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Le Monde - Panne des numéros d’urgence : Darmanin dénonce des « dysfonctionnements graves et inacceptables » d’Orange

Juin 2021, par Info santé sécu social

De nombreux services de secours, dont le SAMU, étaient difficiles à joindre à travers la France mercredi soir, avant un rétablissement vers minuit. Le ministre de l’intérieur a écourté un déplacement en Tunisie.

Le Monde avec AFP
Publié le 3 juin

Une panne d’ampleur du réseau d’Orange a été traitée dans la nuit de mercredi 2 à jeudi 3 juin après avoir fortement perturbé les numéros d’urgence. Depuis minuit, « la situation est en très nette amélioration. Le service fonctionne, mais quelques difficultés persistent », a fait savoir l’opérateur au Monde jeudi matin. « Le réseau est sous surveillance avec une vigilance accrue, notamment aux heures de pointe des appels. Les équipes restent mobilisées et la situation doit revenir totalement à la normale dans les toutes prochaines heures. »

SAMU, pompiers, police… : cette panne d’un équipement chargé d’acheminer les appels a perturbé massivement l’accès aux numéros d’urgence et aux lignes fixes mercredi entre 18 heures et minuit. De nombreux services de secours étaient difficiles à joindre à travers la France, suscitant de nombreuses questions sur les conséquences humaines.

Le ministre de l’intérieur, Gérard Darmanin, rentré précipitamment de Tunis dans la nuit, a évoqué des « dysfonctionnements graves et inacceptables » lors d’une réunion de crise jeudi matin consacrée aux conséquences de l’incident. « C’est une affaire significative que nous avons pris au sérieux », a affirmé le premier ministre, Jean Castex, en déplacement en Tunisie, appelant à en « tirer toutes les conséquences ».

Dans un tweet, le PDG d’Orange, Stéphane Richard, qui doit s’exprimer dans la journée, a présenté les excuses du groupe aux personnes touchées par l’incident.

Ce qu’il s’est passé

Dès 18 heures mercredi, des dysfonctionnements massifs ont été signalés dans tout le pays, entraînant d’importantes difficultés pour les services de secours. « Il devait être autour de 18 heures et tous les SAMU ont commencé à alerter de problèmes dans les centres d’appels. Les gens ne parvenaient pas à accéder au service, des appels n’arrivaient pas, d’autres se coupaient en pleine conversation, a témoigné François Braun, président du syndicat SAMU-Urgences de France et médecin urgentiste. Très vite, on a fait un petit tour de France et on a constaté que presque tous les départements étaient touchés. »

L’incident affecte de manière « partielle mais significative la réception des appels d’urgence 15/17/18/112 sur l’ensemble du territoire national », a confirmé, dans un communiqué, le ministère de l’intérieur, annonçant la mise en place d’une liste de numéros provisoires dans chaque département. La Sécurité civile a, de son côté, demandé aux usagers de ne pas surcharger les lignes et de n’appeler qu’en cas d’urgence. Certaines préfectures, comme celles de la Dordogne et la Creuse, ont conseillé de se rendre dans des permanences : casernes, gendarmerie, commissariat, centres hospitaliers.

Orange a annoncé jeudi matin que le réseau était rétabli depuis minuit, mais restait sous surveillance. « Nos concitoyens doivent désormais retourner vers les numéros d’urgence, le 18, le 17, le 15, et s’ils n’y arrivent pas, utiliser les numéros de contournement que nous gardons au moins ce matin », a expliqué M. Darmanin lors d’une conférence de presse jeudi matin. « Nous ferons un point à midi pour savoir si nous mettons fin à ces numéros de contournement. »

Numéros d’#urgence : la situation semble rétablie, nous constatons une réelle amélioration mais nous restons très v… https://t.co/Ckgl3ux0C7

Des conséquences humaines encore méconnues
Au cours de ce point presse, le ministre de l’intérieur a relié la mort d’un habitant du Morbihan ayant une « maladie cardio-vasculaire » à la panne. Cette personne serait morte faute d’avoir « pu joindre les services de secours à temps », selon lui.

