Industrie pharmaceutique

Le Monde.fr : En 2003, l’homéopathie a été déremboursée partiellement

Mai 2018, par infosecusanté

En 2003, l’homéopathie a été déremboursée partiellement

Le seul mouvement ayant touché aux remboursement des médicaments homéopathiques - passé de 65 % à 35 % - a été conduit par le ministre Jean-François Mattéi.

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO

21.05.2018

Par Pascale Santi

A ce jour, le seul ministre de la santé à avoir touché à l’homéopathie est Jean-François Mattei, en fonctions de 2002 à 2004. En décembre 2003, il avait baissé le taux de remboursement des médicaments homéopathiques de 65 % à 35 %. C’était pour lui une « question d’équité », dit-il aujourd’hui.

A partir de cette année-là, en ­effet, des centaines de médicaments (près de 620) ont vu leur taux de remboursement réduit en raison d’un service ­médical rendu (SMR) considéré comme modéré ou minime (et non plus important) par la Haute Autorité de santé (HAS), ce qui avait alors suscité de fortes réactions. Figuraient en effet des médicaments très prescrits, tels que Zyrtec (UCB Pharma), Clarityne (Schering-Plough), très utilisés contre les allergies, ou encore l’antiémétique Primpéran (Sanofi-Synthélabo).

« Rupture d’équité »

Le gouvernement avait alors systématiquement suivi l’avis de la HAS. Dans ce contexte, il semblait bien difficile de ne pas aligner l’homéopathie sur ce régime et de lui conserver le taux de remboursement de 65 %, qui est celui des ­médicaments ayant prouvé sans conteste leur efficacité. D’autant plus que, pour les médicaments ­homéopathiques, le SMR ne pouvait même pas être attribué par sa commission de la transparence. Il ne l’est pas plus aujourd’hui.

« Il n’était pas possible à la HAS de proposer le remboursement des médicaments homéopathiques, pour deux raisons : ils n’ont pas une indication précise, et ils n’ont pas fait la preuve scientifique de leur ­efficacité à un niveau équivalant à celui exigé pour les autres médicaments », explique le professeur Gilles Bouvenot, alors président de la commission de transparence de la HAS (et ce jusqu’en 2014). « Ce qui m’étonnait, c’est que le niveau de preuve élevé d’efficacité que l’on exige des ­médicaments classiques n’ait ­jamais été demandé à l’homéopathie. Il y a manifestement rupture d’équité », poursuit-il.

Cette décision avait alors provoqué l’ire du premier producteur mondial de préparations homéopathiques, Boiron. Qui l’avait fait savoir haut et fort. Le groupe lyonnais avait fait de la ­publicité, lancé une pétition ­recueillant 500 000 signatures, fait du lobbying auprès de parlementaires… « La mesure gouvernementale va entraîner des transferts de prescription vers des ­médicaments ­allopathiques à la fois plus chers et pris en charge », ­soulignait-on alors du côté de l’industriel. Qui mettait aussi en avant le coût ­politique. A cette époque aussi, le conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés s’était prononcé, dans un avis ­consultatif, mais à une très large majorité, contre le déremboursement.

Effet placebo

Jean-François Mattei n’avait pas cédé. « A l’époque, j’ai reçu Christian Boiron à deux reprises. Il défendait son entreprise, le fait qu’il exportait au Japon notamment », rappelle-t-il. Mais le ministre se souvient aussi avoir décidé « en fonction de ses convictions », sans pour autant dérembourser totalement.

Certes, Jean-François Mattei en est toujours convaincu : « Il n’y a aucune preuve formelle de l’efficacité médicamenteuse (par le biais de molécules) de l’homéopathie. » Mais l’ancien ministre invoque l’effet placebo. « Il faut se garder d’être tout scientifique ou tout ­financier, et faire attention au vécu des patients, si cela procure du mieux-être, il faut en tenir compte », nous dit-il.

Aucun autre ministre ne s’est depuis attaqué à ce dossier. Hormis Roselyne Bachelot, en 2011, dans un mouvement général de réduction à 30 % de la prise en charge des médicaments précédemment à 35 %. En septembre 2005, Xavier Bertrand était ­catégorique : « Tant que je serai ministre, on ne touchera pas à l’homéopathie. » Une tradition qui semble bien ancrée.