Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : le spectre d’une vague épidémique plus forte en France

Janvier 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : le spectre d’une vague épidémique plus forte en France

Avant des annonces sur un éventuel reconfinement, Olivier Véran a estimé que 2 000 patients chaque jour étaient infectés par le variant anglais.

Par Delphine Roucaute et Chloé Hecketsweiler

Publié le 29/01/2021

« Eviter une épidémie dans l’épidémie. » C’est ainsi que le ministre de la santé, Olivier Véran, a résumé les enjeux de la période qui s’ouvre en France, précédant de quelques jours des annonces très attendues du président de la République sur un éventuel reconfinement. Le ministre a décrit un « plateau montant », soulignant une augmentation hebdomadaire du nombre de nouvelles personnes positives au Covid-19 de 10 % depuis trois semaines. Les personnes de 75 ans et plus restent les plus touchées par le SARS-CoV-2, selon les dernières données de Santé publique France (SPF). Le taux de positivité est assez semblable dans toutes les tranches d’âge, ce qui signifie que le virus circule à tous les âges, même chez les moins de 9 ans.

Les hospitalisations et les admissions en service de réanimation subissent une importante augmentation, alors qu’une singularité se lit dans les indicateurs. Depuis le début de l’épidémie, le nombre de nouveaux cas de Covid-19 précède de une à deux semaines le nombre de nouvelles hospitalisations, en raison de l’évolution particulière de la maladie qui, dans ses formes graves, peut provoquer une aggravation subite de l’état du malade sept à dix jours après le début des premiers symptômes. Actuellement, on observe au contraire une hausse des hospitalisations plus rapide que le nombre de nouveaux cas. « Depuis septembre, on hospitalisait environ une personne sur vingt cas avérés de Covid-19, mais depuis deux-trois semaines, on est passé à une personne sur treize environ », précise Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

Comment expliquer un tel phénomène ? « Soit par une sous-détection des nouveaux cas de Covid-19, soit par un changement de caractéristiques des patients qui, aujourd’hui, seraient plus âgés, soit par une augmentation du nombre de formes graves, soit par le fait que les patients attendent plus longtemps avant d’arriver à l’hôpital », détaille l’épidémiologiste. A noter que l’on compte plus de personnes hospitalisées par rapport au nombre de cas détectés, ainsi que plus de décès parmi celles-ci. « Cela va plutôt dans le sens d’une hausse des formes graves chez les personnes hospitalisées », conclut M. Zureik.

Autre point d’attention : moins d’un quart des nouveaux cas ont été identifiés par le dispositif de suivi de contacts avant leur test. « Cela est préoccupant dans le contexte d’une diffusion de variants émergents plus transmissibles », peut-on lire dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire de SPF du 28 janvier. Des variants « susceptibles d’entraîner une vague épidémique très forte, plus forte encore que les précédentes compte-tenu de [leur] forte contagiosité », selon Olivier Véran.

Les résultats de la première enquête « flash » indiquent que le variant britannique représentait 3,3 % des cas de Covid-19 au début du mois de janvier. Pour parvenir à ce résultat, les laboratoires partenaires du Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires ont collecté 183 000 échantillons les 7 et 8 janvier. Après une analyse par RT-PCR, un peu moins de 12 000 se sont révélés positifs, dont 552 avec un résultat discordant caractéristique du variant britannique. Le séquençage de ces échantillons suspects a confirmé qu’il s’agissait bien du variant dans 70 % des cas, ce qui signifie qu’il représentait à la date de l’analyse 3,3 % des cas de Covid-19 diagnostiqués par ces laboratoires. « En extrapolant à l’ensemble des 126 000 cas positifs diagnostiqués cette semaine-là, cela représentait environ 600 cas par jour », calcule Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses à SPF.

Ce résultat est bien supérieur à la première estimation communiquée il y a deux semaines, selon laquelle le variant britannique était à l’origine de 1 à 2 % des cas de Covid-19. Les épidémiologistes de SPF n’ont cependant pas observé de corrélation entre le niveau de circulation de ce mutant – qui est le plus élevé en Ile-de-France, avec 6,9 % des cas – et la situation épidémique dans certaines régions. « A ce niveau, cela n’explique pas les tendances observées », précise Bruno Coignard. Cela pourrait bientôt changer : lors d’une conférence de presse jeudi 28 janvier, le ministre de la santé Olivier Véran a estimé que « plus de 2 000 patients par jour » étaient maintenant infectés par le nouveau variant.

200 000 échantillons attendus
Pour mieux analyser la situation, et calibrer les mesures de contrôle de l’épidémie, l’exécutif attend maintenant les résultats de la deuxième enquête « flash », qui a débuté mercredi 27 janvier. Près de 200 000 échantillons sont attendus. « C’est astronomique, il n’est pas possible de les analyser du jour au lendemain », avertit Bruno Lina, virologue et membre du conseil scientifique, qui coordonne l’enquête. « Les premières données, sur le nombre de tests discordants, seront disponibles au cours du week-end, et les résultats du séquençage en fin de semaine prochaine », avance le chercheur, qui s’attend à ce que la présence du variant britannique soit confirmée dans 80 à 90 % des cas, compte tenu de sa progression « inexorable ».

Cette enquête permettra d’avoir une photographie précise de sa diffusion sur le territoire depuis le début de l’année et d’aider les modélisateurs à préciser leurs scénarios. « Nous verrons si nous sommes ou non sur une courbe exponentielle, et si les mesures prises depuis le début de l’année ont ralenti l’épidémie », explique-t-il. Avec une capacité de séquençage de 2 100 échantillons par semaine, les scientifiques comptent aussi repérer la présence de deux autres mutants dont les caractéristiques inquiètent les autorités : le variant sud-africain et le variant brésilien.

« Il y a une course entre l’arrivée des variants et la vaccination », souligne Rodolphe Thiébaut, professeur de santé publique à Bordeaux. Au 26 janvier, 1 130 753 personnes avaient reçu au moins une dose de vaccin, soit 1,7 % de la population.