Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde - Covid-19 : que sont les tests antigéniques, déployés cette semaine en Ile-de-France ?

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Plus rapides, ils devraient permettre un dépistage complémentaire aux tests par PCR, considérés comme plus sensibles.

Par Sandra Favier Publié aujourd’hui

Des files d’attente sans fin devant les laboratoires, des résultats qui peuvent mettre plusieurs jours à revenir au patient et des personnels biologistes sous tension… Alors que le gouvernement affirme que l’objectif du million de tests RT-PCR par semaine a été atteint, mercredi 2 septembre, le maintien d’un tel rythme sur le long terme reste sujet à caution.

Alors, pour tenter de soulager les laboratoires, le ministre de la santé, Olivier Véran, a annoncé le déploiement de tests dits antigéniques. A partir du 9 septembre, leur évaluation « démarre à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) », a-t-il précisé.

Les tests rapides antigéniques (TRA) cherchent, comme les tests RT-PCR (pour polymerase chain reaction, « réaction en chaîne par polymérase »), à déterminer si un patient est infecté au moment précis du dépistage, à l’inverse des tests sérologiques qui repèrent les anticorps, développés en réaction à un contact – possiblement antérieur – avec le nouveau coronavirus. Tout comme les tests RT-PCR, les tests antigéniques s’effectuent aussi par le recueil de matière au fond du nez, à l’aide d’un écouvillon.

En revanche, RT-PCR et TRA sont bien différents puisqu’on « ne cherche pas la même chose », résume Lionel Barrand, président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM). Les tests par PCR recherchent la présence d’ARN, le code génétique du virus, « similaire à l’ADN des humains et propre à chacun ». Les tests antigéniques, eux, détectent les antigènes du SARS-CoV-2, « des protéines, produites par le virus lui-même » et présentes à sa surface. C’est à cet endroit que les anticorps viennent se fixer pour combattre l’infection.

Les deux tests diffèrent également dans le processus. Avec le TRA, le prélèvement réalisé dans le nez est mélangé à un réactif, directement sur une bandelette, qui se colore en présence du virus, à la manière d’un test de grossesse. Une procédure « plus facile – la manipulation se fait à la main et non à l’aide d’une machine – et plus rapide » que les tests RT-PCR, selon Lionel Barrand.

Quels avantages par rapport aux tests RT-PCR ?
Selon le ministre de la santé, les TRA peuvent fournir les résultats en « quinze, vingt minutes ». L’AP-HP, plus prudente, annonce quant à elle un délai de trente minutes. Dans tous les cas, cela reste bien plus rapide que les vingt-quatre heures théoriques, avancées par le gouvernement en conditions normales d’affluence, pour obtenir le résultat d’un test virologique par PCR.

Ce gain de temps peut permettre « d’isoler de manière plus précoce les cas contaminants et de tracer plus rapidement leurs contacts », selon l’AP-HP. Moins longs et plus simples, les tests antigéniques sont pour cette raison « tout à fait adaptés aux opérations massives de dépistage ». Après un premier tri parmi la population, les personnes dont les tests antigéniques sont revenus positifs seraient toutefois soumises à un deuxième test, RT-PCR cette fois, pour confirmer l’infection au coronavirus, détaille l’AP-HP.

Les tests antigéniques ont-ils des limites ?
Mais la rapidité des résultats ne fait pas tout. Pour Claude Cohen, président du Syndicat national des médecins biologistes, elle ne se traduira d’ailleurs « probablement pas par un désengorgement des laboratoires d’analyses », le temps nécessaire aux prélèvements et aux démarches administratives restant, lui, le même.

Mais surtout l’AP-HP estime, pour l’instant, que les « TRA ont, en général, une sensibilité inférieure aux tests RT-PCR », laquelle se situe aujourd’hui autour de 90 % et peut baisser en fonction de la variable humaine et des conditions de prélèvement.

« Les tests par PCR sont logiquement plus sensibles parce qu’ils amplifient la présence du génome viral », explique Lionel Barrand, ce qui permet de détecter la présence du SARS-CoV-2 même s’il est présent en faible quantité, dans un échantillon. « Mais on ne peut pas amplifier les antigènes, donc le risque est de passer à côté des faibles charges virales, en début d’infection par exemple. »

La sensibilité exacte des TRA n’est pas encore connue et il faudra attendre les résultats de l’évaluation en conditions réelles pour la déterminer, précise encore l’AP-HP.

Quelles sont les suites envisagées ?
Il est encore trop tôt pour envisager des campagnes massives de dépistages par TRA mais le gouvernement est optimiste. Au micro de France Inter, Olivier Véran a avancé que l’usage de ces tests serait « bien dans certains milieux, comme les aéroports » ou à l’accueil des hôpitaux.

Au vu de leur moindre sensibilité, les TRA n’ont cependant pas vocation à remplacer les tests par PCR, ces derniers restant « la référence » selon l’AP-HP. En revanche, « il est possible que l’on utilise les deux types de tests virologiques pour compléter les résultats de l’un et de l’autre », estime Lionel Barrand. Une analyse que partage l’AP-HP : « Les TRA constituent un dispositif complémentaire qui permet de détecter globalement beaucoup plus de personnes, en apportant une capacité additionnelle de tests (…) réalisables hors laboratoire d’analyse médicale. »

En parallèle de l’évaluation de ces tests en conditions réelles, menée en Ile-de-France depuis le 9 septembre, un protocole d’essai clinique doit être déposé auprès des autorités compétentes : Comité de protection des personnes, Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il s’agit d’effectuer une étude « en double systématique TRA + PCR », sur environ 800 personnes, fait savoir l’AP-HP.

Ces études sont menées avec comme objectif un déploiement à grande échelle des TRA à partir du milieu du mois de septembre. Selon Olivier Véran, le but est d’améliorer « la priorisation des dépistages » et le rythme de détection des cas de Covid-19.