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Le Monde.fr : La réforme de la dépendance « dans le viseur » du gouvernement

Mai 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : La réforme de la dépendance « dans le viseur » du gouvernement

Une réunion sur ce dossier maintes fois repoussée est prévue jeudi 20 mai, à Matignon, en présence de Jean Castex et des ministres concernées.

Par Alexandre Lemarié

Publié le 18/05/2021

On croyait ce grand chantier abandonné sur l’autel de la crise. En 2018, Emmanuel Macron avait promis une loi sur la dépendance des personnes âgées, qui devait être votée « avant la fin de l’année » suivante. Mais entre le mouvement des « gilets jaunes », la fronde contre la réforme des retraites, et l’épidémie de Covid-19, qui a suspendu le train des réformes, ce texte n’a jamais réussi à trouver sa place dans l’agenda de l’exécutif.

A moins d’un an de l’élection présidentielle, le vent semble tourner. « Le texte sur la dépendance est dans notre viseur », a annoncé le premier ministre, Jean Caxtex, le 10 mai, dans Le Parisien. Et maintenant bientôt sur la table. Selon nos informations, une réunion sur le sujet est prévue jeudi 20 mai à Matignon, en présence du chef du gouvernement et des ministres concernées, afin de faire avancer ce dossier maintes fois repoussé.

Nommée au gouvernement à l’été 2020 pour porter cette réforme, la ministre déléguée à l’autonomie, Brigitte Bourguignon, espère qu’elle sera inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale « en septembre, au plus tard ». A ses yeux, il s’agit d’un « projet de sortie de crise », dont le champ est devenu au fil du temps bien plus large que le seul sujet de la dépendance et du grand âge.

Certes, la mesure-phare reste la volonté de développer la prise en charge domiciliaire, en réduisant la part de personnes âgées en Ehpad. Mais Matignon insiste sur l’aspect « intergénérationnel » du texte. Une orientation qui devrait figurer dans le nom de la loi, au détriment de celui de « dépendance », jugé trop réducteur, selon des sources gouvernementales. « On ne pouvait pas donner l’impression de défendre une nouvelle fois les intérêts des seniors, alors qu’en sortie de crise, s’il y a de l’argent à dépenser, cela doit plutôt être pour les jeunes », décrypte un conseiller de l’exécutif.

Un coût évalué à 10 milliards d’euros
Brigitte Bourguignon défend cette approche « intergénérationnelle ». « C’est un projet de loi qui anticipe la transition démographique, qui parle à tout le monde : au-delà des personnes âgées directement concernées, et celles en passe de l’être, l’aide à domicile est un secteur pourvoyeur d’emplois pour des milliers de jeunes, et beaucoup d’actifs s’occupent de leurs parents », faisait-elle valoir, devant des journalistes, le 6 mai.

Lors de la réunion jeudi 20 mai à Matignon autour du premier ministre, il devrait donc être question d’autonomie des personnes âgées, mais aussi de l’emploi des jeunes, du service civique, ou de la rénovation des Ehpad… Cette portée interministérielle explique que la ministre chargée du logement, Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse, Sarah El Haïry ou encore celle chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, soient annoncées.

Si elle paraît désormais bien lancée, cette réforme pâtit toutefois de deux freins majeurs : le calendrier parlementaire est déjà bien rempli dans les mois à venir ; et, surtout, son coût, évalué à près de 10 milliards d’euros, a jusque-là refroidi l’Elysée. D’après des participants lors du séminaire gouvernemental, en janvier, M. Macron a lui-même lié le sort de cette réforme à celle des retraites, dans un souci d’équilibre budgétaire. « Je ne ferai pas une dépense de plus sur le social, comme sur la dépendance, si on n’a pas trouvé une équation sur les retraites avant », a-t-il expliqué à un ministre au cœur des discussions, il y a plusieurs semaines. « On ne peut pas remettre 10 milliards sur la table, sans rentrer d’argent », appuie un poids lourd du gouvernement.

Tonalité sociale bienvenue
« Rien n’est tranché », tempère aujourd’hui l’exécutif. Certains macronistes évoquent la possibilité que M. Macron mène à bien « une réforme sociétale », pas forcément liée à celle des retraites, de moindre ampleur que prévu. D’autres désignent la dépendance comme une « réforme parfaite » pour un second mandat… Au grand dam de Brigitte Bourguignon, qui ne veut pas attendre la fin de la législature. « En 2030, un tiers de la population aura plus de 65 ans donc c’est un projet de société, qui ne doit pas être regardé comme un coût mais comme un investissement », souligne-t-elle.

Dans la majorité, plusieurs députés poussent également pour que la réforme soit mise en œuvre avant la fin du quinquennat. « On a connu le baby-boom, puis le paby-boom et demain, ce sera le dépendance-boom ! Il faut s’y préparer et s’occuper de ce problème social et sanitaire si on ne veut pas laisser toute une génération vieillir dans l’insalubrité et la solitude, plaide Olivier Becht, président du groupe Agir de l’Assemblée et député du Haut-Rhin. On ne peut pas dire qu’on a dépensé 200 milliards pour sauver les banques et les entreprises mais qu’on n’a pas 10 milliards pour la dépendance. »

A l’aile gauche de la majorité, on y voit une loi à tonalité sociale bienvenue, à l’heure où les textes régaliens occupent tout l’espace. « Si on veut que cette dernière année soit réellement utile au pays, on ne peut pas passer à côté du sujet du grand âge et de la dépendance. N’ayons pas peur de ce sujet essentiel », estime le député LRM de Paris, Hugues Renson.

Son collègue de la Vienne, Sacha Houlié, appelle à « inscrire dès que possible » ce texte à l’agenda parlementaire. Les partisans d’une loi rappellent notamment que le gouvernement a lui-même posé la première pierre de la future réforme, avec la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale, consacrée à la dépendance, à l’été 2020.

Alexandre Lemarié