Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde - Covid-19 : l’exécutif sur le fil du rasoir

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Editorial du « Monde » du 12 septembre
Confronté à une nette dégradation de la situation sanitaire, le gouvernement se refuse, pour le moment, à puiser dans le registre des « mesures difficiles » que le conseil scientifique semblait, voici quelques jours, juger inéluctables.

Vendredi 11 septembre, après la tenue d’un conseil de défense, le premier ministre, Jean Castex, a exclu dans l’immédiat un reconfinement, même partiel, préférant, au contraire, insister sur la « constance » de la stratégie adoptée depuis le mois de mai. Celle-ci consiste à lutter contre le virus, tout en favorisant le redémarrage le plus rapide possible de l’activité économique, sociale, culturelle et éducative.

Ce double objectif paraissait atteignable tant que l’épidémie était maîtrisée mais, depuis la rentrée de septembre, les signaux d’alerte se multiplient : non seulement la vitesse de circulation du virus s’accroît, de façon désormais exponentielle mais le nombre d’hospitalisations recommence à augmenter. Comme en mars, les personnes âgées sont les plus vulnérables, tandis que de nombreux jeunes sont asymptomatiques. On voit dès lors vers quel type de mesures risque de conduire une aggravation non maîtrisée de l’épidémie : l’obligation d’isoler telle partie du territoire ou telle catégorie de la population, en l’occurrence les anciens, qui sont à la fois les plus fragiles, les moins impliqués dans le redémarrage économique mais aussi les plus isolés.

Alors que 42 départements sont désormais classés « rouges » et que la situation à Marseille, à Bordeaux et en Guadeloupe est jugée particulièrement préoccupante, Jean Castex a préféré jouer la carte de la concertation avec les élus locaux et celle de la responsabilité individuelle. Le chef du gouvernement a lancé un nouvel appel « solennel » au « sens des responsabilités de chacune et de chacun » pour dire implicitement aux plus âgés de rester autant que possible chez eux et aux jeunes de se protéger en pensant aux autres.

Dès lors, l’essentiel des annonces a porté sur l’amélioration du dispositif existant, qui consiste à dépister, tracer et isoler, et qui constitue jusqu’à nouvel ordre le cœur de la stratégie de lutte contre le virus. Il était, il est vrai, plus que temps d’agir, au vu de l’avis du conseil scientifique qui a dressé mercredi, un « constat d’échec ». Alors que les files d’attente pour se faire tester s’allongent, des « créneaux horaires » seront dégagés pour les personnes prioritaires ; 2 000 personnes supplémentaires seront recrutées par l’Assurance-maladie et les agences régionales de santé afin de renforcer le traçage des contacts des personnes infectées. Enfin, les quatorze jours d’isolement, souvent mal respectés, seront réduits à sept, au prix de contrôles accrus.

En agissant de la sorte, le gouvernement tente de repousser au maximum les mesures coercitives qui risqueraient de peser sur le moral des Français et d’accroître les fractures du pays dans une double dimension territoriale et générationnelle. Il se retrouve du même coup sur le fil du rasoir, à la merci des pressions du conseil scientifique et de l’opinion publique, qui dissimulent de moins en moins leur inquiétude.

La rentrée, qui devait être placée sous le signe du retour de la confiance, est d’ores et déjà fortement affectée par la reprise de l’épidémie. Les Français ont compris qu’ils devraient vivre de longs mois encore avec le virus, et le gouvernement est en train de se rendre compte que le plan de relance qu’il avait conçu pour être le clou de la rentrée a raté son entrée en scène. Présenté comme la promesse de jours meilleurs, il ressemble de plus en plus au prolongement des mesures de soutien massives adoptées depuis le début de l’épidémie.

Le Monde