Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Coronavirus : la prise en charge rapide des malades a permis d’éviter la crise sanitaire à Hongkong

Mai 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Coronavirus : la prise en charge rapide des malades a permis d’éviter la crise sanitaire à Hongkong

Le port du masque et le traitement dès les premiers symptômes chez les malades expliquent le bilan de seulement 4 morts.

Par Florence de Changy

Publié le 07/05/2020

« De toute façon, c’était très rare de voir un malade atteint du SARS-CoV-2 arriver en ambulance. Toute notre stratégie a consisté à soigner le virus dans les premières phases, quand c’est encore facile », explique en guise d’introduction le docteur Raymond Liu, chef du service de médecine respiratoire et maladies infectieuses.

Aux premières loges
Début mai, l’ancien hôpital naval, converti un temps en sanatorium pour tuberculeux, ne comptait plus que deux patients porteurs du nouveau virus, bien isolés dans des chambres à double sas, maintenues en pression négative, à l’étage que l’on nous a permis de visiter.

La région administrative spéciale de Chine, qui compte 7,4 millions d’habitants, a identifié son premier malade le 23 janvier. Sur 1 041 cas identifiés, 920 sont à présent guéris. Au total, seuls quatre patients sont décédés, un bilan qui fait de Hongkong un exemple de réussite dans la lutte contre le virus. D’autant que l’ancienne colonie britannique était aux premières loges pour subir de plein fouet l’épidémie qui faisait déjà des ravages en Chine.

Outre l’arrivée quotidienne de dizaines de milliers de personnes en provenance de Chine jusqu’à la fermeture tardive des frontières mi-février, la densité démographique du territoire, parmi les plus fortes de la planète, place les habitants dans une promiscuité quotidienne extrême, idéale pour la propagation rapide de n’importe quel microbe, notamment par tous les services partagés : les réseaux d’eau et d’air conditionné, les ascenseurs, les transports publics, etc.

Or il n’y a plus eu un seul nouveau cas local depuis près de deux semaines, au point que, mardi 5 mai, le gouvernement a annoncé une levée partielle des quelques mesures de distanciation sociale imposées fin mars. Les écoles, restées fermées après les congés du Nouvel An lunaire mi-janvier, devraient rouvrir avant la fin du mois.

Un virus « très sournois »
Alors que la stratégie de certains pays, dont la France, visait à laisser les malades chez eux le plus longtemps possible et à leur demander de n’appeler les secours qu’en cas d’insuffisance respiratoire, celle de Hongkong prévoyait, au contraire, d’identifier et de prendre en charge le malade le plus tôt possible afin d’enrayer l’attaque virale à ses débuts. Ainsi le risque de potentielles complications – principalement inflammatoires, infectieuses et thromboemboliques – était-il désamorcé.

« Nous avons constaté que la combinaison de trois antiviraux [lopinavir/ritonavir – Kaletra –, ribavirine et interféron 1b] avait un effet très efficace pour réduire la charge virale. C’est le traitement recommandé dans la plupart des hôpitaux de Hongkong. Tant que les poumons ne sont pas atteints, on maîtrise ce virus assez bien », précise le docteur Liu, avant d’ajouter :

« Nous n’utilisons pas d’hydroxychloroquine, avec ou sans azithromycine. Ces médicaments ont d’éventuels effets secondaires sur le rythme cardiaque et nous estimons leur effet antiviral modeste. Mais, quel que soit l’antiviral que vous choisissez, le principal enseignement de cette épidémie pour le corps médical, c’est l’importance de traiter le patient le plus tôt possible, car il est impossible de prédire comment chaque sujet va réagir. »

Cette stratégie a permis non seulement d’optimiser les chances de guérison du malade en évitant les risques de complication, mais elle a aussi limité le risque de contamination en aval. Car la forte proportion de porteurs sains, qui caractérise ce virus, augmente considérablement le risque de propagation dans la communauté. « Ce virus est très sournois », ne cesse de répéter le médecin. D’après les études de traçage précis sur les cas de Hongkong, il s’est surtout transmis entre proches, dans des circonstances où les gens ne portaient pas leurs masques : membres d’une même famille, partage d’un même repas…

Complémentarité des méthodes
Car l’autre caractéristique de la méthode hongkongaise a été l’adoption immédiate et généralisée du port du masque. Le docteur Liu est d’ailleurs encore ébahi de la discipline scrupuleuse avec laquelle les Hongkongais ont décidé spontanément de porter un masque, comme par réflexe, alors même que la chef de l’exécutif, Carrie Lam, tergiversait quant à son utilité au début de la crise.

Le médecin estime que cette attitude des Hongkongais a, à elle seule, permis d’enrayer 90 % de l’épidémie. « Personne ne peut dire : je ne suis pas contaminé donc je n’ai pas besoin de porter de masque car, même si votre test était négatif ce matin, vous avez pu attraper le virus depuis… », rappelle-t-il, consterné que le président américain Donald Trump et son vice-président s’exonèrent publiquement de cette précaution élémentaire.

Les scientifiques s’accordent aujourd’hui à dire qu’aucune méthode n’est autosuffisante. C’est la juxtaposition et la complémentarité de plusieurs mesures simultanées qui permettent de maîtriser l’épidémie. Dans le cas de Hongkong, le port du masque par tous et le traitement des malades dès les premiers symptômes semblent être les principales explications au bilan remarquable du territoire, mais il ne faut pas oublier les fréquents contrôles de température un peu partout, la stricte mise en quarantaine des proches des malades, la recherche des contacts, les désinfections fréquentes des zones à risques, les mesures de distanciation sociale, etc.

Certes, Hongkong avait un atout majeur pour faire face à cette épidémie : son expérience de l’épidémie de SRAS de 2003. « Il y a dix-sept ans, lorsque Hongkong s’est retrouvé l’épicentre de l’épidémie de SRAS [1 750 patients dont 299 décédés], on ne connaissait presque rien des coronavirus », se souvient le docteur Liu. Le premier SRAS fut d’ailleurs isolé à Hongkong par l’équipe du professeur Malik Peiris.

Les traumatismes de 2003 ont servi de leçon
Ce premier SRAS-CoV était arrivé par le biais d’un médecin chinois venu en visite pour un mariage à Hongkong après avoir traité des patients de pneumonies atypiques non identifiées dans la province voisine du Guangdong. Environ 80 % des cas de Hongkong lui sont attribués. Un autre malade avait contaminé à lui seul 99 soignants…

Ces traumatismes ont servi de leçon à tous. Dix-sept ans plus tard, pas un seul membre du personnel hospitalier n’a été contaminé. Et, à moins qu’une troisième vague n’arrive avec la réouverture des frontières, le Covid-19 ne laissera pas la moindre trace de son passage sur les courbes de mortalité du printemps 2020 à Hongkong.