2027… Le Conseil d’État, qui a rarement été aussi sévère sur un avis, a lui-même souligné le caractère lacunaire des "projections financières".

Pourquoi le Sénat demande-t-il une levée de la procédure accélérée ?

Pour permettre, au moyen de deux lectures dans chaque chambre, d’éclairer ces inconnues. Et cela a été voté au Sénat par tous les groupes politiques, à l’exception de La République en marche, le groupe des indépendants s’abstenant. On ne peut pas décemment demander au Parlement de débattre et de se prononcer sans savoir ! On vient de passer deux ans à se concerter, et il faudrait maintenant tout expédier en trois mois ? Je tends la main au gouvernement pour qu’il se redonne du temps : il peut à tout moment lever la procédure accélérée. Je continuerai à le demander.

L’exécutif envisage d’utiliser le 49.3. Qu’en pensez-vous ?

Mon conseil au gouvernement : ne pas l’utiliser. Ça finit toujours mal.

La France insoumise a déposé près de 19.000 amendements. Que pensez-vous de cette guérilla ?

Quand vous préparez 29 ordonnances sur 40 sujets majeurs tels que les régimes, la situation des femmes, des enfants ou les réversions, il n’est pas illogique que les parlementaires tentent d’influer sur ce qu’il y aura dans ces ordonnances ! Mais attention aux amendements caricaturaux, qui abîment le travail parlementaire. Au Sénat, nous ne sommes jamais dans une procédure d’obstruction. Mais nous voulons un débat clair, transparent, compréhensible pour les Français.

La droite n’aurait-elle pas rêvé de conduire cette réforme ?

Non, car le pilier d’une réforme de droite repose sur l’âge de départ à la retraite. Nous aurions aussi examiné les carrières longues, la pénibilité et les toutes petites retraites. À l’exception de la réforme Touraine, c’est toujours la droite qui a réformé les retraites. Et à chaque fois en paramétrique. Or, là, le grand risque, c’est que ça se termine par une augmentation des cotisations, puis un pompage dans les réserves et enfin dans la cotisation pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Comment alors va-t-on financer la dépendance ? Pour tenter d’éteindre un front, on va en oublier un autre. C’est une politique de gribouille sur des masses financières énormes. Non, ce n’est définitivement pas la réforme qu’aurait faite la droite.

L’électorat de droite ne soutient-il pas cette réforme ?

Une partie de l’électorat de la droite et du centre pense qu’il faut réformer les retraites. Seuls messieurs Martinez et Mélenchon, et madame Le Pen, estiment qu’il n’y a pas de sujet. Mais j’ai peur qu’on aboutisse à bien peu de chose, pour un coût élevé et avec de vieilles recettes.