Les retraites

Le Monde - Dans la réforme des retraites, un dossier très sensible : les avantages familiaux

Avril 2019, par Info santé sécu social

Les bonus liés aux enfants et les pensions de réversion versées au conjoint survivant pourraient être modifiés.

Par Raphaëlle Besse Desmoulières P

Le sujet valait bien deux séances de concertation. Cette semaine, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, se penche de nouveau sur des chantiers très sensibles : le devenir, dans le futur système universel à points, des avantages familiaux, liés à l’arrivée des enfants, et celui des pensions de réversion versées au conjoint survivant. En juin 2018, lors de la précédente discussion sur ces questions, le haut-commissariat avait provoqué un tollé en laissant entendre que les pensions de réversion seraient menacées, avant de corriger le tir.

Un contexte qui incite à la prudence. Dans le document de travail envoyé vendredi aux partenaires sociaux, rendu public par l’agence Reuters et dont Le Monde a obtenu copie, l’équipe de M. Delevoye a cette fois soigneusement choisi ses mots. D’autant plus que la polémique sur un éventuel recul de l’âge de départ en retraite n’est toujours pas close.

« Enveloppe constante »
Sur les droits familiaux, il est rappelé que leur objectif est « de compenser les impacts sur la carrière des parents de l’arrivée ou de l’éducation de l’enfant ». Les femmes sont les plus pénalisées : la naissance d’un enfant se traduit en moyenne pour elles par une minoration du salaire de l’ordre de 15 à 30 %. Actuellement, les mères bénéficient de trimestres supplémentaires dès la première naissance, et une majoration de pension est attribuée aux deux parents à partir de trois enfants.

L’idée serait d’accorder des points pour chaque enfant et ce dès le premier. « Compte tenu du caractère proportionnel aux revenus d’activité des impacts de l’éducation des enfants », ajoute le haut-commissariat, le nouveau dispositif serait attribué « sous forme d’une majoration proportionnelle de la pension ».

Frédéric Sève (CFDT) aurait trouvé « plus juste » une bonification sous la forme d’un forfait qui donne le même nombre de points car, selon lui, au contraire, « le préjudice sur la carrière est plus fort quand on a des bas revenus ».

La réforme se faisant par ailleurs « à enveloppe de prestations constantes », le haut-commissariat soumet trois scénarios plus ou moins favorables aux familles nombreuses et interroge l’opportunité de maintenir un avantage spécifique pour les parents d’au moins trois enfants. « Le signal envoyé qui est intéressant, c’est la majoration en plus dès le premier enfant, juge Philippe Pihet (FO). Après, chaque enfant en aurait, y compris le troisième, mais ce qui est proposé pour l’instant n’est pas très clair. » « Comme ils ne veulent pas donner des évaluations chiffrées et des études d’impact, on a du mal à voir de quoi on parle », déplore également Eric Chevée (CPME).

Pas de reversion pour les pacs
Concernant les pensions de réversion, l’objectif du haut-commissariat est d’unifier les règles très hétérogènes selon les régimes d’un dispositif qui bénéficiait, en 2016, à 4,4 millions de personnes, dont 89 % de femmes. L’équipe de M. Delevoye souhaitant « un maintien du niveau de vie du conjoint survivant », elle ouvre une série de questionnements sans y apporter de réponses : quelle part des droits acquis par le couple doit-on conserver pour celui qui reste ? Le montant de la pension doit-il être plafonné ?

S’il avait été envisagé d’ouvrir ce mécanisme aux personnes pacsées, l’hypothèse semble écartée. Une déception pour la CFDT. « La pension de réversion s’inscrit dans la continuité d’une obligation légale de solidarité au sein du couple. Le mariage impliquant cette obligation, il demeurerait une des conditions au bénéfice de la pension de réversion », indique le document. Si la personne décédée a été mariée plusieurs fois, la question est également posée de conserver l’existant – un partage des droits entre l’actuel et les ex-conjoints selon la durée de l’union – ou de traiter à l’avenir ce sujet au moment du divorce.

Raphaëlle Besse Desmoulières