Parti Les républicains

Le Monde - RSA, salaires : les affirmations d’Alain Juppé décryptées

Octobre 2016, par Info santé sécu social

Par Laura Motet, Gary Dagorn et Adrien Sénécat

Alain Juppé était l’invité de « L’Emission politique » de France 2, jeudi 6 octobre au soir. Il y a exposé ses différents thèmes de campagne et défendu sa candidature à la primaire de la droite. Au prix, parfois, de quelques erreurs et approximations. Retour sur plusieurs déclarations de la soirée.

« Je veux m’assurer que ces allocations restent en permanence en dessous du salaire de façon à ce que celui qui travaille ait un meilleur revenu que celui qui vit des minima sociaux. S’il le faut je ferai baisser le RSA [revenu de solidarité active] pour qu’on arrive à cet objectif. »

POURQUOI C’EST UN CAS RARE

Alain Juppé reprend à son compte un cliché largement répandu, y compris au sein de la classe politique : le montant des aides sociales pourrait dans certains cas atteindre, voire dépasser, le salaire minimal. D’abord, il faut savoir qu’on ne peut pas tout cumuler : outre les revenus du travail, les pensions alimentaires, rentes, indemnités de chômage ou allocations familiales sont prises en compte dans le calcul du RSA.

Ensuite, concernant la comparaison entre revenu du travail et RSA, l’association ATD Quart Monde a creusé la question dans un livre publié début octobre 2016 (En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté). Verdict : il n’existe « qu’un seul cas dans lequel l’écart RSA-smic n’est pas significatif : celui d’une personne seule et sans enfant. (…) Ce cas représente environ 5 % des foyers fiscaux en France. » Sachant que ces 5 % ne sont pas nécessairement au RSA, cela réduit grandement le nombre de cas.

Cette situation ne vient alors pas tant du montant du RSA que du fait qu’une personne seule qui touche le salaire minimal et travaille à temps plein n’a pratiquement aucune aide sociale. Le RSA pour une personne seule est d’environ 535 euros par mois, auxquels on peut ajouter, pour un locataire seul à Paris, une aide au logement d’environ 310 euros. Sauf que cette aide ampute le RSA d’un forfait logement de 64 euros pour une personne seule.

Soit environ 780 euros par mois, somme à laquelle on peut ajouter la prime de Noël des bénéficiaires du RSA (150 euros par an pour une personne seule, soit environ 12,50 euros par mois) et à laquelle il faudrait, pour être tout à fait exhaustif, ajouter quelques autres dispositifs selon le cas (par exemple, les réductions sur les cartes de transport selon les villes). Au final, l’écart est effectivement limité avec la personne seule qui travaille et touche le smic (1 140 euros net), puisque cette dernière ne touchera rien ou presque côté allocation logement (moins de 50 euros par mois dans les mêmes conditions que pour le locataire parisien au RSA, selon nos calculs).

L’écart est en revanche nettement plus important lorsque le nombre de personnes dans le foyer augmente, selon les calculs d’ATD Quart Monde.

La fausse révolution des « zéro charges » sur le smic

CE QU’IL A DIT

Alain Juppé a réitéré sur France 2 sa proposition de donner un « coup d’élan » au marché du travail en allant vers « zéro charges » sur le smic pour l’employeur, déjà formulée par exemple dans une interview au JDD le 1er octobre.

POURQUOI CE NE SERAIT PAS UNE RÉVOLUTION

En réalité, le niveau des cotisations sur les salaires au niveau du smic est déjà très bas. Face au chômage, les gouvernements successifs les ont progressivement allégées, si bien que le salaire super brut, c’est-à-dire en comptant les cotisations de l’entreprise, est supérieur d’environ 14 % au salaire brut pour une rémunération au salaire minimum. Un chiffre qui se situe plutôt autour de 40 à 45 % sans allégement.

Si l’on ajoute le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui permet de récupérer après coup environ 6 points de charge, les cotisations patronales sur un salarié au niveau du smic sont d’environ 8 %. Pas si loin, donc du « zéro charges » qu’appelle Alain Juppé.