Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : pour les plus de 65 ans, un passe sanitaire conditionné au rappel vaccinal

Novembre 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : pour les plus de 65 ans, un passe sanitaire conditionné au rappel vaccinal

L’utilité d’une dose supplémentaire chez les personnes âgées est soulignée par de nombreuses études, mais son caractère obligatoire ne fait pas l’unanimité dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Par Chloé Hecketsweiler et Delphine Roucaute

Publié le 10/11/2021

Alors que la campagne vaccinale contre le Covid-19 stagne depuis quelques semaines au niveau des primo-injections, l’exécutif choisit de passer la seconde vitesse sur le front des doses de rappel. « Une campagne [de rappel] a été lancée depuis la fin de l’été pour tous les plus de 65 ans et les plus fragiles, il nous faut aujourd’hui l’accélérer », a déclaré Emmanuel Macron lors d’une allocution télévisée, mardi 9 novembre. Le président de la République a ainsi annoncé que cette dose supplémentaire conditionnera le maintien du passe sanitaire des personnes de plus de 65 ans à partir du 15 décembre. Par ailleurs, la dose de rappel sera ouverte à partir de début décembre à tous les 50-64 ans, a-t-il fait savoir, devançant l’avis des autorités sanitaires, ainsi reléguées au rôle de chambres d’enregistrement de la décision présidentielle.

La dose de rappel est aujourd’hui proposée aux personnes de plus de 65 ans, à celles souffrant de comorbidités quel que soit leur âge, aux immunodéprimés et à leurs proches, aux personnes ayant été vaccinées avec le vaccin Janssen, mais également au personnel médical et médico-social. Seuls les plus de 65 ans sont cependant concernés par l’extension du passe sanitaire, alors que le taux d’incidence a commencé à remonter dans cette classe d’âge.

« La dose de rappel est nécessaire pour le public cible actuel, qui perd vite son immunité post-vaccinale », approuve Yves Buisson, président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine. « Mais brandir l’obligation est inacceptable, car on recrée une discrimination en fonction de l’âge », s’insurge l’épidémiologiste. Une différenciation qui avait pourtant été repoussée avec force lors des précédents confinements, notamment en février, lorsque des membres du conseil scientifique s’étaient positionnés en faveur de l’auto-isolement des personnes âgées.

« La plupart des gens éligibles aujourd’hui au rappel font partie des personnes les plus motivées pour la vaccination, puisqu’elles étaient les premières à être volontaires », insiste Yves Buisson, qui plaide pour que ce rappel ne se fasse pas sous la menace. Quelque 8,5 millions de personnes sont aujourd’hui éligibles au rappel, car elles ont reçu un schéma vaccinal complet depuis plus de six mois. Mais seulement la moitié d’entre elles se sont portées volontaires pour une dose supplémentaire. Plus de 100 000 rendez-vous pour un rappel ont été pris en une heure mardi soir sur Doctolib, selon les chiffres de la plate-forme.

« Israël a déjà franchi le pas »
Pour ne pas viser spécifiquement les personnes âgées, Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’université de Montpellier, estime qu’« il faudrait créer une date de péremption pour le passe sanitaire de tout le monde, puisque de toute manière, on passera très probablement à un rappel en population générale ». Cette option, envisagée par les autorités sanitaires, n’a pas encore été retenue et continue de faire débat, en raison « des données encore limitées sur les conséquences d’un déclin de l’efficacité vaccinale au cours du temps chez le jeune adulte sans comorbidité », selon la Haute Autorité de santé. Mais « il est clair qu’il faut viser plus loin et on ne sera pas les premiers, Israël a déjà franchi le pas », insiste M. Sofonea.

« En juillet, avec la reprise de l’épidémie, la population israélienne est passée de l’euphorie à l’inquiétude », rappelle Cyrille Cohen, immunologue à l’université Bar-Ilan à Tel-Aviv et membre du comité d’experts qui conseille le gouvernement sur les vaccins, en rappelant que début juin, les cas se comptaient « sur les doigts d’une main ». « Au début, on se rassurait en se disant que les contaminations augmentaient mais qu’on ne voyait pas de cas graves », se souvient-il, en expliquant que la situation a vite basculé lorsque le virus a atteint les personnes les plus âgées.

Ce qui se passe en France aujourd’hui a un air de « déjà-vu » pour ce scientifique, favorable à l’administration d’une troisième dose à toutes les personnes vaccinées depuis plus de six mois. Une étude portant sur plus d’un million d’Israéliens, publiée le 29 octobre dans The Lancet, révèle que le risque de forme grave est divisé par quatorze pour les personnes ayant reçu trois doses par rapport à celles vaccinées avec deux doses, et le risque de décès est divisé par cinq. « La troisième dose rétablit l’immunité, même si on ne sait pas pour combien de temps », relève Cyrille Cohen, qui a participé à l’analyse des données. La campagne de rappel a démarré mi-juillet en Israël, mais il est encore trop tôt pour savoir si l’effet protecteur du booster persiste.

Craintes autour de la « vague hivernale »
Le rappel suffira-t-il à passer la vague hivernale ? Pas sûr. « Si on additionne les personnes non vaccinées et celle chez qui le vaccin ne marche pas [une sur six, selon les dernières données publiées pour le vaccin Pfizer-BioNtech], la population susceptible d’être hospitalisée reste importante, calcule le scientifique. Au moment de la première vague, 5 % seulement de la population a été infectée, et cela a suffi à submerger le système hospitalier. » Très optimistes à la rentrée, les épidémiologistes ne cachent pas leur inquiétude face à ce qui se passe en Allemagne, où le nombre de cas et de décès s’est envolé en deux semaines. Beaucoup comptaient sur l’impact des vacances scolaires – qui, jusqu’à présent, ont joué comme un coup de frein –, mais aucun ralentissement n’a été observé.

« On peut craindre une accélération de l’épidémie dans les prochaines semaines », estime le scientifique, selon qui il est impératif de reprendre de bonnes habitudes : respecter les gestes barrières, limiter ses contacts et se faire tester, même en l’absence de symptômes. Si la somme des efforts individuels ne suffit pas et que le taux de reproduction atteint 1,2 ou 1,3, il faudra, selon lui, des mesures supplémentaires, comme un couvre-feu, pour reprendre le contrôle de l’épidémie. « Cette mesure d’urgence serait cependant le signe qu’on n’a pas assez anticipé l’arrivée d’une vague hivernale », estime-t-il, regrettant notamment le manque d’attention portée à la ventilation des lieux clos, alors que le virus se transmet principalement par l’air.

Chloé Hecketsweiler et Delphine Roucaute