Loi de modernisation du systéme de santé (Touraine) 2015

Le Monde.fr : Le Conseil constitutionnel limite l’accès au tiers payant

Février 2016, par infosecusanté

Le Conseil constitutionnel limite l’accès au tiers payant
Le Monde.fr | 22.01.2016

Par François Béguin
Le conflit qui oppose depuis des mois une partie des médecins libéraux à la ministre de la santé Marisol Touraine pourrait bien se solder par un match nul. Saisi par les parlementaires d’opposition, le Conseil constitutionnel a en effet invalidé, jeudi 21 janvier, une partie du dispositif du tiers payant généralisé, la mesure phare du projet de loi de santé qui prévoyait d’ici fin 2017 une dispense d’avance de frais intégrale pour les consultations chez un généraliste ou un spécialiste.
Si cette décision ne change rien pour les 15 millions de Français entièrement pris en charge par la sécurité sociale (femmes enceintes, personnes en maladie de longue durée…) qui ne devraient comme prévu plus rien avoir à débourser chez leur médecin à partir du 31 décembre 2016, elle va en revanche changer ce qui était prévu pour le paiement des autres types de consultation.
Alors que la loi prévoyait une dispense intégrale de frais au 30 novembre 2017, cette dispense ne sera finalement plus que partielle. Sur une consultation à 23 euros, les patients n’auront certes plus à débourser les 15,10 euros pris en charge par l’Assurance maladie mais pourraient toujours devoir avancer les 6,90 euros correspondant à la part des complémentaires santé. En contraignant le gouvernement à instaurer ce système intermédiaire, le Conseil constitutionnel altère la lisibilité de la mesure gouvernementale : « Les Français ne paieront plus chez le médecin », promettait Mme Touraine dans un entretien au Monde en juin 2014.
Une asymétrie de traitement
Pour expliquer leur censure partielle, les juges de la rue Montpensier ont fait valoir que le législateur n’avait « pas suffisamment encadré ce dispositif et ainsi méconnu l’étendue de sa propre compétence ». En clair, pour rassurer les médecins, la ministre de la santé avait pris soin de faire figurer noir sur blanc dans la loi comment elle entendait contraindre l’Assurance Maladie à les payer dans des délais contraints (sept jours maximum) mais n’avait rien dit au sujet des complémentaires santé. Une asymétrie de traitement qui a valu à l’article 83 de la loi santé d’être partiellement censuré, « alors même que les médecins n’ont jamais fait du délai de paiement le point cardinal de leur critique », assure un bon connaisseur du dossier.
« Cela nous avait inquiété de voir que le gouvernement ne mettait pas dans la loi les mêmes contraintes aux régimes complémentaires qu’au régime obligatoire », explique Claude Leicher, le président du syndicat MG France, majoritaire chez les médecins généralistes. « En raison du lobbying des organismes complémentaires, il n’a pas voulu imposer des règles à ce marché », regrette-t-il.
« Une victoire pour les médecins libéraux »
Après des mois de contestation du projet de loi santé, les responsables syndicaux ne boudaient pas leur satisfaction jeudi soir. « C’est une victoire pour les médecins libéraux », réagissait Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF, le syndicat majoritaire, rappelant qu’il avait régulièrement « dénoncé les risques de non-paiement » par les complémentaires. « On allait devoir passer notre temps à vérifier qu’on avait bien été payés », dit-il. « On serait heureux si on n’avait pas perdu trois ans pour faire la réforme dont le pays a besoin », ajoutait Jean-Paul Hamon, le président de la FMF.

De son côté, le ministère de la santé s’attachait jeudi soir à minimiser la portée de cette décision, en rappelant que les complémentaires santé auraient « l’obligation de le proposer aux assurés dans le cadre des contrats responsables », soit plus de 90 % des contrats. On se félicitait par ailleurs que toutes les autres dispositions importantes du texte, comme le paquet de cigarettes neutre, les salles de shoot ou le droit à l’oubli, aient reçu l’aval de la rue Montpensier.
Sur le tiers payant, Mme Touraine devra dire si elle entend en rester là ou si elle souhaite retourner au Parlement pour préciser l’encadrement des organismes complémentaires. Mais à quelques mois de l’élection présidentielle de 2017, il n’est pas certain que la ministre de la santé souhaite rallumer le conflit avec les professionnels de santé libéraux.
François Béguin
Journaliste au Monde