Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : la France reste en retard sur la vaccination des personnes âgées

Août 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : la France reste en retard sur la vaccination des personnes âgées

La priorité de la rentrée est de multiplier les dispositifs d’« aller vers » pour toucher les plus de 60 ans et les publics souffrant de comorbidités encore non vaccinées.

Par Delphine Roucaute

Publié le 30/08/2021

« C’est une réussite et ce n’était pas gagné », résume le médecin en santé publique Pierre Parneix. Alors que la France a été critiquée pour les débuts poussifs de sa campagne vaccinale, elle jouit aujourd’hui d’une place de choix dans « le peloton de tête des pays européens » les plus avancés dans la vaccination contre le Covid-19, selon l’expression du conseil scientifique.

La France a ainsi rattrapé le Royaume-Uni, qui fait figure de fer de lance de la vaccination depuis plus de six mois. Mieux, les Français sont passés de 55 % à plus de 70 % de couverture vaccinale en un peu plus d’un mois, quand les Britanniques auront mis trois mois à franchir cette marche de quinze points. La France a même dépassé Israël, pays qui a eu le démarrage le plus rapide en début d’année mais stagne depuis la fin du mois de mars, n’ayant réussi à gagner que huit points de couverture vaccinale dans les cinq derniers mois.

« Arriver à 50 millions de primo-injections à la rentrée, c’est un point très positif, on n’aurait pas misé sur cette échéance mi-mai », rappelle Philippe Vanhems, spécialiste des maladies infectieuses aux Hospices civils de Lyon. Une accélération estivale « vraisemblablement en lien avec les annonces sur le passe sanitaire », souligne le conseil scientifique dans son avis du 20 août rendu public vendredi 27 août. « Le côté progressif et continu de notre stratégie vaccinale est important dans notre réussite actuelle, les gens ont eu le temps de cheminer dans leur décision », analyse de son côté Pierre Parneix.

Diminution du nombre de rendez-vous
Si un long chemin a été parcouru depuis février, lorsque Emmanuel Macron promettait de vacciner « tous les Français adultes qui le souhaitent » d’ici à la fin de l’été, les enjeux de la rentrée sont multiples. En début d’année, les facteurs limitants étaient les livraisons parcimonieuses de doses de vaccins et les incertitudes sur la capacité de mise en œuvre française. Aujourd’hui, le principal frein reste l’adhésion vaccinale de la population, qui a toutefois beaucoup progressé, passant de 56-58 % selon de premiers sondages menés en début d’année à 85 % en juillet, selon la première vague de l’enquête Slavaco conduite par l’observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Si la dynamique vaccinale est restée bonne tout au long de l’été, elle a toutefois ralenti depuis deux semaines, et l’essentiel des injections est porté par les deuxièmes doses, les primo-injections ayant rejoint le niveau de début mars. Sur Doctolib, le nombre de rendez-vous pris pour une première piqûre continue de diminuer. « La rentrée peut contribuer à un rebond vaccinal, mais c’est vrai que, dans beaucoup de pays, on a vu que, au-dessus de 65 % de couverture vaccinale, la dynamique commence à stagner », avertit Pierre Parneix.

Outre la campagne de rappel ou la levée des dernières réticences, « la priorité des priorités, ce sont les deux millions de Français âgés ou malades qui n’ont pas encore été vaccinés », a insisté le ministre de la santé, Olivier Véran, jeudi. « La France se situe dans le peloton des pays européens avec une position plus favorable en ce qui concerne la vaccination des adolescents, mais plus vulnérable pour la vaccination des plus de 60 ans », souligne également le conseil scientifique dans sa dernière « note d’alerte ». Quand les 60-69 ans sont 88 % à avoir reçu au moins une dose et les 70-79 ans 96 %, la couverture vaccinale tombe à 84,7 % pour les plus de 80 ans vivant encore chez eux, alors qu’il s’agit de la population la plus vulnérable face au Covid-19. Les voisins portugais et espagnols affichent pour cette dernière catégorie d’âge des chiffres flirtant avec les 100 %, ce qui interroge la stratégie française. Les personnes souffrant de comorbidités, elles, sont vaccinées à 84 %.

« Stratégie compliquée à mettre en place »
« Il faut qu’on sorte des comparaisons internationales en termes de couverture globale et qu’on raisonne plutôt en termes de populations à risque », avance Jeremy Ward, sociologue à l’Inserm. « La politique du chiffre a permis une large couverture vaccinale mais on a laissé les gens se débrouiller pour se faire vacciner, alors que ceux qui ont du mal à se débrouiller seuls sont précisément ceux qui finissent aux urgences », alerte le spécialiste de l’adhésion vaccinale.

Depuis plusieurs mois, la Caisse nationale d’Assurance-maladie, les agences régionales de santé et les collectivités locales multiplient les opérations d’« aller vers » pour aller au contact des personnes âgées et précaires éloignées du système de santé. « On vient de franchir le million de Français vaccinés via nos opérations d’ “aller vers” qu’on fait pour aller chercher des personnes qui ne peuvent pas, pour différentes raisons, se déplacer jusqu’à la vaccination », s’est félicité dimanche le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Le ministre de la santé a également incité les médecins généralistes à appeler leurs patients qui n’ont pas encore été vaccinés grâce à la liste que peut leur fournir l’Assurance-maladie, et les maires à multiplier les dispositifs de sensibilisation dans les quartiers.

« L’“aller vers”, on ne sait pas complètement le faire en France ; c’est d’ailleurs une expression qui a émergé pendant la crise sanitaire, commente Pierre Parneix. Cela fait partie des stratégies de santé compliquées à mettre en place, surtout dans notre système de soins très centralisé. » Ces obstacles illustrent aussi les limites de la stratégie d’incitation du passe sanitaire. « L’enjeu c’est la demande, et nous la stimulons par tous les moyens », assurait jeudi Olivier Véran.

Delphine Roucaute