Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : en France, une reprise épidémique annonce la huitième vague

Septembre 2022, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : en France, une reprise épidémique annonce la huitième vague

Après la décrue estivale, les taux d’incidence sont repartis à la hausse à la faveur de la rentrée scolaire. L’impact de ce nouvel épisode paraît difficile à anticiper.

Par Delphine Roucaute

Publié le 20/09/2022

Reprise épidémique ou huitième vague ? Pour le ministre de la santé, François Braun, lundi 19 septembre, au micro de France Inter, « il est trop tôt pour dire que c’est déjà le début de la huitième vague, mais les indicateurs sont à la hausse ». Depuis le 6 septembre, le nombre de nouveaux cas augmente de nouveau, alors que les huit semaines de décrue qui ont marqué le reflux de la septième vague laissaient espérer une rentrée sans Covid-19. Las, le taux de reproduction a dépassé la valeur 1, signe d’une reprise de la circulation virale, tandis que le taux d’incidence augmente de manière contrastée selon les départements : il est le plus fort dans les Ardennes (374 nouveaux cas pour 100 000 habitants), dans le Cantal (373) et en Haute-Saône (356).

Au total, on compte plus de 25 000 nouvelles contaminations par jour. Le nombre d’hospitalisations quotidiennes repart légèrement à la hausse (+ 10 % en une semaine), mais pas encore celui des décès. « Nous sommes en vigilance armée par rapport à cette nouvelle vague qui, nous disent tous les scientifiques, va arriver », a ajouté le ministre.

La huitième vague est en effet attendue de longue date. Les deux dernières années ont montré la saisonnalité du coronavirus, dont la circulation est favorisée par l’arrivée des saisons froides. Par ailleurs, la succession de deux vagues portées par le même variant Delta, en juillet et en octobre 2021, a confirmé que l’émergence d’un nouveau variant ou sous-variant n’était pas nécessaire pour provoquer un rebond. « La vague automnale est inévitable, en raison de plusieurs facteurs : tous les éléments qui renforcent les interactions sociales en lieu clos, l’augmentation du temps écoulé depuis la dernière injection vaccinale et la couverture vaccinale insuffisante pour le deuxième rappel », souligne Gilles Pialoux, chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon, à Paris.

La proportion de réinfections est en forte augmentation depuis décembre 2021 : elle était de 0,7 % jusqu’au 5 décembre 2021 et de 6,7 % depuis. Sur la première semaine d’août, 18 % des cas étaient de possibles réinfections, dont plus de la moitié à la suite d’une première contamination par Omicron.

Faible couverture vaccinale chez les enfants
Les brassages liés aux retours de congés estivaux, et plus précisément la rentrée scolaire, jouent, comme souvent, un rôle important dans ce rebond épidémique caractéristique des épidémies dues aux virus respiratoires. « Comme pour la grippe saisonnière, le Covid-19 s’attaque d’abord aux enfants des maternelles et des classes primaires puis aux jeunes du secondaire, tant en raison des conditions favorables que la rentrée fournit à la propagation du virus que de la très faible couverture vaccinale des jeunes en France, souligne Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale, à l’université de Genève. La rentrée contient donc tous les ingrédients d’une transmission efficace et rapide du coronavirus. » En témoignent les taux d’incidence des 0-9 ans et des 10-19 ans qui ont plus que doublé (respectivement + 122 % et + 113 %) entre le 7 et le 9 septembre. Logiquement, la tranche d’âge de leurs parents, les 30-39 ans, les suit (+ 42 %).

Par ailleurs, rappelle Isabelle Parent, de Santé publique France, « les enfants ont un profil d’immunité un peu différent du fait qu’ils sont bien moins vaccinés que le reste de la population ». C’est une des faiblesses de la campagne de vaccination. Seuls 3,4 % des 5-9 ans ont eu accès à au moins une dose de vaccin, contre 10 % des 10-11 ans et 83 % des 12-17 ans. A tout cela il faut ajouter le fait que la France n’a pas investi dans l’aération et le dépistage régulier des établissements scolaires. Et que la rentrée des classes s’est faite sans masque.

