Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : en Moselle, la percée des variants inquiète les élus locaux, Olivier Véran temporise

Février 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : en Moselle, la percée des variants inquiète les élus locaux, Olivier Véran temporise

Les élus locaux demandent au gouvernement d’ordonner la fermeture des écoles pour contrer l’épidémie. Le ministre de la santé, en visite sur place, a annoncé une accélération des tests et de la vaccination.

Par Anthony Villeneuve(Metz, correspondant)

Publié le 12/02/2021

Le 14 janvier, le ministre de la santé, Olivier Véran, était déjà à Metz pour accompagner le premier ministre, Jean Castex. Ils avaient rencontré les élus locaux, très préoccupés par la multiplication des cas de Covid-19 dans le département. Celle-ci avait conduit le gouvernement à instaurer le couvre-feu anticipé en Moselle dès le 2 janvier. « Fermer les écoles, c’est la dernière des mesures », avait alors déclaré M. Castex. Une ligne jaune que le gouvernement a réussi à ne pas franchir jusque-là.

Moins d’un mois plus tard, la situation à Metz le conduira-t-elle à s’y résoudre ? Vendredi 12 février, lors d’une réunion de concertation organisée en urgence à la préfecture de la Moselle, les élus locaux lui ont demandé, à une écrasante majorité, de fermer les établissements scolaires du département, en avançant d’une semaine les vacances, qui devaient commencer le 20 février. « Je vais poursuivre mes consultations à Paris sur ce sujet et reviendrai très vite devant les élus pour leur communiquer nos décisions », a répondu le ministre. Le département a aussi valeur de test à l’échelle nationale.

Dès jeudi soir, à l’occasion de son point presse hebdomadaire, Olivier Véran avait qualifié d’« inquiétante » la situation sanitaire en Moselle. « Plus de 300 cas de mutations évocatrices de variants sud-africain et brésilien ont été identifiés ces derniers jours en Moselle », a-t-il expliqué. Beaucoup plus que dans les autres départements.

« Augmentation soudaine des cas chez les 10-20 ans »
Depuis déjà plusieurs jours, le taux d’incidence enregistré dans la métropole de Metz et le reste du département inquiète. Au point de pousser le préfet, Laurent Touvet, à rendre le port du masque obligatoire dans l’espace public dans l’ensemble du département. En début de semaine, les 350 nouveaux cas de Covid pour 100 000 habitants étaient dépassés, avec un taux de positivité de 8 %, deux points au-dessus du chiffre national. En cause, la percée des variants, beaucoup plus contagieux.

Les premiers signaux sont apparus au tout début du mois de février, à l’Ehpad de Rémilly, près de Metz. A la suite de l’identification de 16 cas positifs au sein de l’établissement, le groupe SOS Seniors, propriétaire de cet Ehpad, ordonne des analyses complémentaires. Le 4 février, il informe les familles que le variant sud-africain a été caractérisé. « Notre laboratoire partenaire venait d’être équipé du matériel nécessaire au criblage afin d’identifier les variants, se remémore Géraldine Bucci, la porte-parole du groupe. Le variant était peut-être présent depuis quelque temps sans que l’on soit capable de le voir… » En découvrant l’information, révélée par Le Républicain lorrain, les médecins et élus locaux s’inquiètent : s’il est là, il est sans doute présent plus largement.

Tout s’est accéléré cette semaine. « On a constaté une augmentation soudaine des cas chez les 10-20 ans », témoigne François Grosdidier (LR), le maire de Metz, lequel milite depuis déjà plusieurs jours pour un reconfinement territorialisé, « strict et court ». « Ce fut très brutal. En soixante-douze heures, la situation s’est considérablement aggravée, témoigne Pierre Cuny, le maire de Thionville. Les cas ont commencé à apparaître dans des écoles, nous obligeant à fermer des classes, puis dans nos entourages. C’est exponentiel. » « La machine met du temps à se mettre en route, mais une fois qu’elle démarre, ça va très vite, confirme le professeur Christian Rabaud, infectiologue au CHRU de Nancy. Si le R [taux de reproduction] atteint 1,4 ou 1,5, la vague devient difficile à contenir. »

Le groupe Biomer, leader de l’analyse médicale dans le département, confirme ces craintes. Mercredi, il évaluait à 40 % la part des variants dans le Nord lorrain. C’était 30 % en début de semaine, et seulement 10 % une semaine plus tôt. La progression est spectaculaire. Comment les variants ont-ils pu se propager aussi rapidement en Moselle ? Pourquoi ici plus qu’ailleurs ? « Nous n’avons pas d’explications », a commenté laconiquement M. Véran.

Situation géographique particulière
Sur le terrain, on n’en sait pas davantage. En mars 2020, on avait précisément identifié l’origine de la vague épidémique qui avait sévèrement frappé le département : le fameux rassemblement évangélique de Mulhouse, auquel de nombreux Mosellans avaient participé. Mais surtout le retour de congé de toutes ces familles d’origine italienne qui avaient passé les vacances de février de l’autre côté des Alpes. Cette fois-ci, c’est l’inconnu. « Un mystère, soupire le professeur Rabaud. Nous n’avons pas été capables de retrouver le patient zéro ou plutôt les patients zéro, car plusieurs variants ont été identifiés en Moselle. » « Celle-ci est au carrefour de plusieurs axes de transit européens, note Pierre Cuny. Nous sommes particulièrement exposés, et il est difficile de tout contrôler. »

La Moselle compte plus de 70 000 travailleurs frontaliers, qui traversent les frontières quotidiennement pour se rendre au Luxembourg ou en Allemagne

L’obligation de produire un test PCR pour les ressortissants de l’Union européenne entrant sur le territoire national ne concerne pas les travailleurs frontaliers. La Moselle en compte plus de 70 000, qui traversent les frontières quotidiennement pour se rendre au Luxembourg ou en Allemagne. Et parmi les dizaines de milliers de véhicules et de poids lourds qui arrivent chaque jour en France via l’A31, impossible de distinguer les travailleurs frontaliers des autres populations. Et, partant, d’organiser des contrôles à grande échelle.

Pour le président du conseil départemental, Patrick Weiten (UDI), cette situation géographique particulière devrait pousser l’Etat à vacciner plus vite et plus massivement qu’ailleurs : « Le caractère transfrontalier du département induit un flux de transit et un brassage important de population, nettement supérieur à celui d’autres territoires, note-t-il. Seule une accélération massive de la vaccination des Mosellans peut être de nature à permettre l’infléchissement durable de cette situation. » Olivier Véran l’a entendu, en annonçant l’envoi de 2 000 doses de vaccin Moderna supplémentaires en Moselle dans les prochains jours. De nouveaux créneaux de vaccination vont être ouverts dès ce week-end. Le ministre a également annoncé une intensification de la campagne de tests. D’autres mesures éventuelles devront faire l’objet d’arbitrages au plus haut niveau de l’Etat.