Le ministre a ajouté que « deux autres accidents cardio-vasculaires » avaient eu lieu à La Réunion, « mais je ne peux pas dire si le temps [avant l’arrivée des secours] a été particulièrement long et s’il est imputable à ce numéro d’urgence ». « Ce qui est sûr, c’est que les personnes ont témoigné qu’elles ont essayé d’appeler plusieurs fois et qu’elles n’ont pas réussi tout de suite à avoir des opérateurs », a-t-il insisté.

Dès mercredi soir, l’incident a suscité de nombreuses interrogations sur les conséquences humaines. « Ce qui nous inquiète, c’est que des gens appellent pour des arrêts cardiaques, des accidents. (…) Il faut qu’on puisse répondre le plus vite possible. Il y a un véritable problème de mise en danger d’autrui », s’était notamment inquiété sur BFM-TV Patrick Pelloux, le président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF).

« On ne sait pas quelles conséquences aura cette panne, c’est encore trop tôt pour le dire », avait déclaré François Braun, président du syndicat SAMU-Urgences de France, tout en rapportant que, traditionnellement, « il y a un pic d’appels le soir vers 19 heures ». Le SAMU reçoit un appel toutes les secondes au niveau national.

Jeud matin, Orange disait ne pas être en mesure, pour l’heure, de quantifier le nombre de clients concernés. « Tous les départements n’ont pas été affectés de la même manière. Et dans les départements affectés, les appels pouvaient passer de manière aléatoire », a précisé au Monde un porte-parole.

A l’origine de la panne

Des investigations sont en cours au sein d’Orange, à qui il revient d’assurer la distribution et la continuité des numéros d’urgence, pour déterminer l’origine de la panne. Si le groupe ne justifie pas la panne par une cyberattaque, « rien n’est écarté à cette heure », a déclaré M. Darmanin.

Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, a été convoqué à 9 heures jeudi au ministère de l’intérieur pour donner des éclaircissements au gouvernement. « Sur demande du premier ministre, un audit externe va être diligenté sur les origines de la panne et les dysfonctionnements dans la remontée d’information », a aussi dit Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique, pendant la conférence de presse à Beauvau.

« Il arrive qu’il y ait des pannes ponctuelles, mais on n’en n’a jamais connu de cette ampleur », explique-t-on au siège de l’opérateur. Celui-ci rapporte que la panne résulte d’un « incident technique sur un équipement de type routeur qui achemine le trafic ». Mais « on ne sait pas encore si c’est un problème sur l’équipement lui-même ou dans son paramétrage », précise-t-il. Pendant la nuit, les équipements ont été reconfigurés, sans qu’il y ait eu d’intervention matérielle.

« Ce n’est pas un problème de moyens humains. C’est un souci connu, la technologie de voix sur IP est plus fragile, et cela concerne tous les opérateurs. On a des systèmes de plus en plus performants, mais plus fragiles. Et les pannes sur ces technologies sont plus difficiles à détecter », explique Stéphane Crozier, président du syndicat CFE-CGC d’Orange. Et d’ajouter : « Sur ces numéros spéciaux, on fait coexister trois technologies [mobile, traditionnel et voix sur IP]. On augmente la complexité sur quelque chose qui doit être solide. »

« Il faut comprendre les causes de l’incident, car Orange a une obligation de résultats et non pas de moyens, a déclaré jeudi matin Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’intérieur, sur BFM-TV. Je ne dis pas qu’il y a une faute, mais il va falloir comprendre le processus, ces systèmes palliatifs. Peut-être qu’il y a un certain nombre de choses à revoir pour se moderniser, c’est peut-être l’occasion de revoir le dispositif de numéros d’urgence pour qu’il soit plus simple et lisible pour le grand public. »

Bouygues Telecom et Altice, la maison mère de SFR, ont également fait état de perturbations. Une panne informatique avait touché l’opérateur belge Proximus au début de janvier, perturbant les numéros d’urgence en Belgique pendant toute une nuit.

Le Monde avec AFP