Difficile à ce stade d’anticiper l’ampleur et l’impact de cette vague qui se dessine. A l’Institut Pasteur, l’équipe de Simon Cauchemez est en train de travailler sur des modélisations. En attendant, Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’université de Montpellier, explique que « si on calque la dynamique des précédentes vagues Omicron sur la situation actuelle, il n’y a pas de signal inquiétant pour la suite des événements ; il ne devrait pas y avoir de saturation hospitalière ».

Mais la France part déjà d’assez haut pour ce qui est de l’occupation hospitalière et de décembre 2022 à février 2023, il faudra compter avec la grippe. A l’hôpital Tenon, l’infectiologue Gilles Pialoux craint d’ailleurs que l’épidémie ne soit plus forte que les années précédentes. « On voit déjà des cas de grippe hospitalisés, alors que ce n’est pas le cas d’habitude en septembre », signale-t-il.

La France est-elle la seule à observer un rebond ? Hormis l’Autriche, il semblerait qu’elle soit plutôt en avance par rapport à ses voisins européens. Reste qu’il est difficile d’établir des comparaisons, tant la trajectoire quant aux contaminations, à la stratégie vaccinale et aux gestes barrières diffère dans chaque pays. « Chaque population a désormais un profil d’immunité différent en fonction des classes d’âge », rappelle Mircea Sofonea. Par ailleurs, les efforts en matière de veille sanitaire ont baissé dans de nombreux pays : plusieurs ne rapportent leurs données qu’une fois par semaine, et plus globalement, les gens ont moins recours aux tests. « La France, qui continue à rapporter ses cas quotidiennement, pourrait bien être une sentinelle pour l’Europe dans l’annonce de cette huitième vague, qui devrait concerner rapidement tous ses voisins », avance Antoine Flahault.

30 000 décès en huit mois
Outre-Atlantique, Joe Biden a créé la surprise en déclarant dimanche sur la chaîne CBS que « la pandémie est terminée ». « Nous avons toujours un problème avec le Covid [mais] personne ne porte de masque. Tout le monde semble être en assez bonne forme. Et donc je pense que c’est en train de changer », a ajouté le président des Etats-Unis de manière imprévue, prenant de court son administration. Certes, le nombre de nouvelles contaminations est à son plus bas niveau depuis avril, mais il reste sur un plateau très élevé, avec quelque 57 000 cas par jour. Par ailleurs, le pays continue de payer un très lourd tribut à l’épidémie, déplorant plus de 350 morts par jour.

« Qu’est-ce que la fin d’une pandémie avec un virus qu’on ne peut pas éradiquer ? », Mircea Sofonea, épidémiologiste

Au niveau mondial, le nombre de décès hebdomadaires du Covid-19 est tombé au plus bas depuis mars 2020, ce qui a inspiré au docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, à la tête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une image plus nuancée : « Quelqu’un qui court un marathon ne s’arrête pas quand il aperçoit la ligne d’arrivée. Il court plus vite, avec toute l’énergie qui lui reste. Et nous aussi. » « La fin est à portée de main », a-t-il ajouté, suscitant de vives réactions.

« Qu’est-ce que la fin d’une pandémie avec un virus qu’on ne peut pas éradiquer ? », interroge Mircea Sofonea. Au-delà des enjeux de mortalité – 30 000 décès par Covid-19 ont été rapportés en huit mois en France en 2022 – il ne faut pas oublier les conséquences de la maladie sur la santé à long terme des populations, comme les Covid longs. « Il y a un décalage entre les experts de cette crise sanitaire, pour lesquels elle ne sera pas terminée tant qu’elle continuera de frapper avec ce niveau d’intensité et de violence, et une grande partie de l’opinion publique portée par les politiques et les médias qui ne perçoivent plus la gravité de la situation avec la même acuité », conclut Antoine Flahault.

Delphine Roucaute