Industrie pharmaceutique

Le Monde.fr : L’indépendance et la transparence du comité chargé de rétablir la confiance à l’égard des vaccins font débat.

Décembre 2016, par infosecusanté

Une concertation citoyenne sur les vaccins déconcertante

L’indépendance et la transparence du comité chargé de rétablir la confiance à l’égard des vaccins font débat.

LE MONDE

09.12.2016

Remis le 30 novembre, le rapport de conclusions du Comité d’orientation de concertation citoyenne de la vaccination suscite déjà des questions. Le but de cette vaste concertation, demandée par la ministre de la santé, Marisol Touraine, en janvier, est de rétablir la confiance à l’égard des vaccins, très érodée en France, où le taux de couverture vaccinale est l’un des plus faibles d’Europe.

Ce ­débat public a été confié à un comité indépendant de seize personnes représentant la société civile, des professionnels de santé, des chercheurs en sciences humaines et sociales et présidé par le professeur Alain Fischer, spécialiste en immunologie pédiatrique, avec pour vice-présidente Claude Rambaud, coprésidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS).

L’indépendance et la transparence de ce comité font débat. Les déclarations publiques d’intérêts de trois des seize membres du comité d’orientation mentionnent des liens d’intérêts avec des laboratoires développant des vaccins, comme l’a indiqué l’Agence de presse médicale, le 2 décembre. Par ailleurs, la déclaration d’intérêts du professeur Thierry May, chef du service de maladies infectieuses et tropicales au CHU de Nancy, membre de ce comité, ne mentionne pas des dizaines de conventions et avantages avec des laboratoires pharmaceutiques, dont MSD et Sanofi, qui figurent pourtant sur le site Transparence-sante.gouv, mis en place par le ministère de la santé pour rendre accessible les liens d’intérêts.

En outre, Claire-Anne Siegrist, professeur de vaccinologie et de pédiatrie à l’université de Genève, elle aussi membre du comité, entretient des liens avec DBV Technologies, qui étudie un vaccin épicutané sous forme de patch de rappel contre la coqueluche. Claire-Anne Siegrist siège également au conseil de la biotech française depuis 2013. « Le comité a jugé que les compétences mondialement reconnues du Pr Siegrist en matière de recherche académique apportent un éclairage indispensable aux propositions du rapport », répond au Monde le professeur Fischer.

« Ce comité d’orientation n’est pas un comité d’experts et ne répond pas aux exigences de la charte de l’expertise », poursuit Alain Fischer. Une déontologue s’est exprimée sur « les conditions d’inclusion-exclusion des membres ». Le critère principal : « ne pas percevoir d’émoluments à titre personnel, issus notamment de l’industrie pharmaceutique. »

« Fiasco déontologique »

« Ces liens d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique sont pour certains à un degré suffisant pour les écarter de l’expertise sanitaire publique », pointe pourtant l’association pour une information médicale indépendante Formindep. Cette question des liens d’intérêts a aussi été dénoncée par l’association Entraide aux malades de la myofasciite à macrophages (E3M), très active dans le combat pour des vaccins sans aluminium.

Autre critique adressée au comité : le professeur Fischer n’a pas mentionné le prix Sanofi-Institut Pasteur reçu pour ses recherches sur les déficits immunitaires, d’un montant de 100 000 euros. « Cette récompense n’est en rien une collaboration avec le laboratoire Sanofi et n’entre pas dans le cadre de la déclaration d’intérêts, se défend-il. Elle n’est pas dissimulée. »

Pour Formindep, en revanche, « le fait de ne pas avoir déclaré tous les liens dans les déclarations d’intérêts peut être de nature à jeter le doute sur la transparence ». L’association évoque un « fiasco déontologique ». « Promouvoir une réelle pédagogie de la transparence », est l’un des axes majeurs affichés par le comité.

Le professeur Fischer rappelle que la transparence a été respectée dans le cadre de ce « comité indépendant et pluridisciplinaire qui a mis en ligne l’ensemble des documents ». « Ne jetons pas l’opprobre sur un travail qui a recueilli tous les points de vue », avertit un médecin de santé publique.

Un dernier point sème le trouble. De son propre chef, le comité a proposé que le futur comité technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé étudie l’extension du vaccin contre le papillomavirus (HPV) aux garçons. Cette hypothèse n’a pourtant été évoquée ni par le jury des professionnels de santé ni par celui des citoyens. Ce vaccin est actuellement recommandé pour les jeunes filles en France pour lutter contre le cancer du col de l’utérus, mais le taux de vaccination ne cesse de baisser et se situe à 14 %. Daniel Floret, ancien président du comité technique des vaccinations, estimait même, lors d’une audition cet été, qu’une telle option aurait « un bénéfice individuel direct très faible » pour les garçons.

Que va faire la ministre de la santé ? En guise de réponse à nos questions, les services de Marisol Touraine rappellent simplement : « Tout lien d’intérêts n’est pas un conflit d’intérêts. » « Les déclarations publiques d’intérêts sont remplies par les personnes elles-mêmes, sous leur responsabilité. Ce système diffère du dispositif transparence santé, dispositif bien plus large. » La ministre promet des mesures… prochainement.