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Le Monde - La consultation à 25 euros, une revendication « identitaire » des médecins généralistes

Juin 2016, par Info santé sécu social

La grande remise à plat du financement de la médecine libérale ne sera pas pour cette année. Alors que les négociations autour de la future « convention médicale », qui va régir les relations entre les médecins et la « Sécu » pour cinq ans, entrent mercredi 22 juin dans leur ultime phase, l’attachement des syndicats de médecins à la revalorisation du prix de la consultation chez le généraliste de 23 à 25 euros, une revendication devenue « identitaire », risque de pousser l’Assurance-maladie (Cnamts) à renoncer à des réformes structurelles plus ambitieuses dans le calcul de leur rémunération.

Là où la précédente convention avait introduit, en 2011, une part de rémunération forfaitaire liée à des objectifs de santé publique, le cru 2016 présente des ambitions plus modestes, liées à des contraintes budgétaires fortes. Pour répondre aux problèmes posés par les déserts médicaux, l’engorgement des services d’urgences ou l’augmentation du nombre de patients atteints de maladies chroniques, Nicolas Revel, le directeur général de l’Assurance-maladie, dispose d’une enveloppe limitée, au montant encore inconnu, mais bien en deçà des 1,2 à 3 milliards réclamés par les syndicats de médecins libéraux.

Même si, pour l’instant, rien n’a été officiellement acté, plusieurs participants aux négociations considèrent d’ores et déjà comme acquis le passage progressif de 23 à 25 euros du montant de la consultation « standard » chez les médecins généralistes. Un tarif inchangé depuis 2011, même s’il a été accompagné par différentes rémunérations forfaitaires, invisibles pour les patients. « Cette revendication des médecins généralistes est plus identitaire que tarifaire, mais sa satisfaction conditionne toute réforme plus structurelle, c’est un passage obligé pour que le système puisse bouger », analyse Didier Tabuteau, titulaire de la chaire santé à Sciences Po. « Difficile de rebattre les cartes tant qu’il y a ce blocage initial », estime-t-il.

« Le fait de conforter le rôle, la place, l’attractivité de la médecine générale, est une des priorités que cette convention portera », a assuré M. Revel le 11 juin à Grenoble, lors du congrès de MG France, le premier syndicat de généralistes. Mais une fois déboursés les 570 millions d’euros annuels nécessaires à cette hausse, combien restera-t-il à l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée pour mener à bien d’autres réformes ? Depuis plusieurs mois, il assure régulièrement qu’il n’aura pas le budget pour « revaloriser à la fois la consultation de base et créer des consultations longues majorées pour des volumes significatifs », une demande forte des syndicats, pour qui toutes les consultations ne se valent pas en durée ou en complexité.

« La demande en soins a évolué à toute allure ces dernières années ; l’exercice du médecin a changé, explique Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF, le principal syndicat de médecins libéraux. Les consultations sont plus lourdes et plus longues, certaines personnes âgées viennent nous voir avec des listes de quatre ou cinq problèmes à la fois. On ne peut pas continuer à rémunérer toutes ces consultations à 23 euros… Ce n’est pas pour gagner plus que nous demandons cela, c’est pour travailler mieux. »

Un secrétariat pour gagner du temps médical

Les organisations syndicales se sont mises d’accord pour demander la mise en place d’une grille tarifaire hiérarchisée sur quatre niveaux : 25, 30, 46 et 75 euros. Nicolas Revel n’a pas fermé la porte à la mise en place d’une consultation « longue et complexe », sous réserve qu’elle soit contingentée et réservée à certaines prises en charge. Il devrait prochainement annoncer aux syndicats quelle part il entend leur donner. Il a d’ores et déjà proposé qu’un médecin spécialiste touche 15 euros de plus lorsqu’il accepte dans les 48 heures un patient envoyé en urgence par un médecin traitant.

Autre revendication forte des médecins : le versement annuel d’un « forfait structure », c’est-à-dire une somme leur permettant de payer un secrétariat afin de leur dégager « entre 25 et 30 % » de temps médical supplémentaire pour leurs patients. « On pourrait consacrer ce temps à accueillir de nouveaux patients, car nos cabinets médicaux sont saturés », explique Claude Leicher, le président de MG France. Pour lui, un tel forfait – qu’il évalue à 10 000 euros par médecin et par an – est « un élément important qui va permettre de franchir les dix ans qui viennent ».

Les 1 500 euros pour l’instant proposés par l’Assurance-maladie dans ce cadre apparaissent nettement insuffisants aux syndicats de médecins. « Il faut au moins 30 000 euros de forfait structure par médecin », juge Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France, qui prône la disparition des rémunérations sur objectif de santé publique au profit d’un forfait global. Dénonçant le « saupoudrage » pratiqué par l’Assurance-maladie, il juge qu’il n’y a aujourd’hui « aucune volonté politique du gouvernement d’aller chercher des marges de manœuvre » en économisant sur d’autres postes.

Les négociateurs ont désormais moins d’un mois pour parvenir à un accord. Mais déjà, mercredi soir, la CSMF a annoncé qu’elle « quitt [ait] la table des négociations », déplorant l’absence d’« éléments chiffrés » et de « réponses concrètes » après quatre mois de discussions.

Faute d’accord, un règlement arbitral s’appliquera après la date butoir du 26 août. « Le gouvernement va devoir faire un choix politique, et déterminer quelle somme il est prêt à mettre pour arriver à un accord avec les médecins », juge Claude Pigement, l’ancien responsable santé au PS. Un accord qui pourrait se faire au détriment du respect de l’objectif national de dépense d’assurance-maladie, dont la progression a été fixée au taux historiquement bas de 1,75 %.