Les Ehpads et le grand âge

Le Monde.fr : Le coût des Ehpad, une source d’angoisse pour les Français

Novembre 2019, par infosecusanté

Le Monde.fr : Le coût des Ehpad, une source d’angoisse pour les Français

Le gouvernement a promis une loi, au plus tard début 2020, qui réduirait la facture pour les personnes dépendantes.
Par Béatrice Jérôme

Publié le 22/11/2019

Des soignants trop peu nombreux au chevet des personnes âgées, inquiets d’être malgré eux complices d’une « maltraitance institutionnelle » : les grèves dans les maisons de retraite en 2017, 2018 et celle du 8 octobre ont braqué les projecteurs sur leur manque de personnel. A l’inquiétude sur la qualité des soins s’ajoute pour les Français celle de ne pouvoir faire face à la cherté des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Le think tank Cercle vulnérabilités et société a interrogé au printemps 850 proches d’une personne âgée placée en Ehpad. Parmi eux, 54,7 % jugent que « le principal défaut de ce lieu de vie » est son « coût », 18 % critiquant « la non-disponibilité des professionnels ».

Emmanuel Macron s’est fait fort de baisser la facture des seniors en maison de retraite. Le 13 juin 2018, le président de la République s’est engagé à présenter une loi sur la prise en charge du grand âge. Ce « sera un autre grand marqueur social de ce quinquennat, peut-être un des plus importants », a renchéri le premier ministre, Edouard Philippe, un an plus tard. Promise par la ministre de la santé Agnès Buzyn au plus tard « début 2020 », la réforme pourrait être débattue au Parlement au printemps.

Résoudre le casse-tête de la tarification des Ehpad suppose de remettre à plat un système complexe et relativement inéquitable. « Les plus mal loties sont les classes moyennes inférieures, constate le sociologue Serge Guérin. Elles ne sont ni assez pauvres pour avoir des aides sociales, ni assez riches pour faire face au coût. » Les plus modestes peuvent prétendre à une allocation logement versée par l’Etat et obtenir une « aide sociale à l’hébergement » (ASH) financée par les départements. Les plus aisés sont avantagés par le crédit d’impôt dont ils peuvent bénéficier.

Le prix médian pour une chambre s’élève à 1 977 euros
En 2018, le prix médian pour une chambre individuelle en Ehpad s’élève à 1 977 euros, selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Or, le montant moyen net des pensions de retraite est d’environ 1 330 euros.
Les prix indiqués ne sont certes pas le montant que déboursent les personnes âgées puisqu’elles bénéficient notamment de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il n’empêche : 75 % des 620 000 résidents en Ehpad ont des revenus inférieurs au coût de leur séjour et la moitié sortent de leur poche au moins 1 850 euros par mois, selon une étude de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) parue en novembre 2018. Un tiers d’entre eux puisent dans leur épargne et 11 % font appel à leur entourage.

Si le gouvernement reste muet sur ses arbitrages financiers, il dispose du rapport remis en mars à Mme Buzyn par Dominique Libault, le président du Haut Conseil du financement de la protection sociale. Celui-ci avance plusieurs solutions, dont la création d’une prestation mensuelle dégressive en fonction des ressources. M. Libault propose aussi un « bouclier autonomie » si le séjour dure plus de quatre ans : un financement public couvrirait le reliquat de la facture afin que la personne n’ait pas à débourser plus de 90 % de ses revenus.

Pérenniser les établissements publics
Maintenir une offre de prix abordables implique également de pérenniser les établissements publics (45 % du parc), dont les tarifs médians sont inférieurs, selon la CNSA, de plus de 860 euros à ceux à but lucratif, qui répercutent l’amortissement des dépenses immobilières et la rétribution de leurs actionnaires dans leurs tarifs.
« Face à quelques grands groupes privés bien organisés, les établissements publics sont balkanisés. Il est possible de baisser leurs tarifs en les pilotant différemment pour chercher l’efficience », estime Jérôme Guedj, ex-patron de l’Essonne. En 2013, l’ancien patron (PS) du département a engagé la collectivité dans la recherche de terrains bon marché pour y construire des Ehpad et les gérer en direct. La création d’un « service essonnien du grand âge » a permis de mutualiser les charges et de pratiquer des prix inférieurs à ceux du secteur privé local.

Dégager des marges de manœuvre pour les Ehpad publics suppose de ne pas leur imposer une « inégalité de traitement », affirme de son côté la Fédération hospitalière de France (FHF), qui dénonce les exonérations partielles des charges patronales sur les salaires, uniquement autorisées pour les Ehpad privés. « On voudrait tuer les établissements publics qu’on ne s’y prendrait pas autrement », s’indigne Marc Bourquin au nom de la FHF.

M. Libault préconise aussi un plan de 3 milliards d’euros sur dix ans pour remettre en état le secteur public. Les mesures qu’il propose, par ailleurs, pour baisser la note des seniors sont évaluées à 2 milliards d’euros à partir de 2024 et à 2,7 milliards à compter de 2030. A mettre sur le compte de l’Assurance-maladie.