Industrie pharmaceutique

Le Monde - La Chine, deuxième marché mondial du français Sanofi

Novembre 2018, par Info santé sécu social

Le laboratoire est le cinquième groupe pharmaceutique en Chine, où ses molécules stars connaissent une seconde vie commerciale.

Derrière la vitre, dans un environnement tempéré, deux employés en combinaison manipulent un sac noir. Il l’installe au-dessus d’un vaste entonnoir. Des milliers de petites pilules roses en sortent et sont triées avant d’être avalées par une machine longue d’une dizaine de mètres. Après les avoir conditionnées en tablettes, elles sont empaquetées, avec la notice en chinois, dans une petite boîte bleue.
Un hologramme, pour assurer l’authenticité du médicament, est également collé sur la boîte. « Il vient tout droit de Paris », indique Daniel Zang, le patron de l’usine Sanofi d’Hangzhou, à 160 kilomètres à l’ouest de Shanghaï, qui fait la visite à un groupe de journalistes invités par le groupe français. Tout comme le Plavix, la fameuse pilule rose utilisée contre les problèmes circulatoires, importée de France, d’ailleurs. Ici, dans la capitale de l’e-commerce chinois où un certain Jack Ma a lancé Alibaba, Sanofi a installé une de ses trois usines dans le pays.

« 203 millions de boîtes produites en 2017 »
Les neuf lignes de production tournent à plein, 24 heures sur 24 et 6 jours sur 7. « Nous avons produit l’an dernier 203 millions de boîtes de nos différents médicaments, explique Ping Zheng, le patron industriel de Sanofi dans le pays. Depuis 2005, nous connaissons une croissance moyenne annuelle de 20 % ! »

Début 2018, pour la première fois de son histoire, la Chine est devenue le deuxième marché mondial du groupe français derrière les Etats-Unis et devant la France. Avec 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisé l’an dernier et plus de 15 % de croissance, le pays est aujourd’hui un marché stratégique pour l’entreprise tricolore.
Cinquième groupe en Chine après Pfizer, Yangzi, AstraZeneca et Jiangsu Hengrui, Sanofi détient une part de marché de 1,9 %, soit un beau potentiel de croissance, sachant que ses molécules sont adaptées aux besoins d’une population de 1,4 milliard d’habitants qui souffre de plus en plus de maladies chroniques comme l’hypertension ou le diabète.

Pas de génériques de qualité
Dans les cinq ans, l’entreprise, qui compte 9 500 salariés, dont 600 chercheurs, prévoit de lancer en Chine une quinzaine de traitements. Et notamment ses derniers médicaments mis sur le marché aux Etats-Unis et en Europe. « Désormais, pour nos nouveaux médicaments, la Chine fera partie des essais cliniques pour accélérer leur disponibilité dans le pays », indique Olivier Charmeil, le directeur de la nouvelle division Chine et marchés émergents de Sanofi.

Pour l’instant, la meilleure vente du laboratoire en Chine est le Plavix, un anticoagulant. Avec 758 millions d’euros de facturation, le groupe réalise les trois quarts du chiffre d’affaires mondial de cette molécule en Chine. Aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, ce médicament est tombé dans le domaine public et son chiffre d’affaires s’y est écroulé. Idem pour le Lantus, l’insuline vedette de Sanofi. Tombé dans le domaine public aux Etats-Unis, il permet au groupe français de réaliser en Chine 319 millions d’euros de chiffre d’affaires.

« Ici, la qualité des génériques actuels n’est pas encore à un bon niveau, relève Jean-Christophe Pointeau, le patron de Sanofi dans le pays. Du coup, les patients préfèrent les originaux, quand ils sont abordables. A mesure que la qualité de la concurrence montera, nous descendrons en prix, et nous gagnerons alors en volume. » Une véritable aubaine pour prolonger la vie commerciale des molécules.

Un eldorado aisé à conquérir
Reste que la Chine n’est pas un eldorado aisé à conquérir. Si le taux de couverture d’assurance-santé est proche de 100 %, le reste à charge diffère d’un citoyen à l’autre, selon qu’il habite les grandes villes ou les zones rurales. « Pour la fixation des prix, le cadre est extrêmement complexe, avec des discussions au niveau de l’Etat et des provinces, ainsi qu’au niveau des hôpitaux », reprend M. Pointeau.
Le plus grand frein reste le manque de médecins, notamment généralistes, dans les villes. On compte deux docteurs pour 1 000 habitants, et aucun généraliste, car le pays n’a formé jusqu’à présent que des spécialistes exerçant dans des hôpitaux. Avec le développement des maladies chroniques, qui requièrent de nombreux renouvellements de prescriptions, le système hospitalier souffre, tout comme les patients chinois, qui doivent se satisfaire de visites médicales de une à deux minutes… « La Chine change un peu : elle veut systématiser les dispensaires et centres communautaires de santé. Et nous essayons d’accompagner ce mouvement en participant à la formation des personnels de ces dispensaires », reprend M. Pointeau.

A l’image d’autres groupes étrangers, Sanofi se lance également dans l’e-santé. Car la Chine ose tout, de la téléconsultation par chatbot au diagnostic par intelligence artificielle. « Le pays est un laboratoire du monde », estime Pierre Faury, responsable du développement commercial de Sanofi. Le groupe français s’est ainsi rapproché d’Alibaba, de Tencent, qui propose le système WeChat, et de l’assureur Ping An pour mener ses différents projets d’e-santé, la nouvelle frontière du secteur.

Philippe Jacqué (Hangzhou (Zhejiang))
Philippe Jacqué (à Shanghaï)