Environnement et facteurs dégradant la santé

Le Monde - BRUXELLES SOMME LA FRANCE ET HUIT AUTRES ETATS DE PRÉSENTER DES MESURES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR

Février 2018, par Info santé sécu social

La Commission européenne a donné un délai de dix jours aux pays concernés pour se mettre en conformité avec la directive de 2008 et « éviter un recours » devant la justice européenne

La Commission européenne le jure : cette fois, c’est le dernier avertissement. Le commissaire à l’environnement, Karmenu Vella, a convoqué les Etats cancres de la lutte contre la pollution de l’air lors d’un sommet organisé mardi 30 janvier à Bruxelles. Une première.

Neuf pays sont sous le coup de procédures d’infraction pour non-respect des normes de qualité de l’air : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, la Hongrie, la Roumanie, la République tchèque et la Slovaquie. Et s’ils ne profitent pas de cette réunion de la dernière chance pour présenter des plans d’actions efficaces et immédiats, la Commission menace de les renvoyer devant la Cour de justice de l’Union européenne (UE). A l’issue de la réunion, la Commission a donné dix jours aux pays concernés pour présenter des mesures pour « éviter un recours devant la Cour ».

« Nous sommes à la fin d’une longue – trop longue, diront certains – période d’offre d’aide, de conseils et d’avertissements », reconnaît Karmenu Vella. Le commissaire maltais a écrit à chacun des Etats pour leur demander quand ils comptaient enfin se mettre en conformité avec la directive européenne de 2008 sur la qualité de l’air. Dix ans que les mauvais élèves de l’UE font l’objet de rappels à l’ordre réguliers pour des dépassements répétés des valeurs limites d’exposition aux particules fines PM10 (inférieures à 10 micromètres) et au dioxyde d’azote (NO2). Ils valent aujourd’hui à la France d’être visée par deux procédures dites « précontentieuses ».

La première mise en demeure adressée au gouvernement français par la Commission remonte à 2009. D’autres ont suivi en 2010, 2011, 2013 et 2015. L’ultime avertissement – qui concernait également l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne – date du 15 février 2017. Il s’agissait déjà du « dernier avertissement ».

A chaque fois, Bruxelles martèle les mêmes griefs : « La Commission considère que la France n’a pas pris les mesures qui auraient dû être mises en place depuis 2005 [pour les PM10, et 2010 pour les NO2] pour protéger la santé des citoyens, et lui demande d’engager des actions rapides et efficaces pour mettre un terme aussi vite que possible à cette situation de non-conformité. »

A chaque fois, le législateur européen brandit la même menace : « Si la France n’agit pas dans les deux mois, la Commission peut décider de porter l’affaire devant la Cour de justice de l’UE. »

Mardi, à l’issue de la réunion à Bruxelles, le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a affirmé vouloir « inverser la tendance rapidement », estimant qu’une « quinzaines de territoire en métropole et en outre-mer sont concernés par des dépassements réguliers des pics de pollution ».

« Ils nous ont mis la pression, mais moi je ne m’en désole pas, parce que cela permet d’étayer (…) mes propres velléités », a assuré M. Hulot devant quelques journalistes en sortant de la réunion.

Mais jusqu’ici, Bruxelles n’a mis la menace de la Cour de justice de l’UE à exécution que pour deux Etats : la Pologne et la Bulgarie. Et seule cette dernière a été condamnée, en avril 2017. Depuis, le pays, qui a pris la présidence de l’UE en janvier, négocie pour échapper à une amende.

400 000 MORTS PAR AN EN EUROPE
« Le temps des négociations est terminé, estime Ugo Taddei, avocat de l’ONG ClientEarth. Les citoyens de toute l’Europe ont suffisamment attendu pour respirer un air propre. Il est temps que la Commission renvoie ces pays devant la Cour de justice de l’UE pour protéger leur santé. »

Selon le rapport 2017 sur la qualité de l’air de l’Agence européenne pour l’environnement, la pollution de l’air est à l’origine de plus de 400 000 morts prématurées chaque année dans l’UE. C’est l’Allemagne qui paie le plus lourd tribut avec plus de 80 000 morts. En France, on estime ce bilan macabre à 48 000 décès. ClientEarth a engagé des actions en justice dans plusieurs Etats cancres. En 2016, elle a obtenu une victoire remarquée en faisant condamner le gouvernement britannique devant la Haute Cour de justice de Londres pour non-respect des normes européennes. Et elle attend dans les prochaines semaines plusieurs jugements en Allemagne qui pourraient avoir des conséquences sur les véhicules diesel, premiers émetteurs d’oxyde d’azote.

En France, les recours de l’association Les Amis de la Terre devant le Conseil d’Etat ont fini par déboucher sur un arrêté, le 12 juillet 2017, enjoignant au gouvernement de ramener les concentrations en PM10 et NO2 sous les valeurs réglementaires (40 µg/m3 en moyenne annuelle) dans les plus brefs délais. La haute juridiction lui a donné jusqu’au 31 mars pour transmettre son plan d’action à la Commission européenne. Dix zones sont concernées par des concentrations excessives en particules fines et dix-neuf pour des dépassements en dioxyde d’azote, dont les agglomérations parisienne, marseillaise, lyonnaise, la Martinique ou la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie.

« METTRE FIN AUX ZONES DE NON-DROIT DE SANTÉ »
Nicolas Hulot, a demandé aux préfets de ces régions de préparer des feuilles de route d’ici à mars pour « mettre fin aux zones de non-droit de santé publique violant les normes européennes ». Les préfets sont chargés de mettre en œuvre des plans de protection de l’atmosphère dans chaque région. Celui de l’Ile-de-France, où un Parisien sur deux est surexposé à la pollution, est en cours de révision pour la période 2017-2020. Il prévoit un respect des normes européennes en… 2025. Un délai qui ne devrait pas satisfaire Bruxelles.

Comme ses homologues allemand, italien et tchèque, Nicolas Hulot doit se rendre au sommet du 30 janvier afin de convaincre la Commission que la France est prête à faire les efforts nécessaires pour s’améliorer et échapper à l’humiliation d’une convocation devant la Cour de justice de l’UE.

Dans l’entourage du ministre, on se félicite de l’initiative de la Commission de « prendre au sérieux le problème de la pollution » tout en rappelant que celle-ci n’a pas toujours été « exemplaire » sur ce terrain. Allusion, notamment, aux énormes failles des tests d’homologation des véhicules mises au jour par le scandale du « dieselgate ».

Nicolas Hulot, explique-t-on, entend profiter de ce sommet inédit pour « faire la démonstration que le gouvernement met tout en œuvre pour respecter la directive européenne ». Et de citer la prochaine loi sur les mobilités qui devrait mettre l’accent sur les transports « doux » ou certaines mesures du « paquet solidarité climatique » entrées en vigueur en janvier, comme la prime à la conversion (de 1 000 euros) pour favoriser la sortie du parc des véhicules essence et diesel fixée à 2040 ou celle accordée pour inciter les foyers à abandonner leur vieille chaudière au fioul ou le chauffage au bois, grand émetteur de particules fines.

« La France est attendue au tournant », estime Lorelei Limousin, de l’association Réseau Action Climat. Elle déplore que le gouvernement ait aussi « dans ses cartons des projets qui vont avoir des ­conséquences en termes de pollution de l’air comme l’A45 [entre Lyon et Saint-Etienne] ou le contournement autoroutier de Strasbourg qui a reçu le feu vert du ministre Hulot », le 23 janvier.