Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : La santé, grande oubliée du plan de relance européen

Août 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : La santé, grande oubliée du plan de relance européen

Le programme santé de l’Union européenne, proposé par la Commission, a fait les frais de l’accord du 21 juillet sur le plan de relance et le budget communautaire. Des députés dénoncent ce « mauvais signal » dans une Europe toujours en proie au Covid-19.

Par Cédric Vallet

Publié le 21 août 2020

Ce n’est plus le chaos, mais c’est toujours le désordre. L’Allemagne offre au grand public des possibilités de tests Covid-19 à grande échelle. L’Italie vise les personnes symptomatiques. La Bulgarie restreint ses tests à des tranches de population ciblées. Pour Véronique Trillet-Lenoir, députée européenne de la commission environnement et santé publique, issue des rangs macronistes (groupe Renew), cette « désorganisation » face à la pandémie confirme qu’en matière de santé, il existe « un besoin majeur de plus d’Europe ».

Le coronavirus a provoqué une véritable « prise de conscience que certaines menaces sur la santé ne peuvent pas être combattues efficacement au niveau national », avance même Peter Liese, eurodéputé allemand du Parti populaire européen, spécialiste des questions de santé. Signe de cette prise de conscience, la Commission européenne avait proposé, le 28 mai, de sortir son programme santé du formol en le finançant, pour les sept prochaines années, à hauteur de 9,4 milliards d’euros, au lieu des 450 millions qui lui étaient affectés entre 2014 et 2020.

Un montant de 1,7 milliard aurait figuré au budget communautaire et 7,7 autres milliards auraient été couverts par le plan de relance. Une véritable thérapie de choc pour la santé, petit poucet budgétaire. « Nous avions l’espoir d’avancer vers des politiques ambitieuses au niveau européen », insiste Véronique Trillet-Lenoir.

« Pas acceptable »
L’espoir a vite été douché. Le 21 juillet, les chefs d’Etat et de gouvernement ont conclu un accord − unique en son genre − permettant de compléter les 1 074 milliards du budget pluriannuel de l’Union européenne d’un plan de relance de 750 milliards d’euros, financé par une dette commune.

L’adoption de ce plan a été « saluée » par grande une majorité de parlementaires, dans leur résolution du 23 juillet. Mais ces mêmes députés critiquaient vertement les « coupes » dans plusieurs programmes européens que contenait cet accord. A commencer par les 7,7 milliards destinés à la santé, effacés d’un trait de plume du plan de relance.

Au matin du 21 juillet, « l’Union européenne pour la santé », ce n’était plus qu’une enveloppe de 1,7 milliard d’euros, au lieu des 9,4 milliards initialement envisagés. Des députés dénoncent un « mauvais signal ». « Il ne peut pas y avoir de réponse forte à une prochaine pandémie sans programme européen conséquent. Ce n’est pas acceptable », assène Rasmus Andresen, député européen allemand, membre du groupe des Verts.

Le programme santé de l’Union européenne fait pourtant figure de rescapé. Vu son maigre budget, il était envisagé, dans le monde d’avant le Covid-19, de n’en faire qu’un petit sous-programme du fonds social européen, sans réelle visibilité ni existence propre. Une petite mort lui était promise. Les Etats n’ont pas beaucoup d’appétence pour alimenter des programmes de ce type, car, a priori, la santé publique est de leur compétence, pas de celle de l’UE.

Mais en réalité, l’Union européenne n’est pas impuissante en matière de santé. Elle peut jouer des rôles de coordination. Surtout dans le domaine où « la lutte contre les menaces transfrontalières graves » − type pandémie − fait partie de ses attributions. Le nouveau coronavirus a permis brutalement de s’en souvenir, insufflant une nouvelle vie à l’idée d’un programme santé ambitieux.

Relocaliser la production de médicaments
La Commission avait imaginé plusieurs idées pour utiliser ces milliards tant espérés : lancer un vaste plan cancer ; lutter contre les inégalités de santé ; mieux coordonner les réponses aux pandémies. Cette ligne budgétaire « santé » aurait pu s’additionner à celles d’autres programmes, comme le mécanisme de protection civile de l’Union, pour « constituer des stocks stratégiques de fournitures médicales », ou créer une réserve de « personnel médical et d’expert ».

« L’Union européenne pour la santé » aurait même pu s’aventurer dans de nouveaux territoires, ceux de la relocalisation de la production de médicaments. « Nous imaginions nous inspirer en partie du fonctionnement de la Barda aux Etats-Unis (autorité américaine pour la recherche et le développement biomédical avancé), explique une source européenne. Aux Etats-Unis, cette autorité développe des partenariats public-privé, subventionne les firmes qui produisent des médicaments ou des vaccins. La baisse du financement du programme santé nous empêchera ce type de financements directs. » Cette source confie qu’au sein de la Commission européenne, le choix des chefs d’Etat et de gouvernement a beaucoup « déçu et surpris ».

Comment l’expliquer ? Il y a d’abord eu les fameux Etats autoproclamés « frugaux » et mobilisés à chaque instant pour réduire le budget européen. Et, plus généralement, un diplomate explique que « les dirigeants ont privilégié des dispositifs évitant de passer par des programmes européens », préférant s’assurer un contrôle plus direct de l’attribution des fonds à travers d’autres instruments.

Le Parlement européen et la présidence allemande du conseil de l’Union européenne entament des négociations au sujet du budget communautaire, à la suite de l’accord du 21 juillet. Les députés réclameront un renflouement du programme pour la santé. « Et nous n’abandonnerons pas, c’est un combat qui s’annonce », prévient l’Allemand Peter Liese.

Cédric Vallet(Bruxelles, correspondant)

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