Le droit à la santé et à la vie

Le Monde - Lutte contre les violences faites aux femmes : « Nous voulons être un partenaire de la santé des victimes »

Novembre 2018, par Info santé sécu social

Le 25 Novembre 2018

Un collectif de médecins et de professionnels de santé appelle, dans une tribune au « Monde », à une prise de conscience urgente face aux violences obstétricales et gynécologiques et face aux violences sexistes, ainsi qu’à une meilleure prise en charge des patientes.

Tous les jours, des enfants, des adolescentes et des femmes sont victimes de violences sexistes et sexuelles dans la rue, à la maison, dans les transports, à l’école, au travail, dans les cabinets médicaux, en clinique et à l’hôpital… Plus de 90 000 femmes sont victimes de viols et de tentatives de viol chaque année. Plus de 225 000 femmes sont battues ou violentées par leur conjoint ou ex-conjoint et des milliers subissent du harcèlement sexuel.

Ces victimes sont aussi des patientes avec des troubles psychotraumatiques consécutifs aux violences qu’elles ont subies et qui ont un impact considérable sur leur santé mentale et physique à long terme. On ne peut plus nier la réalité de ces violences et la gravité de leurs conséquences sur leur santé dans notre prise en charge, sous peine d’une perte de chance intolérable pour ces filles et ces femmes, et de rajouter de la violence à la violence.

Les violences obstétricales ont été dénoncées dans le rapport de l’Académie nationale de médecine, que nous plébiscitons – « De la bienveillance en obstétrique : la réalité du fonctionnement des maternités ». Dans ce rapport, le professeur René-Charles Rudigoz, de l’Académie nationale de médecine, dit ceci : « On a pu (…) constater que les impératifs de sécurité étaient bien remplis mais que l’humanité de l’accouchement laissait parfois à désirer. (…) Des améliorations sont donc à envisager : une meilleure formation des professionnels à l’écoute (…), l’amélioration de la prise en compte de la douleur (…), le recueil d’informations (…) sur les pratiques de chaque établissement (…) afin que chaque patiente puisse choisir son établissement et émettre éventuellement son avis. »

Position de vulnérabilité
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a alerté sur « les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical ». Les violences obstétricales et gynécologiques, les violences sexistes, toutes les formes de discrimination sont une triste réalité reconnue désormais par l’Etat. Il est nécessaire d’écouter et de croire ces victimes qui en souffrent. Une prise de conscience urgente de nos professions s’impose à nous.

Même si une patiente dit « oui », elle a le droit de revenir sur sa décision. Aucun consentement n’est implicite. Aucun examen forcé ne servira le bien-être d’une patiente. Toute pénétration du corps, par quelque moyen que ce soit, et ce même dans un cadre médical, peut être traumatisante pour toutes les filles, et toutes les femmes. Tout acte médical doit être expliqué à la patiente. Elle doit toujours donner son accord, conformément à la loi Kouchner de 2002.

Nous voulons être un partenaire de la santé des femmes. Toutes les patientes sont en position de vulnérabilité car elles sont en attente de diagnostic, en demande de prescription, ou dans le besoin d’être soignées… Nous devons prendre conscience de cette réalité dans notre prise en charge pour ne pas causer de la maltraitance. Nous voulons promouvoir l’autonomie des femmes, respecter leurs choix et leurs droits. Nous souhaitons mettre au cœur de notre pratique un accompagnement humain spécifique à chaque patiente afin de prévenir ces violences. Mettons nos compétences médicales, paramédicales au service des patientes. Et soyons mieux formés à dépister et accompagner les victimes de violences sexuelles et obstétricales.
Nous, professionnels de la santé et futurs professionnels, nous marcherons le 24 novembre avec toutes les femmes.

Baptiste Beaulieu, médecin et romancier ; Chantal Birman, sage-femme ; Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne ; Zina Hebbache, sage-femme ; Gilles Lazimi, médecin ; Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie ; Martin Winckler, médecin et écrivain