Le système de santé en France

Le Monde.fr : Election présidentielle 2022 : en matière de santé, une campagne qui ne convainc pas

Avril 2022, par infosecusanté

Le Monde.fr : Election présidentielle 2022 : en matière de santé, une campagne qui ne convainc pas

Dans la communauté médicale, plusieurs voix s’inquiètent de l’absence de mesures à même de répondre à la crise de l’hôpital ou aux déserts médicaux.

Par Camille Stromboni

Publié le 09/04/2022

Les soignants, l’hôpital, les déserts médicaux… La santé s’est invitée dans les programmes de cette élection présidentielle. Sur le papier, du moins. Après deux années de crise sanitaire, qui ont mis à rude épreuve un système déjà fragile, il était difficile de faire l’impasse sur cette thématique ancrée dans les principaux sujets de préoccupation des Français. « C’est la première fois que l’on parle autant de santé, tous les candidats ont au moins fait un discours, un déplacement sur le sujet, ce qui était loin d’être le cas lors des précédentes élections », juge Frédéric Valletoux, à la tête de la Fédération hospitalière de France. Mais, dans le même temps, le responsable le reconnaît : « Il est quand même certain que, au final, comme pour l’ensemble des sujets durant cette campagne, on n’a pas entendu parler de grand-chose. »

Au-delà de la faible place de la santé dans les débats de cette étrange campagne, le fond des propositions interroge peut-être plus encore dans la communauté médicale, toujours largement sous le feu des difficultés, malgré le recul de la dernière vague de Covid-19. Pénurie d’infirmiers, fermetures de lits, services d’urgence saturés obligés de fermer la nuit faute de personnels en nombre suffisant… les maux de l’hôpital sont loin d’avoir été surmontés, malgré le Ségur de la santé – un plan enclenché par le gouvernement à l’été 2020 – et ses importantes revalorisations salariales.

« A côté de la plaque »
Embaucher plus, former plus, revaloriser les salaires, ouvrir des lits… de la droite à la gauche, on rivalise de propositions pour venir au chevet de l’hôpital. Pourtant, les principaux intéressés restent sceptiques. « Tout le monde se revendique en soutien des soignants et de l’hôpital, mais il n’y a pas de vraies solutions, ça reste à côté de la plaque, estime Olivier Milleron, cardiologue à l’hôpital Bichat, à Paris, et membre du Collectif inter-hôpitaux. Il n’y a pas eu de vrai débat sur ces questions : quelle doit être la place de l’hôpital public dans la société ? Quel rôle pour le public et pour le privé ? Comment rétablit-on l’attractivité pour les métiers du soin ? »

Pour le médecin, on reste encore dans une « vision comptable » de l’hôpital. « C’est ce qui fait fuir les soignants, qui continuent à le quitter en nombre, puisqu’ils n’ont aucune perspective d’amélioration, c’est très inquiétant, reprend-il. Finance-t-on selon les besoins, ou à l’activité, comme aujourd’hui, avec l’idée de réguler le budget ? On n’a entendu aucune mesure-phare, qui changerait les choses. » Lui préconise notamment la mise en place d’un « ratio » obligatoire dans les hôpitaux, soit un nombre minimum de soignants pour un nombre donné de patients.

En médecine de ville aussi, les prises de position des candidats, qui se sont concentrées sur les « déserts médicaux », ont rencontré peu d’écho et sont jugées peu crédibles. « Les politiques sont interpellés par la population sur la question de l’accès aux soins, ils ont tous essayé de trouver des solutions, mais sont-elles pertinentes ?, interroge faussement Jacques Battistoni, président de MG France, premier syndicat chez les médecins généralistes. C’est variable, mais il y a une majorité de candidats pour qui la principale réponse serait la coercition à l’installation des médecins [dans les déserts], surtout pour les jeunes, alors que nous ne cessons de répéter que ça ne marchera pas ! Le remède sera pire que le mal, et on va se retrouver avec encore moins de candidats aux études de médecine générale… »

Camille Stromboni