Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.Le Monde.fr : Covid-19 : depuis cet été, le Royaume-Uni a décidé de « vivre avec le virus » et les cas ont explosé

Octobre 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : depuis cet été, le Royaume-Uni a décidé de « vivre avec le virus » et les cas ont explosé

Le gouvernement de Boris Johnson a défendu la fin de toutes les restrictions sanitaires. Mais cette « liberté » a un prix : mercredi, 42 776 nouveaux cas ont été comptabilisés en vingt-quatre heures, au plus haut depuis trois mois.

Par Cécile Ducourtieux(Londres, correspondante)

Publié le 14/10/2021

« Le Royaume-Uni – du moins l’Angleterre – est le pays le plus libre d’Europe », s’est félicité David Frost, le ministre britannique à l’Europe, faisant allusion à la pandémie de Covid-19 dans un discours consacré au Brexit, mardi 12 octobre. « A propos du Covid, nous avons choisi un équilibre entre la réouverture et la pression hospitalière, auquel nous pouvons nous tenir », a ajouté l’ex-négociateur en chef du divorce avec l’Union européenne. Ces propos résument le parti pris du gouvernement Johnson depuis l’été : il faut « vivre avec le virus », répètent ses membres, la campagne vaccinale du printemps ayant été un succès (78,7 % de doubles vaccinés chez les plus de 12 ans), les restrictions sanitaires ne sont donc plus nécessaires.

Mais cette « liberté » a un prix : mercredi, 42 776 nouvelles contaminations ont été comptabilisées en vingt-quatre heures, au plus haut depuis trois mois. Et, sur les sept derniers jours, la moyenne quotidienne des contaminations était de presque 32 000. Quant aux décès, ils oscillent encore entre 100 et 150 par jour (136 mercredi), des niveaux tristement élevés même s’ils n’ont rien à voir avec ceux observés pendant la première vague (printemps 2020) et la deuxième (hiver 2020). Actuellement, 7 000 malades du Covid-19 sont hospitalisés au Royaume-Uni et le nombre d’admissions est d’environ 700 par jour. Les hôpitaux sont loin d’être saturés comme début 2021 mais les médecins se plaignent d’une pression supplémentaire alors que le système hospitalier national (NHS) doit écouler une énorme liste de plus de 5 millions de patients, en attente de soins ou d’opérations différées à cause de la pandémie.

En Angleterre, rares sont ceux qui portent le masque dans les transports en commun, les magasins. Il est, en revanche, encore obligatoire en Ecosse. Aucun système de passe sanitaire n’a été imposé, malgré les tentatives (timides) du gouvernement Johnson début septembre. Les cas contacts n’ont plus besoin de s’isoler s’ils sont doublement vaccinés. Personne ne portait le masque lors de la conférence annuelle du Parti conservateur, début octobre à Manchester, malgré l’atmosphère confinée et les milliers de participants. Il était, par contre, encore (un peu) de rigueur au congrès annuel du Labour, une semaine plus tôt à Brighton.

Retour du masque dans certaines écoles
Les gestes barrières ont également été abandonnés dans les écoles, mais le nombre de testés positifs y est tel que certains établissements rétablissent le port du masque. Il faut dire que la vaccination des adolescents commence tout doucement, après avoir été décidée tard (début septembre). Elle nécessite le consentement des parents et a lieu dans les écoles, et non plus dans les très efficaces centres vaccinaux mis en place par le NHS début 2021, dont un grand nombre est en train de fermer.

Les médias nationaux ne consacrent pratiquement plus une ligne à la pandémie et le gouvernement fait comme si elle relevait du passé. Chris Whitty et Patrick Vallance, les conseillers médical et scientifique en chef de Boris Johnson, sont invisibles depuis un mois. Dans ce contexte, quelques rares voix émettent encore des inquiétudes, notamment au sujet des « Covid longs ». Ainsi celle de Deepti Gurdasani, épidémiologiste à la Queen Mary University de Londres, ou sa collègue Christina Pagel, de l’University College London. « Au rythme auquel nous autorisons l’infection à se propager, et en ne considérant comme baromètre que le nombre des hospitalisations et des décès, nous devons nous attendre à une augmentation des maladies chroniques et à une chute de l’espérance de vie dans les années qui viennent », prévient Deepti Gurdasani sur Twitter, mercredi.

Le Royaume-Uni détient encore le bilan européen le plus lourd depuis le début de la pandémie : 161 798 morts avec la mention « Covid-19 » sur le certificat de décès. Ce triste record est en grande partie dû aux erreurs du gouvernement Johnson début 2020. Publié mardi, un rapport parlementaire – le premier du genre – a conclu qu’il avait commis « la plus grande erreur en matière de santé publique que le pays ait jamais connue ». En cause, la décision du premier confinement prise avec dix jours de retard, fin mars 2020, et les dizaines de milliers de personnes âgées renvoyées à l’époque des hôpitaux vers les maisons de retraite, sans avoir été testées au préalable. Les parlementaires pointent du doigt les errements de Downing Street mais aussi de ses conseillers scientifiques.

Stephen Barclay, ministre du bureau du cabinet de M. Johnson, a refusé de s’excuser sur la chaîne de télévision Sky News, tandis qu’une association de proches de victimes du coronavirus, Bereaved Families for Justice, a réclamé de nouveau une véritable enquête publique, pour « tirer les leçons et sauver des vies dans le futur ». Pour le gouvernement, l’enquête publique n’aura pas lieu avant le printemps 2022. Boris Johnson n’était pas là pour réagir : il s’est envolé pour quelques jours de vacances à Marbella, dans le sud de l’Espagne, dans une villa de luxe prêtée, à en croire les tabloïds, par un membre du Parti conservateur, Zac Goldsmith, où il se relaxe en peignant.