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Le Monde.fr : Emmanuel Macron assume le choix de « vivre avec » le Covid-19

Mai 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Emmanuel Macron assume le choix de « vivre avec » le Covid-19

En entamant le déconfinement du pays alors que l’épidémie est encore à un niveau relativement élevé, le chef de l’Etat fait le pari d’un agenda positif.

Par Claire Gatinois
Publié le 3 mai 2021

Il y a un peu plus d’un an, Emmanuel Macron avait déclaré la « guerre » au Covid-19. Après des mois de privations, de contraintes et de faux espoirs, face à un virus aussi sournois qu’imprévisible, le chef de l’Etat s’est résolu à « vivre avec » son « ennemi », sans l’éradiquer tout à fait.

En annonçant le calendrier du déconfinement, dont la première étape débute le 3 mai, le président a assumé cette stratégie visant à laisser circuler le virus à un niveau relativement élevé, tout en espérant que le respect des gestes barrières et l’avancée de la vaccination éviteront une situation hors de contrôle.

Quand bien même les données sanitaires continuent d’affoler une partie du milieu médical, l’exécutif entend insuffler un agenda positif à une France usée par la pandémie. L’ouverture hautement symbolique des terrasses, mais aussi celle des commerces, des théâtres et des cinémas, le 19 mai, doit y contribuer. « A partir du 19 mai, des étapes successives vont nous conduire ensemble à définir un nouveau modèle de croissance et de prospérité », s’est avancé Emmanuel Macron, samedi 1er mai, lors de la traditionnelle cérémonie du muguet à l’Elysée.

« Le choix de la raison »
Des précautions ont été prises et des « freins » peuvent être activés dans les territoires où le virus circulerait trop mais la légère baisse observée ces derniers jours, tant dans le taux d’incidence de la maladie que dans le taux d’occupation des services de réanimation, dégage l’horizon. « Tout ça est un mélange d’humilité, de pragmatisme et de détermination. Il faudra voir dans quinze jours si la baisse a perduré et dans quelle proportion. Il faut aussi que l’accélération de la vaccination se maintienne voire s’accentue », signale un proche du chef de l’Etat. Sur ce dernier point, « on tiendra nos objectifs », a assuré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, dimanche sur « Le Grand Rendez-vous » Europe 1, CNews, Les Echos, rappelant que 30 millions de Français, parmi les cibles prioritaires, devraient avoir reçu une première dose de vaccin à la mi-juin ouvrant ensuite la vaccination à l’ensemble de la population.

En permettant aux Français de renouer peu à peu avec leur « art de vivre », tout en immunisant, en parallèle, la majeure partie des personnes fragiles, le gouvernement espère transformer les effets du coronavirus en ceux d’une sorte de grippe. Certes le virus serait encore présent mais il ne conduirait plus à engorger les hôpitaux et leurs services de réanimation. « Oui, on devra vivre avec un virus mais dont la virulence, la contagiosité et la dangerosité seront limitées au fur et à mesure que les personnes vulnérables auront été vaccinées. C’est le choix de la raison face à des alternatives pas très enthousiasmantes », estime Roland Lescure, député des Français de l’étranger (La République en marche, LRM)

Une partie de la communauté scientifique s’étrangle. Alors que les variants menacent de tout faire dérailler, que les hôpitaux restent débordés, les critères utilisés pour justifier le déconfinement leur paraissent bien légers. « Les Japonais se démènent pour ralentir une épidémie afin qu’elle ne dépasse pas les 40 cas pour 100 000 habitants sur sept jours. En France c’est 400. Leur niveau d’exigence est au moins dix fois plus strict ! », souligne Antoine Flahault, directeur de l’institut de santé globale à l’université de Genève. « Je crois que tout le monde attendait un gouvernement qui dise “plus jamais cela !” A la place, le président a déclaré s’accommoder d’un virus qui peut causer 40 000 cas et 300 décès par jour, ce n’est pas acceptable. Le problème de la stratégie du “vivre avec” est qu’elle n’a été qu’une série d’échecs jusqu’à présent », insiste l’épidémiologiste.

Risque de devenir le mauvais élève de l’Europe
Les experts ne s’expliquent pas que le gouvernement ait abandonné l’objectif qu’il s’était fixé à l’automne dernier de descendre à 5 000 cas de contamination par jour. Beaucoup d’entre eux vantent la stratégie du « zéro Covid » qui, en agissant vite et fort contre le virus, doit éviter les incessants stop-and-go des confinements et déconfinements. A leurs yeux, la France risque de devenir le mauvais élève de l’Europe et faciliter la fabrique de nouveaux variants. La décision chinoise de suspendre, le 30 avril, les vols reliant Paris et Shanghaï pour deux semaines est déjà, selon certains, un signal à ne pas négliger.

La stratégie « zéro Covid-19 » ? « Ça n’est pas soutenable avec nos standards démocratiques », a balayé le chef de l’Etat en préambule à son entretien auprès des titres de la presse quotidienne régionale, le 30 avril. « Ceux qui l’ont mise en place étaient soit des îles, soit des régimes autoritaires. On n’est ni l’un ni l’autre. Il y a toujours des Cassandre pour prédire le pire, mais il faut aussi faire preuve d’optimisme ! », abonde un conseiller ministériel, estimant que les critères de surveillance de l’épidémie sont loin d’être laxistes.

Le président n’ignore pas que le virus ne disparaîtra sans doute pas à l’été et que des rappels réguliers de vaccin seront probablement nécessaires. « Est-ce que je peux vous dire, les yeux dans les yeux, qu’on ne sera plus jamais débordé par ce virus ? C’est impossible », a-t-il concédé le 30 avril. Mais le chef de l’Etat espère être, malgré tout, en mesure de permettre le retour à une vie « plus normale ».

« On ne peut pas bloquer la vie des Français »
Emmanuel Macron a-t-il seulement d’autres choix ? Le déconfinement de la mi-mai, annoncé dès le 31 mars, avait pris les allures d’un rendez-vous que le président n’avait pas le droit de manquer. Après une longue année rythmée par le Covid-19, la population est apparue de plus en plus lasse et de moins en moins disposée à respecter les contraintes sanitaires. « Le Covid est là pour longtemps, on ne peut pas bloquer la vie des Français éternellement. Le politique doit reprendre la main sur le sanitaire, mais ça veut dire aussi qu’il faut revoir l’organisation des hôpitaux pour cesser de gérer la pénurie hospitalière », signale l’urgentiste Patrick Pelloux.

A un an de l’élection présidentielle, ce volontarisme doit aussi permettre au chef de l’Etat de ne pas se laisser enfermer dans la gestion de la crise. Son entretien du 30 avril fait d’ailleurs ressurgir « l’animal politique » mis en sourdine ces derniers mois, soulignent les éditorialistes. Au-delà du déconfinement, le président annonce une prochaine tournée qui pourrait lui permettre de faire valoir les réformes et d’imprimer un nouvel agenda, notamment économique.

« On est encore sur une logique de pari. D’un côté, il y a Emmanuel Macron soucieux de fermer l’épisode Covid qui doit lui permettre de renouer avec l’essence du macronisme, l’économie, les réformes… et passer du statut de président candidat à celui de candidat président. De l’autre, il y a le Covid et ses inconnues », souligne Frédéric Dabi, directeur général opinion de l’institut de sondage IFOP. « Pour le moment, l’opinion publique est plutôt bienveillante », ajoute-t-il. Si, d’ici à quelques mois, il est question d’un quatrième confinement, le vent pourrait toutefois vite tourner.