Luttes et mobilisations

Le Monde.fr : CSG, point d’indice, jour de carence : les causes du malaise des fonctionnaires

Octobre 2017, par infosecusanté

CSG, point d’indice, jour de carence : les causes du malaise des fonctionnaires

Près de 130 rassemblements sont prévus partout dans le pays, mardi, contre les projets de l’exécutif les concernant, à l’appel des syndicats CFDT, CGT, FO et Unsa.


LE MONDE

10.10.2017

Par Benoît Floc’h

« Stigmatisés », « délaissés », « piégés »… Si l’on en croit leurs syndicats, c’est dans un climat particulièrement lourd que les fonctionnaires se mobilisent, mardi 10 octobre. « Depuis quelques années, les agents ne savent plus très bien où ils en sont », soupire Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT.

Pour eux, la coupe est pleine. « Depuis le début du quinquennat, nous subissons une succession de mesures négatives », déplore Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques. Et la liste ne se limite pas aux premières décisions du gouvernement Philippe. Cela fait des années que les fonctionnaires dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail, des suppressions de poste à la baisse de leur pouvoir d’achat.

Les syndicats anticipent donc une forte mobilisation, peut-être analogue à celle de janvier 2005. Lundi 9 octobre, le SNUipp-FSU prédisait que « près d’un professeur des écoles sur deux » serait gréviste mardi. En 2005, ils furent 43 % dans le primaire, de 40 % à 50 % dans l’éducation nationale et de 25 % dans toute la fonction publique d’Etat. De 210 000 à 330 000 personnes avaient manifesté dans toute la France. « En tout cas, ce sera un coup de semonce, prévient M. Canon. Les fonctionnaires en ont marre. »

Contribution sociale généralisée (CSG)

C’est un peu la goutte d’eau qui a fait déborder le vase – et a achevé d’énerver les fonctionnaires – : contrairement aux salariés du privé, la hausse de 1,7 point de la CSG ne se traduira, pour eux, par aucun gain de pouvoir d’achat ; elle sera juste compensée. Or, rappellent les fonctionnaires, pendant la campagne, le candidat Macron s’était pourtant bien engagé à leur faire bénéficier du même avantage que les autres. « J’augmenterai votre pouvoir d’achat, comme celui des salariés des entreprises : vous paierez moins de cotisations et votre salaire net sera augmenté d’autant », écrivait M. Macron en avril.

Le mécanisme de compensation n’est pas encore fixé dans les détails, mais il devrait s’agir, indique l’entourage du ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, « d’une prime associée à une baisse des cotisations pour ceux qui en payent ». Les syndicats en contestent les modalités, telles que le gouvernement les leur a présentées : en l’état, la compensation ne concernerait pas tous les fonctionnaires. « Il est hors de question que le gouvernement fasse comme si c’était derrière nous », insiste Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU.

Gel du point d’indice

Au-delà de la hausse de la CSG, les fonctionnaires sont particulièrement remontés contre le gel du point d’indice. « Jusqu’en 2011, nous n’avions eu que deux années de gel depuis 1948 : 1996 et 2000 », rappelle Jean-Marc Canon. Cette époque est révolue. Le point a été gelé de 2011 à 2015. Il le sera également en 2018. Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a baissé de 14,5 % (hors tabac) depuis 2000, indique M. Canon.

De son côté, le gouvernement assure que la rémunération moyenne des agents augmentera de 4 % en 2017 et de 2 % en 2018. « Ces chiffres prennent tout en compte, comme les promotions individuelles ou l’ancienneté, et ce n’est pas justifié », corrige Mme Jacquot. Les chiffres du gouvernement intègrent également les effets du protocole sur « les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations » (PPCR) et des mesures catégorielles décidées durant le quinquennat Hollande. Or, les syndicats s’inquiètent justement de la mise en œuvre du PPCR. Ils craignent que le gouvernement ne soit tenté de le décaler d’une année.

Mais de tout cela, ils discuteront le 16 octobre : le gouvernement leur a fixé « un rendez-vous salarial ». Nul doute qu’il sera animé.

Jour de carence

Emmanuel Macron l’avait promis. Le jour de carence sera rétabli pour les fonctionnaires : en cas d’absence pour maladie, l’indemnité ne sera perçue qu’après le premier jour. Créé en 2012, il avait été supprimé en 2014 par la gauche. « Il permet de lutter contre le micro-absentéisme qui désorganise les services, alourdit la charge de travail des collègues en poste et coûte environ 170 millions d’euros par an », a justifié M. Darmanin, en juillet. La mesure est « injuste » pour les syndicats « Dans le privé, rappelle M. Canon, la carence est prise en charge dans 80 % des cas par les mutuelles et parfois même par le patron. »

Suppression de postes

Enfin, et ce n’est pas la moindre de leurs inquiétudes, les agents appréhendent les suppressions de postes qu’a promises Emmanuel Macron : 120 000 postes sur le quinquennat. Sous Nicolas Sarkozy, 150 000 avaient disparu dans la fonction publique d’Etat. « Le service public est réduit à l’os », assure M. Canon.

Le gouvernement se défend d’être dans « une approche comptable ». Pour preuve, l’entourage de M. Darmanin rappelle que seuls 1 600 postes seront supprimés en 2018. L’idée est de lancer une vaste réflexion sur les missions du service public, avant d’en tirer des conclusions en termes d’effectif.

Mais ce n’est pas pour rassurer les syndicats, qui se sentent « piégés ». Ils seront partie prenante du « Grand Forum de l’action publique ». Mais, dans la circulaire que le chef du gouvernement a envoyée à ses ministres le 26 septembre, Edouard Philippe annonce la création d’un « Comité action publique 2022 ». Lequel devra proposer « réformes structurelles » et « économies significatives et durables ». Des « transferts » entre collectivités, « au secteur privé, voire des abandons de missions » seront étudiés. De quoi inquiéter des agents publics déjà fébriles.