Organisations syndicales

Le Monde - Les syndicats font front commun contre la réforme de l’assurance-chômage

Février 2021, par Info santé sécu social

Pour la première fois, les cinq confédérations de salariés dénoncent d’une même voix, dans un texte publié mardi, leur « profond désaccord » face à cette réforme.  

Les syndicats ont décidé de parler d’une même voix pour dénoncer la réforme de l’assurance-chômage. La CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT et Force ouvrière (FO) réaffirment, mardi 23 février dans un communiqué commun, leur opposition à des mesures dont les incidences « pèseront lourdement sur le quotidien des femmes et des hommes qui perdent leur [poste] ». Si la position de ces organisations était connue de longue date, c’est la première fois, que les cinq confédérations expriment, toutes ensemble, leur « profond désaccord » dans un texte entièrement consacré au devenir du système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Leur initiative intervient alors que la ministre du travail, Elisabeth Borne, a prévu d’échanger avec elles, le 2 mars, sur le sujet.

La réforme contestée a fait l’objet de deux décrets en juillet 2019. Trois dispositions, critiquées par les syndicats, concernent les personnes privées d’emploi : accroissement de la durée de cotisation pour être éligible à une allocation et pour recharger les droits à indemnisation ; dégressivité des sommes versées à partir du septième mois pour les chômeurs de moins de 57 ans qui gagnaient 4 500 euros brut quand ils étaient en activité ; nouvelle formule de calcul, ayant pour effet de diminuer la prestation pour ceux qui alternent contrats courts et périodes d’inactivité. Une quatrième mesure – à laquelle s’oppose le patronat – instaure un bonus-malus sur les coti­sations payées par les entreprises de plus de dix personnes, dans sept secteurs : celles qui se séparent souvent de leurs salariés voient leurs contributions majorées, tandis que les employeurs dont la main-d’œuvre est stable sont assujettis à des prélèvements plus faibles.

La dégressivité jugée « inefficace » et « dangereuse »
Elaborées à une époque où l’économie était dynamique, ces dispositions ont été suspendues, reportées ou adoucies par le gouvernement, lorsque l’épidémie de Covid-19 a entraîné une brutale récession, à partir du printemps 2020. Depuis, le pouvoir en place a engagé une réflexion, à laquelle sont associés les partenaires sociaux, dans le but d’amender le contenu des décrets de juillet 2019. Plusieurs scénarios sont sur la table, qui auront pour effet de changer le calendrier de mise en œuvre de la réforme tout en atténuant son impact, pour les chômeurs comme pour les entreprises. Les arbitrages de l’exécutif devraient tomber en mars.

C’est dans ce contexte que les cinq confédérations se mettent en mouvement de concert. « Le chômage n’est pas un choix », affirment-elles en insistant sur le fait que « les demandeurs d’emploi doivent bénéficier d’une assurance-chômage garantissant à la fois un revenu de remplacement approprié (…) et un accompagnement adapté aux besoins de chacune et chacun ». Pour elles, les seuils d’accès à l’indemnisation « doivent inclure un maximum de travailleurs et tout particulièrement les jeunes » tandis que la détermination des règles d’indemnisation « doit obéir à des principes simples et lisibles ». Il faut aussi, selon elles, que la formule de calcul permette « de délivrer une indemnisation au plus proche du salaire perdu ».

Quant à la dégressivité, elles veulent son abandon car elles la jugent « inefficace », « dangereuse » et « injuste » : selon elles, cette mesure incite « à accepter des emplois moins qualifiés » et « sanctionne les personnes qui ont le plus de mal à retrouver un emploi ». Enfin, les centrales syndicales pensent qu’« une modulation des cotisations patronales est nécessaire pour décourager les employeurs abusant des contrats précaires ». Une étude d’impact est donc « indispensable », estiment-elles, alors que « les premiers travaux de l’Unédic [l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage] confirment que les conséquences seront lourdes pour les demandeurs d’emploi, largement concentrées sur les plus précaires ».

Les cinq organisations de salariés avaient déjà exhorté l’exécutif à renoncer à la réforme de l’assurance-chômage, dans un courrier commun adressé le 14 octobre 2020 au premier ministre, Jean Castex, avec copie à Emmanuel Macron. Mais il ne s’agissait que d’un des nombreux points abordés dans cette lettre. Une nouvelle action unitaire était d’autant moins attendue que les élections professionnelles, qui doivent se tenir du 22 mars au 6 avril au sein des très petites entreprises, mettent les syndicats en concurrence les uns avec les autres. Si ces derniers reconnaissent eux-mêmes, dans le texte publié mardi, des « différences d’approche » sur le dossier, ils ont su, cette fois, surmonter les obstacles pour faire front commun contre une réforme qu’ils combattent depuis le départ.

Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel