Les professionnels de santé

Le Monde - Les médecins se prescrivent une hausse de revenu

Février 2016, par Info santé sécu social

Par François Béguin

Ce moment était attendu avec impatience par les syndicats de médecins libéraux, chauffés à blanc par l’adoption de la loi santé et de sa mesure phare, le tiers payant généralisé. Les négociations conventionnelles avec l’Assurance-maladie, visant notamment à revaloriser pour les cinq prochaines années le tarif de la consultation, fixé depuis 2011 à 23 euros pour un généraliste, s’ouvrent mercredi 24 février pour une période de six mois.

Au-delà du montant de la consultation, la part et le rôle des rémunérations forfaitaires, versées aux médecins par l’Assurance-maladie en contrepartie d’objectifs de santé publique – comme encourager la prévention et le dépistage de certaines maladies –, pourraient également être remis à plat. Les syndicats considèrent que le contenu de ces objectifs, aujourd’hui défini par l’Assurance-maladie, devrait être établi par les professionnels de santé eux-mêmes. Rappelant régulièrement qu’une consultation à 23 euros est en réalité aujourd’hui payée près de 31,50 euros aux médecins une fois pris en compte ces forfaits, les pouvoirs publics regrettent, de leur côté, le manque de lisibilité de ce mode de rémunération, dont l’opacité permet aux médecins d’assurer qu’ils sont moins payés qu’un coiffeur.

« Il faut aller vers 30 euros »

Les médecins libéraux, eux, ont d’ores et déjà engagé la bataille du tarif de la consultation. « Voir un médecin qui a fait plus de dix ans d’études pour moins de 30 euros me semble aberrant, il faut aller vers 30 euros le plus vite possible », demande Jean-Paul Ortiz, le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le principal syndicat de médecins libéraux, qui se dit « inquiet sur les possibilités d’arriver à un accord, tant les attentes sont fortes. »

« Il faut un plan Marshall pour la médecine libérale avec 5 milliards d’euros de revalorisation », abonde Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France (FMF).

La ministre de la santé, Marisol Touraine, a donné un feu vert prudent à la revalorisation. « La rémunération des médecins sera augmentée, la question est sous quelle forme, de quelle manière et à quel rythme », a-t-elle déclaré dimanche 21 février sur RTL. L’entrée en vigueur de la future convention programmée en mars 2017, soit quelques semaines avant l’élection présidentielle, n’est sans doute pas totalement étrangère à cette marque de bonne volonté. « On ne négocie pas de la même façon en début et en fin de législature, la proximité d’une élection politique majeure est un élément qui va peser », note Didier Tabuteau, le titulaire de la chaire « santé » de Sciences Po.

« Principe de réalité »

Reste à trouver l’argent. Nicolas Revel, le directeur général de l’Assurance-maladie, a prévenu qu’il ne pourrait « pas signer une convention à plusieurs milliards d’euros ». « Il y aura un principe de réalité à prendre en compte, a-t-il mis en garde lors d’une conférence de presse le 15 octobre. Il faudra faire des choix, établir des priorités. Tout ne pourra pas être financé. » L’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée sait qu’il ne pourra pas compter sur une rallonge budgétaire du gouvernement. Il devra lui-même économiser sur d’autres dépenses pour trouver les quelques centaines de millions d’euros nécessaires pour mener à bien la négociation.

La progression de l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie ayant été fixée au taux historiquement bas de 1,75 % pour 2016 – un taux qui sera sans doute reconduit ces prochaines années –, l’Assurance-maladie est tenue de réaliser 3 milliards d’euros d’économies chaque année. Or le seul passage de 23 à 25 euros du tarif de la consultation « standard », posé comme un préalable par plusieurs syndicats, coûterait à lui seul près de 580 millions d’euros par an.

« On n’a jamais fait de négociations dans un climat financier aussi difficile, reconnaît Claude Leicher, le président de MG France, syndicat majoritaire chez les généralistes. Si l’Assurance-maladie ne prend pas une partie de l’enveloppe destinée à l’hôpital, c’est une quasi-impossibilité d’y arriver. »

Après s’être rapprochés dans leur refus du tiers payant généralisé, les cinq syndicats représentatifs sont pour la première fois de leur histoire parvenus à s’entendre sur une plate-forme de revendications communes, dévoilée le 11 février. Tous demandent, par exemple, que les consultations longues, complexes ou non programmées soient davantage payées. Tous plaident également pour le versement d’une somme forfaitaire qui permettrait à plusieurs médecins de payer un secrétariat en commun, leur libérant ainsi du temps de travail médical.

Si aucun accord n’était trouvé d’ici au 26 août, c’est une personnalité extérieure désignée comme « arbitre » qui proposera un projet de convention.

8 845 euros par mois pour un médecin libéral

Le revenu d’activité d’un médecin libéral s’est élevé à 106 140 euros en moyenne en 2011, soit 8 845 euros par mois, selon une étude de l’Insee publiée en février 2015. Celle-ci souligne la disparité des revenus chez les 57 000 médecins généralistes et entre les 52 000 médecins spécialistes français. Les anesthésistes et les radiologues déclarent en moyenne plus de 89 000 euros annuels quand les dermatologues ne touchent «  que  » 86 230 euros par an. En bas de cette échelle des revenus, les généralistes ont touché en moyenne 82 020 euros en 2011, soit 6 835 euros net par mois.