Revenu de base - Salaire universel

Le Monde.fr : A la primaire à gauche, le travail au cœur de la campagne

Janvier 2017, par infosecusanté

A la primaire à gauche, le travail au cœur de la campagne

Les candidats ont décidé, depuis une semaine, d’axer leurs discours sur les thèmes de l’emploi et du chômage, avant le premier débat télévisé, jeudi 12 janvier.

LE MONDE

09.01.2017

Tous candidats du travail ! La primaire à gauche va connaître cette semaine un rendez-vous clé, avec le premier des trois débats télévisés d’avant premier tour entre les sept candidats déclarés, jeudi 12 janvier. Cette confrontation doit porter sur différents thèmes, comme la laïcité ou l’Europe, mais les questions économiques et sociales y occuperont une place centrale, avec notamment l’emploi.

Personne à gauche n’a oublié que le chômage élevé reste la première préoccupation des Français et l’une des principales causes de l’empêchement de François Hollande. C’est la raison pour laquelle les concurrents ont décidé, depuis une semaine, d’axer leurs discours précisément sur ce domaine, et de faire assaut de propositions. Les principaux candidats revendiquent donc de représenter, dans la primaire, le monde du travail et des travailleurs, mais chacun à sa manière. Et ils ne sont pas les seuls, puisque Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, tous deux directement en course à l’élection présidentielle, font de même de leur côté.

Pour sa première réunion publique de rentrée, dimanche 8 janvier, Manuel Valls avait choisi la ville de Liévin, dans l’ancien bassin minier du Pas-de-Calais. Un bastion historique du socialisme depuis des décennies, terre ouvrière frappée par la désindustrialisation, le chômage et la montée du vote pour l’extrême droite. Dans la salle François-Mitterrand, au premier étage de l’hôtel de ville, l’ancien premier ministre s’est affiché en candidat « du travail et du pouvoir d’achat ». « Reprendre notre destin en main, c’est aller vers une société qui donne du travail et une société aussi qui rémunère le travail », a-t-il expliqué devant une assistance de quelque 200 personnes.

« Redonner du pouvoir d’achat »

Si M. Valls assume la politique de l’offre menée durant le quinquennat en direction des entreprises, il veut également s’adresser aux salariés. Il propose entre autres que « chaque Français [puisse] accéder à une nouvelle qualification une fois tous les dix ans », et s’engage à « augmenter la prime d’activité » jusqu’à « 1 500 euros par mois ». Surtout, il maintient, malgré les critiques, sa proposition de « défiscaliser les heures supplémentaires », une mesure mise en place par la droite sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais abandonnée par la gauche dès son retour au pouvoir en 2012.

« Quoi qu’en disent les commentateurs, je n’ai pas peur de revenir sur une mauvaise décision. La politique se meurt de ce manque d’humilité. J’assume de redonner du pouvoir d’achat après avoir demandé des efforts, de rendre aux Français ce qu’ils ont donné, maintenant que nous avons retrouvé des marges budgétaires », s’est justifié l’ancien chef du gouvernement, pointé du doigt depuis le début de sa campagne pour certains de ses changements de pied politiques par rapport à son exercice du pouvoir à Matignon.

En allant ainsi sur le terrain du travail, M. Valls indique qu’il ne veut pas laisser ce champ à deux de ses adversaires, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, qui le concurrencent de plus en plus dangereusement. L’ancien ministre de l’économie se présente lui aussi comme « le candidat du travail et de la feuille de paie » et a présenté la semaine dernière un « manifeste pour la société du travail » consacré exclusivement à cette thématique.

M. Montebourg plaide notamment pour une baisse de la CSG sur les bas salaires, et défend un plan de relance de 24 milliards d’euros par an sur cinq ans, pour gonfler la croissance et approcher le plein-emploi avant la fin du prochain quinquennat. « On gagne sa vie en travaillant, c’est un sujet très important », explique l’ancien avocat qui veut « s’adresser aux 29 millions d’actifs dans le pays ».

« Revenu universel d’existence »

Si elles peuvent diverger sur leurs stratégies de mise en œuvre, les approches de MM. Valls et Montebourg ne remettent pas en cause le cadre général de croissance économique. Contrairement à celle de M. Hamon. Le député des Yvelines, qui enregistre une poussée de popularité depuis les fêtes de fin d’année, a construit son projet sur un renversement des paradigmes, en théorisant un abandon du « dogme de la croissance » et une « raréfaction du travail » dans les années à venir, provoquée par la « révolution numérique » et la robotisation de l’activité économique. Il plaide pour la poursuite de la réduction du temps de travail, quand ses concurrents refusent de descendre en dessous du seuil des 35 heures d’activité hebdomadaires.

Surtout, M. Hamon a réussi à être associé dans l’opinion à sa proposition phare, la création d’un « revenu universel d’existence », qu’il promet de mettre en place progressivement d’ici à 2022 pour tous les Français de plus de 18 ans, et dont le montant pourrait approcher les 750 euros mensuels.

Au-delà de son coût global qu’il juge trop élevé et de sa faisabilité qu’il prédit « irréalisable », M. Montebourg refuse la philosophie même d’une telle mesure, rappelant au passage que certains économistes libéraux la défendent également. Pour l’ancien patron de Bercy, le revenu universel est « une façon d’accepter le chômage de masse », quand lui « croi[t] au travail car c’est l’outil de la dignité du citoyen ». « Je te donne de l’argent et tu restes chez toi », critique de son côté l’autre candidat Vincent Peillon, lui aussi opposé à l’idée de M. Hamon.

Dimanche, M. Valls a rejoint leur club. « Je ne crois pas au revenu universel, cette somme unique qui serait versée à ceux qui en ont le plus besoin, comme à ceux qui ont déjà tout, de l’ouvrier jusqu’à Mme Bettencourt, pour un coût total de 300 milliards d’euros impossible à financer », a-t-il commenté à Liévin. A la place, l’ancien premier ministre défend un « revenu décent » de 800 euros par mois, mais sous condition de ressources, et inspiré, dit-il, des travaux de l’ancien secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, décédé le 2 janvier, et du think tank Terra Nova. « Le revenu universel de Hamon présente un risque, celui de ne pas donner envie à certains de ses bénéficiaires de travailler. Valls, lui, veut une société du travail, il n’est ni pour l’assistanat ni pour la société du farniente », explique son directeur de campagne, le sénateur Didier Guillaume.

Bastien Bonnefous
Journaliste au Monde