Luttes et mobilisations

Le Monde.fr : Dans les hôpitaux, la « grève du codage » divise les médecins

Octobre 2019, par infosecusanté

Le Monde.fr : Dans les hôpitaux, la « grève du codage » divise les médecins

Des praticiens ont décidé de ne plus transmettre les informations permettant à l’hôpital de facturer à l’Assurance-maladie les actes réalisés en son sein
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Par François Béguin •

Publié le 18/10/2019

L’appel solennel à la « grève du codage » des soins et des actes avait été lancé jeudi 10 octobre lors de la première assemblée générale du collectif inter-hôpitaux (CIH) à la faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Huit jours plus tard, ce mouvement de protestation invisible du grand public commence à prendre forme dans plusieurs hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), non sans provoquer quelques remous.

Les médecins de l’ensemble des services des hôpitaux Robert-Debré, Bretonneau et Beaujon (Clichy, Hauts-de-Seine) ainsi que ceux de plusieurs services de la Pitié-Salpêtrière et de Bichat ont décidé de ne plus transmettre les informations permettant à l’hôpital de facturer à l’Assurance-maladie les actes réalisés en son sein. Jeudi 17 octobre dans la soirée, c’était au tour des soignants de l’hôpital de Bicêtre, au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), d’annoncer à l’issue d’une assemblée générale qu’ils rejoignaient ce mouvement. Dans les faits, la grève prend la forme d’une « rétention » du codage. Les médecins codent leurs actes mais ne transmettent pas leurs fichiers aux directions.

« Ni la bonne cible ni la bonne arme »

Ce mode de protestation, présenté comme un geste « politique » et « symbolique » par ses promoteurs est loin de faire l’unanimité. Dans un courrier envoyé mercredi 16 octobre à l’ensemble des équipes, Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP, a mis en garde contre les « conséquences pratiques » d’un arrêt « total ou partiel » du codage. « C’est l’ensemble des activités de l’AP-HP qui auront à en supporter les effets qui n’auront pas de conséquences sur d’autres acteurs mais sur notre propre capacité de financement des projets », écrit-il, évoquant à la fois le coût du recours à des prestataires privés et une baisse du taux de recouvrement.

Des praticiens hospitaliers s’interrogent également sur la pertinence d’une telle démarche. « Cette grève n’a de sens que si on veut être en opposition avec son directeur. En quoi va-t-elle faire bouger les choses au niveau gouvernemental ? », interroge le chef de service des urgences de la Pitié-Salpétrière, Bruno Riou. « Ce n’est ni la bonne cible ni la bonne arme », estime-t-il. « C’est en désespoir de cause que les médecins font ça, parce qu’ils ont très peu de moyens de pression par rapport à d’autres professions », assure, pour sa part, le président d’une commission médicale d’établissement (CME), pourtant lui-même très peu convaincu de ce mode de protestation.

« Le mouvement prend de l’ampleur, ça commence à les faire flipper au ministère », juge Stéphane Dauger, le chef du service réanimation pédiatrique de l’hôpital parisien Robert-Debré, où une telle grève a débuté le 23 septembre et s’est étendue depuis à pratiquement tous les services. Jeudi soir, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a reçu pendant près de deux heures plusieurs présidents de CME de l’AP-HP qui lui ont exposé l’ampleur de la crise à l’hôpital. « Elle a saisi la gravité de la situation », assure l’un des participants. « Elle a compris que si ça ne se résout pas vite, il y aura le feu partout. »

François Béguin