L’hôpital

Le Monde.fr : Hôpital Grand Paris Nord : « Nous demandons au ministre de la santé d’intervenir afin que le projet soit à la mesure des besoins de la population »

Décembre 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Hôpital Grand Paris Nord : « Nous demandons au ministre de la santé d’intervenir afin que le projet soit à la mesure des besoins de la population »

TRIBUNE


Malgré les leçons de la crise due au Covid-19, une logique comptable et dogmatique préside au projet de campus hôpital, dénonce un collectif de personnels hospitaliers et d’usagers dans une tribune au « Monde ».

PROJET DE CAMPUS HOPITAL GRAND PARIS NORD
LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE LA SANTE

Monsieur le ministre,

« Il faut totalement sortir du dogme de la réduction des lits dans les projets architecturaux des hôpitaux » avez-vous déclaré le 18 novembre 2020 lors du séminaire national des hospitaliers. Ces propos sont cohérents avec la suppression du COPERMO annoncé lors du Ségur de la santé.

Cependant, sur le terrain, les projets hospitaliers imposés par le COPERMO du « monde d’avant » se poursuivent à Caen, à Rennes, à Nantes, à La Réunion, à Nancy, à Paris…

Ainsi, le projet de Campus Hôpital Grand Paris Nord, qui prévoit la fusion de deux très grosses structures hospitalières, les Centres Hospitaliers Universitaires de Bichat (Paris 18eme) et Beaujon (Clichy 92), est toujours en cours avec une modification minime. Un nouvel hôpital, attenant à la partie universitaire et de recherche, doit être construit à Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis et le projet prévoit toujours la fermeture de plus de 300 lits d’hospitalisation complète en médecine, chirurgie et obstétrique, ce qui représente une baisse de près de 30% des capacités d’hospitalisation.

La logique qui préside à la suppression de ce très grand nombre de lits est clairement décrite dans les différents « projets médicaux ». Il découle de 2 objectifs comptables imposés par le COPERMO.

– un raccourcissement de la durée moyenne de séjour (DMS) est demandé sur Bichat-Beaujon, qui aboutirait à une durée d’hospitalisation de 30% inférieure à celle des autres hôpitaux français. Ainsi, pour une pathologie donnée, si la durée d’hospitalisation est, en moyenne, de 6 jours dans les hôpitaux français, elle devra être de 4 jours dans le nouvel hôpital. Cet objectif n’est justifié par aucune étude médicale ou scientifique. Au contraire, le développement de l’ambulatoire conduit à des projections de stabilité de la DMS au cours des prochaines années car l’hospitalisation complète sera réservée aux patients les plus lourds avec des DMS plus longues.

 un taux d’occupation des lits de plus de 95%. Pourtant, un taux d’occupation au-dessus de 85% ne permet pas d’accueillir les patients non programmés, c’est-à-dire les urgences adressées par les médecins de ville ainsi que les patients qui arrivent aux urgences et qui nécessitent une hospitalisation. Par exemple, un service de cardiologie de 20 lits qui aurait un taux d’occupation de ses lits de 95% n’aurait donc qu’un lit de libre en permanence. Il parait difficile dans ces conditions de pouvoir accueillir des patients en urgence.

La surmortalité en Seine Saint Denis pendant la crise de la COVID19, a mis en lumière les inégalités sociales et territoriales de santé qui touchent ce département conduisant votre ministère à autoriser une augmentation de 84 lits dans le projet. Mais, il est toujours prévu de passer de 1049 lits d’hospitalisation complète actuellement disponibles à 744 lits dans le futur hôpital du Nord Parisien.

Et pourtant, comment justifier une telle amputation du capacitaire alors que, comme le précise le dossier de présentation du projet :

– la zone d’implantation du futur hôpital est déficitaire en médecins généralistes, en médecins spécialistes, en professions paramédicales et en lits d’hospitalisation,

 la population va croitre de 9% à l’horizon 2030 dans la zone et que, d’ores et déjà, plus de 30% des patients qui consultent aux urgences de Bichat et qui nécessitent une hospitalisation sont transférés dans une autre structure, le plus souvent privée. Aux urgences de Beaujon, ce chiffre atteint 50%.

Monsieur le ministre, nous ne sommes en aucun cas opposés à la construction d’une nouvelle structure hospitalo-universitaire à Saint-Ouen et sommes partie prenante dans ce projet qui devra répondre à notre double mission de soins de proximités et de recours, mais nous refusons, comme vous, de « réduire le capacitaire pour réduire le capacitaire ». Nous ne pouvons nous satisfaire d’un projet reposant sur des projections dogmatiques et comptables et qui conduisent à des scenarii irréalisables avec la fermeture injustifiée et injustifiable de 30% des lits d’hospitalisation complète. Nous vous demandons instamment d’intervenir afin que le projet Campus Hôpital Grand Paris Nord devienne un projet à la mesure des besoins de la population mais également des filières d’excellence spécifiques de nos deux hôpitaux dont le recrutement dépasse la zone d’implantation du nouvel hôpital. Votre soutien suscitera l’engagement, indispensable, des personnels hospitaliers. Vous avez l’occasion de prouver que vous voulez effectivement sortir des dogmes pour améliorer l’offre et la qualité des soins en confortant le service public hospitalier.

Premiers signataires :

Mme. Brigitte Agostini, représentante des usagers du Conseil de surveillance de l’APHP
M. Pierre Belleval, représentant des usagers Commission centrale de concertation avec les usagers APHP
Mme. Marie Citrini, représentante des usagers du Conseil de surveillance de l’APHP
Pr Olivier Corcos, Beaujon
Pr Bruno Crestani, Chef de service de pneumologie. Bichat
Dr Anne Gervais, Bichat
Mme. Bernadette Leguay, représentante des usagers de Beaujon
Dr Olivier Milleron, Bichat
Mme. Paulette Morin, représentante des usagers de Bichat